Le trust est une institution juridique de droit anglais institué par des seigneurs féodaux pour échapper à l’impôt de la monarchie au Moyen-Âge. Il repose sur un accord entre le propriétaire d’un bien et une personne de confiance pour qu’elle le gère au bénéfice d’un tiers.
Il sert aujourd’hui encore les intérêts d’une oligarchie financière. Il est aussi très souvent utilisé pour frauder le fisc ou blanchir de l’argent.
C’est donc sans surprise que le PLR a cherché à imposer au Parlement fédéral la création d’un trust helvétique et à le placer en bonne position dans la course au moins-disant, quelque part entre Jersey et Singapour.
Précisons en effet que les trusts étrangers sont d’ores et déjà reconnus en Suisse, par le biais d’une convention internationale. Créer une institution nationale n’avait donc d’intérêt que si celle-ci pouvait offrir de meilleures perspectives de sous-enchère fiscale. Le projet a capoté parce qu’une majorité de cantons a d’emblée indiqué qu’elle refuserait de flanquer ce trust d’un régime fiscal d’exception.
Il en faut plus pour que Thierry Burkart – président du PLR – abandonne. Il a donc fouillé dans les archives juridiques et dégoté dans les oubliettes de l’Ancien Régime l’institution des fidéicommis familiaux (ou fondation de famille).
Thierry Burkart veut ressusciter la «fondation de famille»
Qu’est-ce que la fondation de famille que Thierry Burkart veut ressusciter dans sa plénitude historique? Il s’agit d’une institution qui a une double fonction: conserver intacte et accroître la puissance du clan, en évitant que la fortune soit dispersée au fil des héritages, ainsi que rassembler et soumettre les membres du clan à la volonté du patriarche fondateur de la dynastie.
L’institution s’avère parfaitement adaptée au rôle qu’on veut lui faire jouer: servir les quelques familles qui concentrent des richesses à des niveaux jamais atteints dans l’histoire de l’humanité. Le PLR veut donner la possibilité à ces nouveaux seigneurs de s’assurer que leurs immenses fortunes resteront dans le clan à tout jamais, de générations en générations, pour des siècles et des siècles.
Thierry Burkart veut sans doute aussi soutenir la multitude de gestionnaires d’actifs, d’avocats d’affaires, de fiduciaires et autres sociétés de conseils qui gravitent d’ordinaire autour de ces fortunes.
Lorsque fondation de famille existait encore en Suisse – et pour celles qui fonctionnent aujourd’hui – le patriarche pouvait imposer à sa lignée et aux générations futures sa conception de la famille et des modes de vie légitimes. Celles et ceux qui ne s’y soumettaient pas étaient exclus du soutien et de la fortune familiale. La volonté du patriarche pouvait ainsi lui survivre plusieurs générations durant, longtemps après sa mort. Comme la fortune du clan était en mains de la fondation, ses membres devaient soit se plier à cette volonté, soit renoncer à bénéficier de la fortune.
Exclusion des descendants ne portant pas le même nom de famille
Voici quelques exemples issus de la pratique et qui donnent une idée de ce que cette institution va charrier: le patriarche pourrait exclure les descendants ne portant pas le nom de famille, donc les femmes et les descendants mâles ayant choisi de porter le nom de famille de leur conjointe ou conjoint. Dans le même esprit, l’exclusion des enfants ou petits-enfants du fondateur vivant en concubinage. Le patriarche peut ainsi affirmer la prévalence des liens du sang et des alliances sacrées. Il est aussi question des cas limites d’enfants issus du descendant en union libre avec leur mère, mais admis au bénéfice de la fondation du fait de la reconnaissance.
Quel beau programme!
Thierry Burkart liquide avec sa proposition les restes de l’héritage libéral de son parti. Cette proposition a été adoptée par le Conseil national mardi dernier, avec le soutien des élus du Centre. Philippe Bregy, Chef du groupe parlementaire et PDC du Haut-Valais, y a vu une institution conforme à la tradition.
Il ne faut évidemment pas prendre au sérieux Burkart et Bregy lorsqu’ils font l’apologie d’une institution dépassée. L’enjeu n’est certainement pas pour eux de rejouer les batailles de l’histoire, mais de défendre une conception de la Suisse comme coffre-fort offshore pour des grandes fortunes ainsi que la primauté des affaires qui dicte la ligne politique de ces partis.