Réduire l'impôt automobile, appliquer la neutralité fiscale et œuvrer pour le climat – voilà des années que le Grand Conseil genevois en parle. Mais, si tout le monde s'accorde sur ces principes, c'était sans compter sur le gigantesque couac qui en a résulté.
Imaginez un peu. Le 3 mars 2024, les habitants du bout du Léman acceptent dans les urnes le contreprojet «Imposition écoresponsable et équitable des véhicules». Dans les faits, pour 62,5% des propriétaires de véhicules, l'impôt 2025 a baissé, rapporte la «Tribune de Genève». Mais 33,4% des conducteurs accusent des hausses, parfois spectaculaires.
De 700 à 3840 francs!
«Jusqu'à 800% d'augmentation», illustre Ana Roch, choquée. La députée du Mouvement citoyen genevois (MCG) estime que la population aurait accepté le concept de pollueur payeur, avec 100 ou 200 francs de plus sur la facture en fin d'année. Mais pas ça.
Le problème se pose surtout pour les propriétaires de véhicules plus tout neufs, mais pas si vieux non plus. En réalité, la plupart des modèles conçus avant 2017. La «Tribune» rapporte le cas d'un Genevois, dont le camping-car date de 2015. Sa taxe a bondi de 700 francs à... 3840 francs! Payable, selon la loi, en une fois et avant le 1er janvier.
Boulot bâclé?
C'est là que le bât blesse. Ces projections extrêmes n'ont pas été démontrées lors du travail de la commission fiscale, chargée de rédiger le contre-projet à une initiative du MCG qui proposait de réduire l'impôt auto de moitié (voir encadré). Un fonctionnaire a-t-il mal calculé? Le boulot a-t-il été bâclé? Ou pire, s'agit-il d'une omission volontaire?
Le Département des Finances, à l'époque chapeauté par le Centriste Serge Dal Busco, n'a effectivement pas fait paraître aux députés de la commission les cas rencontrés aujourd'hui. Pas faute, pourtant, de l'avoir demandé.
Des extrêmes pas présentés aux élus
«Nous sommes des élus de milice, nous nous sommes appuyés sur le travail de l'administration pour affiner nos propositions», souligne Yvan Zweifel. Le député libéral-radical (PLR) est membre de la commission. «Nous leur avions demandé d'évaluer les cas les plus extrêmes, justement pour éviter des réductions injustes ou des hausses excessives.»
Quelqu'un a donc forcément fauté. Et cette semaine, les factures exorbitantes reçues par certains Genevois ont surpris les membres de la commission. «Cela ne nous a jamais été présenté ainsi», assure l'élu à Blick.
Système de tranche ignoré
Piste privilégiée? La manière dont l'Exécutif a mis en œuvre le barème proposé par la commission. «Pour nous, il était évident que le calcul devait se faire par tranche. C’est comme cela que la loi a été pensée et votée», explique le député.
Si les débats pour une révision de l'impôt automobile ont démarré il y a plus de huit ans, l'affaire qui secoue Genève a débuté avec une initiative du MCG, déposée en décembre 2021. Son but? Réduire la taxe voiture de moitié. Au moment des débats, le Parlement lui a préféré un contre-projet, rédigé par la commission fiscale.
L'initiative et le contre-projet ont été votés le 3 mars 2024 et les Genevois ont choisi ce dernier. L’objectif initial était de revoir le système de taxation avec un double mécanisme: une taxe basée sur le poids pour les véhicules électriques et sur les émissions de CO₂ pour les thermiques, tout en respectant la contrainte de neutralité fiscale demandée par la gauche. L'idée était de favoriser les voitures moins polluantes, ce qui entraînerait une baisse globale des recettes fiscales, et donc une diminution des impôts pour la majorité des gens.
Le problème étant que dans sa mise en application, l'impôt ne fonctionne pas par palier, mais en multipliant, pour les voitures thermiques, les émissions de CO2 (en grammes) par le montant fixé par la commission. Les technologies ayant évolué ces dernières années, la plupart des modèles fabriqués avant 2017 émettent beaucoup plus que les modèles récents, et sont donc fortement taxés. Or, se débarrasser d'un véhicule plutôt récent, mais qui fonctionne sans problème, pour en acheter un neuf, serait une aberration écologique. C'est également ce calcul sans palier qui a entraîné des hausses spectaculaires pour certains propriétaires de voitures.
