Alors que les loyers subissent leur plus forte augmentation depuis une décennie, les autorités fédérales démantèlent la protection contre les abus des bailleurs. Les représentants politiques des milieux immobiliers imposent leur loi au détriment de la majorité de la population. L’ASLOCA s’y oppose et va lancer une initiative. Depuis juin 2023, des milliers de locataires se sont vu imposer coup sur coup deux majorations de loyer de 3% à 6% chacune. Celles-ci impactent des loyers déjà hyper-abusifs et entraînent une spirale à la hausse.
L’augmentation générale des loyers et la dégradation des conditions de vie de la population qui va de pair sont soutenues par les autorités. Celles-ci ne respectent pas le mandat que leur donne la Constitution de prendre des mesures pour lutter contre les abus dans le secteur locatif. Dans aucun autre domaine le droit n’est bafoué de manière aussi massive et systématique.
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Comment en est-on arrivé là?
Le locataire est dépendant du bailleur. Personne ne peut se passer d’un logement. Le locataire est la partie faible au contrat et doit être protégé. La loi interdit donc les loyers abusifs. Mais il y a un hic. Au lieu de forcer le bailleur à respecter la loi, le droit rejoue David contre Goliath. Ce n’est en effet pas au bailleur de justifier son loyer mais au locataire de faire un procès au bailleur!
Sans surprise, ce système ne marche pas. Sur environ 400'000 baux conclus par année, à peine plus de 1000 locataires font valoir leur droit à contester le loyer au début du bail. Le droit est donc à l’avantage des bailleurs, mais ceux-ci ne s’en contentent pas. Ils ont entamé une vaste offensive contre cette protection avec le soutien du Tribunal fédéral et du Parlement.
Les milieux immobiliers ont obtenu du Tribunal fédéral une garantie de leurs loyers abusifs. En effet, la jurisprudence a considérablement restreint la possibilité pour un locataire de contester un loyer abusif. Si le locataire n’agit pas d’emblée à la conclusion du bail, il ne pourra plus jamais le faire ensuite. Pire encore, les locataires qui lui succèderont seront également privés de cette possibilité, à moins que le bailleur cherche à leur imposer un nouveau loyer beaucoup plus élevé encore. Auparavant, un locataire pouvait régulièrement solliciter une baisse de loyer pour ramener celui-ci à un niveau légal, même s’il ne l’avait pas fait au début du bail.
Le Tribunal fédéral soutient la hausse des loyers
Le Tribunal fédéral ne s’est pas arrêté là. En 2020, il a repris dans sa jurisprudence, telle quelle, une proposition des milieux immobiliers au Conseil national, avant même que ce dernier en débatte. Grâce à cette jurisprudence, le bailleur est désormais en droit, sans que son loyer soit jugé abusif, d’obtenir du locataire un rendement net de 3,75%, plus l’inflation. Quel épargnant peut bénéficier d’un tel rendement et d’une telle sécurité?
Telle était la situation au moment où le Parlement a adopté deux lois, dont l’une du Président de l’association des propriétaires, destinées à faciliter les congés. Le but est de permettre à un maximum de bailleurs de profiter de la jurisprudence: résilier le bail pour relouer ensuite à un loyer abusif difficile à contester.
L’ASLOCA a lancé le référendum. Nous voterons sur ces lois le 24 novembre. Le Parlement s’apprête encore à voter deux autres propositions du président de l’association des propriétaires. Il s’agit cette fois de supprimer de facto la possibilité de contester le loyer au début du bail et de permettre aux bailleurs de fonder les hausses de loyer en invoquant leur propre statistique des loyers environnants.
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La protection contre les abus des bailleurs est en danger
Avec ces attaques, les milieux immobiliers sont à quelques mètres de la ligne d’arrivée. En une décennie, ils auront supprimé la protection acquise par les locataires en 50 ans de mobilisation. La protection contre les abus des bailleurs a été instituée à la suite d’une initiative de l’ASLOCA et du Mouvement populaire des familles à la fin des années 1960. L’ASLOCA se mobilise à nouveau et va lancer une initiative populaire.
Celle-ci repose sur trois piliers. D’abord empêcher le bailleur d’imposer un loyer abusif au locataire en place ou à un nouveau locataire. Si le bailleur pense être en droit de majorer le loyer, il devra le démontrer. Ça ne sera plus au locataire qui en est la victime de le contester. Empêcher les hausses de loyer ne suffit aujourd’hui plus, le niveau des loyers est beaucoup trop élevé. Les bailleurs devront donc réduire les loyers déjà abusifs au niveau autorisé par la loi.
Et, enfin, pour stopper la spirale à la hausse des loyers, le critère qui permet au bailleur de majorer ses loyers au motif que ceux du quartier seraient plus élevés sera supprimé. Cette initiative a donc pour seul objectif de faire respecter l’interdiction de pratiquer des loyers abusifs. Elle changera cependant la vie aux millions de locataires que compte la Suisse.