Au bout du fil ce lundi, Kevin* découvre le témoignage de Pierre Burger, l’une de ses victimes, publié en primeur dans Blick jeudi dernier. «Ouais, ben ça me fait de la peine pour lui, quoi, nous souffle-t-il. Malheureusement pour eux, je suis tombé sur des gens gentils et naïfs. Moi, je ne lâcherais jamais ma voiture avec la carte grise dedans comme ça. Mais bon, de base, je ne voulais pas voler sa voiture. J’étais endetté jusqu’au cou. Je le suis encore aujourd’hui, mais un peu moins. Je n’avais pas d’autre choix.»
Episodes précédents
Pour mémoire, le malfrat a frappé au moins trois fois de la même manière au cours des dernières semaines dans le Chablais vaudois et valaisan et en Suisse romande. Même cinq fois durant les huit derniers mois, confirme-t-il. A chaque coup, il approche un propriétaire souhaitant se débarrasser de sa Porsche, de son Land Rover ou encore d’une Audi. Là, la machine s’enclenche.
«Le pire? J’ai revendu les voitures à prix cassés»
Il prétend devoir présenter la bagnole d’occasion à un client fortuné, s’en va avec, la fait facilement — et légalement — réimmatriculer à son nom, puis la revend à un concessionnaire qui l’achète de bonne foi et en devient donc le nouveau propriétaire. Lorsque le lésé retrouve son véhicule, il ne lui appartient plus. «Le pire dans tout ça, c’est que je les ai revendus à prix cassés», confie-t-il à Blick.
Dans un SMS d’excuses qu’il a envoyé à plusieurs des malheureux, Kevin les encourage à porter plainte contre lui. «Je suis allé me dénoncer à la police, une enquête est en cours.» A l’heure actuelle, les autorités des cantons de Vaud, Valais et Neuchâtel ne confirment pas cette affirmation mais, selon nos informations, plusieurs plaintes ont été déposées.
Pour l’instant, une chose est sûre: Kevin — domicilié dans l’Est vaudois — est libre de ses mouvements. «J’espère ne pas devoir aller en prison, soupire le vingtenaire, qui dit être employé de commerce et avoir travaillé au McDonald’s et dans les assurances. J’ai sûrement trouvé un taf dans l’immobilier pour fin janvier. J’aimerais rembourser tout ça très vite! Si j'avais un franc en poche, je le leur donnerais.»
«On me doit 1,3 million»
Comment en est-il arrivé là? «Ben… J’ai été pris dans un système pyramidal (une arnaque où les nouveaux arrivants rémunèrent les investissements des précédents, et ainsi de suite, jusqu’à ce que tout s’écroule, ndlr.). Pendant deux ans, ça a fonctionné: j’investissais de l’argent et j’en gagnais en retour.»
Changement de décor «il y a environ six mois» avec une étrange proposition, raconte-t-il. «Un groupe de Français est venu me prêter une somme à six chiffres en cash pour l’injecter dans cette pyramide de Ponzi, jure le jeune filou. Avec des intérêts à 10%. Dès le moment où j’ai investi cet argent, je n’ai plus été payé. Alors que la personne qui gère le système (il a fourni une identité à Blick, ndlr.) me doit maintenant en réalité 1,3 million de retour sur investissement. Résultat, j’ai encore des dettes énormes.» A quelle hauteur, exactement? «Mes dettes sont énormes.» Autant d’informations impossibles à vérifier pour Blick.
«Je craignais pour ma vie»
Kevin prétend avoir vécu dans la peur. «C’était: soit je remboursais, soit ça partait plus loin, vous voyez. Je craignais pour ma vie. Pas seulement pour la mienne, d’ailleurs. Ils sont venus plusieurs fois en bas de chez moi pour me menacer. Et vous savez, quand on vous envoie des photos de votre père au travail, ce n’est pas facile. Je devais protéger les miens. Pour rembourser cet emprunt, j’ai aussi demandé beaucoup d’argent à ma famille. La somme récupérée grâce à la vente des voitures, je ne l'ai déjà plus...» Aujourd’hui, en partie soulagé, Kevin caresse un seul véritable espoir: «Dormir tranquille, c’est tout ce que je veux».
*Prénom et nom connus de la rédaction.