La ministre de la Défense Viola Amherd joue enfin cartes sur table. Cela fait bientôt deux ans que le Parlement exige une stratégie claire pour l'armée. Avec la guerre en Ukraine, l'impression de menace s'est intensifiée. L'armée suisse n'est pas équipée pour y faire face. C'est justement autour du débat sur l'augmentation du budget de l'armée que des voix se sont élevées pour demander à Viola Amherd de montrer comment elle entend réorienter l'armée.
Le Département de la défense (DDPS) n'ayant pas apporté de réponses, la commission de sécurité du Conseil des Etats a réitéré sa demande il y a un an. Jusqu'au mois d'août au plus tard, Viola Amherd aurait dû montrer dans un rapport comment la capacité de défense du pays pouvait être renforcée. Mais ce délai n'a pas non plus été respecté.
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Sur terre, dans les airs – et dans l'espace
Mais l'attente est enfin terminée. Mercredi, le Conseil fédéral a approuvé le rapport «Capacité de défense et coopération». Celui-ci expose sur 35 pages comment la compétence de défense de l'armée peut être renforcée et comment une coopération approfondie avec l'OTAN peut être atteinte.
Afin d'identifier plus tôt les menaces, le service de renseignement militaire et le service de protection préventive de l'armée seront développés au cours des deux prochaines années. En outre, le DDPS élabore même des plans dans l'espace pour le renseignement. Parallèlement, l'armée doit être mise à niveau le plus rapidement possible dans tous les secteurs – sur terre, sur mer, dans les airs et dans le cyberespace. Un défi de taille compte tenu des difficultés financières de l'armée qui viennent d'être révélées.
A court terme, l'armée veut également agir sur la préparation et l'instruction. Il s'agit d'organiser davantage d'exercices de combat à grande échelle. Afin d'entraîner des scénarios proches de la réalité, les possibilités de collaboration avec les forces armées des pays voisins seront examinées.
Enfin, l'armée suisse est arrivée à la conclusion que certains systèmes plus anciens, qui devraient bientôt être mis au rebut, doivent encore être utilisés plus longtemps. Elle cite par exemple le missile antiaérien Stinger et le bazooka 90, dont la guerre en Ukraine a démontré l'efficacité.
Retour au bunker
En août dernier, la direction de l'armée avait déjà annoncé vouloir changer beaucoup de choses. Elle veut retrouver le plus rapidement possible la capacité de défendre le pays. «Avec Armée 21, on s'est davantage concentré sur les tâches de protection. On s'est adapté à la situation de la menace de l'époque», a expliqué le chef de l'armée Thomas Süssli lors de la présentation du rapport «Renforcer la défense». La paix régnait en Europe depuis des décennies.
Thomas Süssli veut à nouveau miser sur des valeurs sûres: Les bunkers condamnés après la guerre froide doivent être remis en service. L'artillerie et la défense antichars et antiaérienne doivent être renouvelées et une partie des chars envoyés au tri sélectif doivent être remis en état – les leçons tirées de la guerre en Ukraine ont été nombreuses. La cyberdéfense et l'acquisition de renseignements doivent également être développées. Et l'armée a besoin de beaucoup plus de munitions. La liste des achats est longue.
Fini le cavalier seul
En tant qu'Etat neutre, la Suisse aspire à se défendre de manière autonome. «En cas d'attaque, elle est toutefois libre d'organiser sa défense en collaboration avec d'autres Etats», précise le Conseil fédéral. Ainsi, une coopération approfondie avec l'OTAN doit être atteinte en même temps – toujours dans le respect de la neutralité.
Toutefois, le Conseil fédéral ne cache guère qu'il est tout à fait disposé à, au moins, ébranler la neutralité: «La Suisse s'est largement imposée elle-même les restrictions actuelles; il lui appartient donc de les abandonner ou du moins de les adapter dans le cadre du droit de la neutralité.»
L'envoi de soldats pour des missions d'instruction au profit de tiers ou le transit de personnel militaire étranger par la Suisse lors d'exercices sont par exemple à l'étude. A cela s'ajoute la participation prévue au système européen de défense aérienne Sky Shield. Une base juridique doit être créée à cet effet.
Mais ce bouclier de l'OTAN n'est pas gratuit. La coopération est un échange donnant-donnant et présuppose la disponibilité des partenaires, précise le Conseil fédéral. C'est pourquoi la Suisse est appelée à fournir des contributions substantielles, notamment dans le domaine de la promotion militaire de la paix dans les zones de conflit.