Les autorités suisses veulent s'en tenir à leur définition de la neutralité. L'Office fédéral de l'armement Armasuisse, qui dépend de la ministre de la Défense Viola Amherd, n'est pas le seul à avoir refusé des dizaines de demandes d'exportation de matériel de protection et de guerre vers l'Ukraine depuis le début du conflit. Le Secrétariat d'État à l'économie du conseiller fédéral UDC Guy Parmelin a également dit non à l'Allemagne, ce qui devrait susciter l'irritation de nos voisins.
«Le Seco a reçu deux demandes de l'Allemagne concernant la transmission à l'Ukraine de munitions en provenance de la Suisse», confirme le porte-parole du Seco Fabian Maienfisch à la «Sonntagszeitung».
L'Allemagne se bat depuis longtemps pour livrer des armes lourdes à l'Ukraine. L'échec serait dû à une quantité insuffisante de munitions pour le véhicule blindé de combat d'infanterie de type Marder que l'Ukraine souhaite acquérir. Son fabricant est le groupe d'armement allemand Rheinmetall, qui fait également produire des munitions en Suisse.
Des reproches sont formulés en Allemagne
Mais le Seco a interdit la transmission de ces munitions à l'Ukraine via l'Allemagne. Les demandes de cette dernière auraient reçu une réponse négative à cause de la neutralité suisse et de la législation sur le matériel de guerre.
En Allemagne, cette décision suscite la colère. Dans un talk-show, la politicienne verte Marieluise Beck n'a pas caché sa déception. Au vu des crimes de guerre commis par la Russie et des discussions menées sur un rattachement plus étroit à l'OTAN, les Suisses devraient selon elle «participer à la livraison». On accuse la Suisse d'être coresponsable du fait que l'Allemagne ne puisse pas livrer d'armes lourdes à l'Ukraine.
La loi interdit les livraisons aux belligérants
Le Seco a toutefois les mains liées. Selon la loi, la Suisse ne peut pas exporter de matériel de guerre si le pays de destination est impliqué dans un conflit armé interne ou international. C'est le cas de l'Ukraine. Les exportations de matériel de guerre doivent donc «impérativement être refusées».
En plus de l'Allemagne, d'autres États sont bloqués dans leur exportation du matériel de guerre acheté en Suisse. Par une déclaration de non-réexportation, ils s'engagent à ne pas transmettre le matériel de guerre reçu sans l'accord préalable de la Suisse.
Mais tous ne semblent pas s'y tenir. Ainsi, la Grande-Bretagne aurait envoyé en Ukraine des armes antichars équipées d'ogives suisses. Les Britanniques auraient ainsi profité d'une faille dans la législation: les pièces détachées ou les sous-ensembles d'une arme ne nécessiteraient pas d'autorisation spéciale de la Confédération pour être exportés.
Les règles strictes sont également remises en question chez nous
En Suisse aussi, les règles strictes sont remises en question depuis le début de la guerre en Ukraine. C'est ce que révèle un sondage représentatif de Blick. Un peu moins de 50% des électeurs verts veulent envoyer des armes en Ukraine. Au PS, ils seraient tout de même 37%.
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De même, 62% de la population demandent que la Confédération envoie des casques et des gilets de protection pour les Ukrainiens sur le front.
(Adaptation par Jocelyn Daloz)