Une histoire partagée sur les réseaux sociaux, qui s'avère être une boîte de Pandore: il y a environ une semaine, une ancienne étudiante de la Haute école d'art et de design (HEAD) de Genève a dénoncé, via une Story Instagram, le comportement de son ancien prof — qui enseigne toujours, relaient «Le Courrier» et la RTS.
En cause? Drague déplacée et harcèlement. En 2014, celle que les médias appellent Manon* termine sa première année de Bachelor. Elle a 20 ans, son prof Stéphane* a quant à lui plus du double de son âge. Lors d'une fête de fin d'année bien arrosée, Stéphane invite la jeune femme dans son bureau et l'embrasse. Puis, il lui écrit tous les jours, sur son mail privé... pendant trois mois.
«Tu vas me manquer»
Plusieurs fois, Manon lui rétorque que la situation la met mal à l'aise, elle aimerait que les messages s'arrêtent. À la rentrée, ils se retrouvent en cours. Il a (enfin) lâché l'affaire. Aujourd'hui, ce cas, qui n'a été dénoncé (sur les réseaux sociaux) qu'au printemps 2024, soit dix ans après les faits, est prescrit. Mais Manon n'est pas la seule à avoir subi le comportement de cet enseignant: six ans plus tard, en 2020, un autre cas émerge.
Celle qu'on nomme Audrey* reçoit un SMS à la fin de l'année: «Je ne devrais pas te dire ça, mais tu vas me manquer». Audrey explique, sur les plateformes de la RTS: «Il m'a fait comprendre qu'il avait une attirance pour moi. Lui me fascinait en tant qu'artiste, j'étais venue à la HEAD pour suivre les cours qu'il donnait.» Elle entame une relation avec lui, qui dure quelques mois.
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Mais, quand elle y met fin, Stéphane vrille: il devient «agressif», il annule tous ses rendez-vous scolaires, entre autres. Puis, il y a le cas d'Ophélie*, en échange Erasmus à la HEAD en 2022. Stéphane s'est mis à lui écrire sur les réseaux: «J'aime voir tes stories au réveil, je pense très fort à toi, j'ai hâte de te voir. Ps: voici mon numéro. C'est peut-être plus simple de t'envoyer des messages par WhatsApp, comme tu veux.» La jeune femme lui rétorque que c'est déplacé. La situation ne va pas plus loin, il présente ses excuses.
Faits prescrits...
Au total, la RTS a pu récolter au moins quatre témoignages visant deux profs différents. Ces affaires n'ont pas fait l'objet de plaintes. Et la HEAD n'en aurait entendu parler qu'au printemps 2024. «Après plusieurs mois de procédure, Stéphane a été convoqué à un entretien de service, le 3 juillet dernier. Mais les faits sont prescrits», indique le service public.
Et s'ils ne l'étaient pas? «Pour la Haute école d'art et design qui appartient aux Hautes Écoles Spécialisées de Genève, une charte partagée avec l'Université de Genève interdit le harcèlement sexuel, mais aucun texte ne proscrit les relations entre les professeurs et leurs étudiants.»
La HEAD va revoir le règlement?
Quant au harcèlement, il aurait pu être sanctionné... s'il avait été dénoncé: «Dans le cas d'une procédure pour sanctions disciplinaires, le délai de prescription est d'un an après la découverte de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation.»
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Quoi qu'il en soit, la direction envisage de revoir les règles du jeu: «C'est un point sur lequel nous allons peut-être plus particulièrement revenir ces prochaines semaines pour voir s'il conviendrait d'être plus précis dans les textes», a affirmé Daniela Di Mare Appéré à nos confrères et consœurs.
En attendant, la directrice générale indique avoir mis en place un dispositif pour que les personnes, victimes ou témoins d'abus, puissent s'adresser à une permanence confidentielle d'écoute et de soutien.
*Prénoms d'emprunt.