Israël aurait tiré sur les siens le 7 octobre, la presse est orientée par le sionisme, on ne devient pas président des États-Unis sans être adoubé par le lobby juif... L'interview donnée par Hani Ramadan au journal en ligne «Le Peuple» le 28 mars aligne les réponses polémiques.
Le controversé directeur du Centre islamique de Genève, frère de Tariq, interdit de séjour en France, a mis le feu aux poudres en signant une «réflexion» dans la «Tribune de Genève», le 7 mars. Il y parle notamment du «gouvernement d'extrême-droite» israélien et de sa «propagande» pour «diaboliser» le Hamas. Depuis sa parution, le rédacteur en chef du titre genevois s'est excusé, assurant que son journal «dénonce depuis toujours l'antisémitisme».
Le rédacteur en chef du «Peuple», à la ligne chrétienne conservatrice, l'a rencontré pour préciser le point de vue de l'islamologue. Face à une pluie de commentaires incrédules, le journaliste a publié une vidéo pour justifier sa démarche.
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Le secrétaire général de la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation (CICAD) n'est pas étonné des propos du prédicateur musulman, dans le viseur de son organisation depuis des années. Johanne Gurfinkiel partage ses impressions avec Blick, depuis l'Espagne.
Johanne Gurfinkiel, cette interview vous a choqué?
Ce sont toujours les mêmes propos. Il ne faut pas oublier d’où il vient et où il se situe, la frange des Frères musulmans qui a toujours eu que peu de sympathie à l’égard des Juifs, et encore moins d’Israël.
Que penser de son axiome selon lequel Israël aurait participé au massacre des siens le 7 octobre?
Imaginez, selon lui, le 7 octobre serait à nouveau une invention d’Israël, accusé d’avoir tiré sur sa population. Cela ferait-il de lui un complotiste? Je ne le crois pas. Plutôt un stratège et acteur de manipulation d’un microcosme. Il vocifère un message dangereux en utilisant des éléments de la théorie du «complot», avec une dangerosité crasse et flagrante.
De quelle théorie du complot parlez-vous ici?
Face au terrorisme, Hani Ramadan persiste dans la négation des événements. Il affirme que rien n’atteste les actes terroristes commis le 7 octobre, se cherchant une caution avec, comme référence fumeuse, Ilan Pappé.
Fumeuse?
Ce dernier faisait partie des «nouveaux historiens israéliens», qui, aujourd’hui, ont renié leurs engagements de l’époque, ou ne sont plus en activité. Même la presse israélienne d’extrême-gauche n’a pas contesté le 7 octobre. Voilà que Hani Ramadan est, plus que jamais, un producteur de fake news. Un bien triste sire.
Dans quel intérêt Hani Ramadan, au-delà de ses convictions personnelles, propagerait-il des fake news?
Cela permet de galvaniser les foules autour de son propos et de confirmer un propos complotiste. Je ne sais pas si l’on peut réellement parler de foules derrière Hani Ramadan, mais dans tous les cas, sur les réseaux sociaux, on observe une population galvanisée. Quoi qu'il en soit, son objectif est bel et bien d’accroître son audience en utilisant des propos mensongers.
Vu les nombreuses critiques reçues par le rédacteur en chef du «Peuple», Hani Ramadan a-t-il encore une force de frappe?
Pour Hani Ramadan, ces tensions lui permettent de conserver une aura auprès d’un public captif, dans la droite ligne des Frères musulmans. Il entretient une relation plus que toxique avec certains de nos concitoyens, prompts à absorber ses propos même lorsqu’il falsifie l’actualité. Oui, je le crois au bénéfice d’une certaine dangerosité dans sa capacité à rassembler des militants et de les manipuler avec une stratégie nauséabonde.
«Absorber ses propos» peut-il mener, dans le pire des cas, à des attaques comme celle subie à Zurich par un juif orthodoxe, le 2 mars?
Certains individus, très jeunes parfois, sont radicalisés. Les discours de ces «responsables» religieux, si l’on peut le qualifier ainsi, participent clairement à générer un climat délétère. Son incapacité à exprimer la moindre émotion envers les Israéliens massacrés depuis le 7 octobre est assez éloquente.
Hani Ramadan affirme, dans son interview au «Peuple», ne pas vouloir «toucher aux rabbins (...) ni à la culture juive». Une chimère?
Quand il parle de réconcilier les juifs et les musulmans, de paix entre les peuples… Il faut qu’il arrête. Ses assertions ne font que créer justement un climat de tension totalement inutile.
Ce message de paix n'est pas positif?
Il dissocie le sionisme, Israël, les Juifs… Personne n’est dupe. Il n’est pas philosémite. Globalement, il n’y a pas de communautés qui s’affrontent sur une base religieuse, surtout pas en Suisse. Il ne faudrait pas laisser Ramadan gagner cette bataille ne visant qu’à antagoniser nos communautés.
Il ment aussi à propos de ce désir de paix?
Au final, soyons clairs, l’infamie reste, pour lui, l’existence même de l’État d’Israël. Il est antisioniste dans sa définition la plus complète (ndlr: l'opposition à l'État d'Israël). Il est pour l’annihilation de cet État qu’il doit considérer comme un cancer sur le globe terrestre.
Comment considérez-vous les médias qui lui ouvrent leurs colonnes?
C'est totalement irresponsable de lui offrir une tribune comme l’a fait la «Tribune de Genève» qui lui apporte une certaine auto-satisfaction en publiant son message.
Ces médias surfent sur la vague polémiste en publiant Hani Ramadan?
La «Tribune» imagine ainsi éviter d’être bombardée de ses demandes de publication de courriers de lecteur, de chroniques et de commentaires, en lui offrant un espace médiatique. Il ne s’agit pas de liberté d’expression, mais d’un passeport pour diffuser ses idées les plus délirantes; la possibilité de déverser sa haine, de banaliser la violence.
Et Hani Ramadan, pensez-vous qu'il gagne encore à s'exprimer en public vu le retour de bâton?
Sa posture lui permet de bénéficier d’une présence médiatique qu’il perd année après année. Il s’éteint de plus en plus, il a besoin de retrouver une certaine visibilité pour son public, et pour tenter de fédérer plus largement. Mais le nombre de naïfs et de dupes s’est beaucoup évaporé. Reste à espérer qu’il finisse totalement oublié.
Que pouvez-vous faire, concrètement, contre ces propos?
Sur le fond, il n’y a pas deux-cent solutions avec Hani Ramadan. Il y a la voie judiciaire, s’il y a matière à l’utiliser, qui reste toujours l’ultima ratio. Ou alors, il faut le laisser où il est, un triste leader d’une communauté à qui je souhaite de trouver un homme plus prompt à promouvoir la paix et la fraternité.