Si les débats pour une révision de l'impôt automobile ont démarré il y a plus de huit ans, l'affaire qui secoue Genève a débuté avec une initiative du MCG, déposée en décembre 2021. Son but? Réduire la taxe voiture de moitié. Au moment des débats, le Parlement lui a préféré un contre-projet, rédigé par la commission fiscale.
L'initiative et le contre-projet ont été votés le 3 mars 2024 et les Genevois ont choisi ce dernier. L’objectif initial était de revoir le système de taxation avec un double mécanisme: une taxe basée sur le poids pour les véhicules électriques et sur les émissions de CO₂ pour les thermiques, tout en respectant la contrainte de neutralité fiscale demandée par la gauche. L'idée était de favoriser les voitures moins polluantes, ce qui entraînerait une baisse globale des recettes fiscales, et donc une diminution des impôts pour la majorité des gens.
Le problème étant que dans sa mise en application, l'impôt ne fonctionne pas par palier, mais en multipliant, pour les voitures thermiques, les émissions de CO2 (en grammes) par le montant fixé par la commission. Les technologies ayant évolué ces dernières années, la plupart des modèles fabriqués avant 2017 émettent beaucoup plus que les modèles récents, et sont donc fortement taxés. Or, se débarrasser d'un véhicule plutôt récent, mais qui fonctionne sans problème, pour en acheter un neuf, serait une aberration écologique. C'est également ce calcul sans palier qui a entraîné des hausses spectaculaires pour certains propriétaires de voitures.
Il poursuit: «Nous avons transmis le projet à l’administration en partant du principe qu’ils appliqueraient ce système. Je ne comprends pas pourquoi le calcul par tranche n’a pas été employé, car cela allait de soi.»
Un calcul illégal?
De son côté, Ana Roch rappelle que le Touring Club Suisse (TCS) a estimé que le calcul de l'impôt serait probablement illégal. «L'Office cantonal des véhicules ne tient pas compte des paliers, déplore la députée. Il multiplie le CO2 émis par le véhicule par le montant du barème proposé par la loi, au lieu de fonctionner par tranche.»
Yvan Zweifel a désormais deux objectifs: gommer ces effets de seuils, puis renvoyer le travail en commission pour analyser les dysfonctionnements. Pour la première étape, nombre de ses collègues ont mis la main à la pâte.
10'000 francs à payer au 31 décembre
En effet, le MCG a déposé un moratoire pour suspendre la loi, et un amendement pour que les personnes augmentées en 2025 ne le soient pas. Libertés et justice sociale a déposé une motion pour plafonner les taxes.
Le PLR propose d'échelonner les paiements. Le Conseil d'État lui-même a déposé jeudi un amendement afin de «différer l’exigibilité des bordereaux expédiés ces derniers jours». En clair, repousser l'échéance de paiement de six mois. Au Grand Conseil jeudi soir, les députés ont décidé de repousser le délai de paiement jusqu'à fin juin 2025 et d'offrir la possibilité aux automobilistes de régler la somme due en plusieurs fois.
La députée du MCG Ana Roch estime qu'il faut agir vite. «Je n'entends pas qu'on ne puisse rien faire cette année, tonne-t-elle. On ne peut pas laisser les gens avec 10'000 francs de facture pour le 31 décembre.» Yvan Zweifel tempère. Il estime que le système voté par le peuple est probablement le bon.
Questionner l'administration
«Prendre des décisions à la hâte ou annuler la loi reviendrait à dire au 62,5% de gens au bénéfice d'une baisse d'impôt qu'ils ne l'auront pas, met-il en lumière. J'espère que nous trouverons une solution jeudi soir, par exemple en plafonnant les hausses.»
Puis viendra le temps de l'enquête. «La question n'est pas de désigner un coupable, rassure l'élu PLR. Mais il faut déterminer s'il s'agit d'une omission ou d'une bourde.» Yvan Zweifel compte questionner l'administration pour déterminer ce qu'il s'est passé. «Au printemps prochain, nous devons avoir compris quels étaient les problèmes.»