C’est un communiqué comme les journalistes en reçoivent des centaines. À la différence que celui-ci était particulièrement attendu. Ce 1er juin, dans une «déclaration personnelle», le député vaudois Jean-Luc Bezençon (PLR) «regrette cette escalade» du 30 mai et écrit: «Si j’ai pu, par quelque propos que ce soit que j’aurais tenu, heurter des sensibilités, j’en suis absolument désolé.»
Ses mots surprennent dans le Landerneau politique. Comment le libéral-radical, accusé de «harcèlement» par trois élues de gauche, a-t-il pu passer d’une posture dans laquelle il menaçait de porter plainte à des excuses, en moins de 48 heures?
Des doigts pointent vers un détail. Le texte, envoyé sous la forme d’un document Word et non d’un PDF protégé comme il est d’usage, révèle une autre plume. Celle de Thierry Meyer, ancien rédacteur en chef du quotidien «24 Heures», désormais professionnel de la communication, associé de l’entreprise spécialisée Dynamics Group. Un homme qui sait comment naissent les polémiques, et comment y mettre fin.
«J’ai effectivement été conseillé»
Le communiqué de Jean-Luc Bezençon a-t-il été rédigé par lui ou son mandataire? Est-il sincère? Joint par téléphone ce 7 juin, l’ancien syndic de Goumoëns-la-Ville est formel: «Je suis bien l’auteur de ma prise de position. J’ai effectivement été conseillé, tout le monde procède ainsi aujourd’hui. Monsieur Meyer a relu mes écrits, qui représentaient mon profond ressenti. Il a changé deux ou trois mots. Vous savez, je suis agriculteur, pas écrivain.»
Pourquoi avoir retourné sa veste? «Chez nous, à la campagne, on dit que la nuit porte conseil. J’ai donc dormi dessus et j’ai réfléchi. Je suis un bon Vaudois, qui raconte des blagues et je me suis rendu compte que certains propos ne passent plus aujourd’hui, surtout dans un contexte politique. Je suis sincère, je regrette mes propos qui auraient pu blesser. Et puis, à 69 ans, j’aspire à une fin de vie paisible, loin des tribunaux.»
«Je la pile»
Le sexagénaire réaffirme en outre être extrêmement marqué psychologiquement par cette polémique: «Je la pile. Je ne me reconnais absolument pas dans le Bezençon qui a été présenté dans la presse. Heureusement que nous sommes une famille soudée.»
Contacté par Blick, Thierry Meyer confirme la version de son client. «Je l’ai aidé à rédiger. Ses dires sont bien les siens, mais il fallait les mettre en forme. En somme, j’ai fait le scribe pour lui. Et j’ai proposé de changer deux ou trois mots par-ci par-là.»
Retour au 30 mai
De quoi parlons-nous exactement? Des suites d’une scène qui aura marqué l’histoire du Grand Conseil vaudois. Le 30 mai, toute la droite quitte l’hémicycle et la séance doit être levée, faute de membres suffisant pour continuer.
Le libéral-radical Jean-Luc Bezençon, soutenu par ses collègues, demande des excuses et menace de saisir la justice. Élodie Lopez, s’adressant à lui, vient de faire une allusion à du «harcèlement».
Dans les épisodes précédents
La coprésidente du groupe Ensemble à Gauche confirmera ses accusations plus tard dans la journée, accompagnée de deux autres députées anonymes, dans les colonnes de «24 Heures». Les politiciennes reprochent à Jean-Luc Bezençon des propos déplacés.
La suite d’une autre polémique
L’affaire avait commencé dans l’hémicycle, plus tôt dans l’après-midi. Alors que le Parlement cantonal discutait des coûts de la ZAD du Mormont pour les contribuables, Jean-Luc Bezençon avait égratigné Mathilde Marendaz (Ensemble à Gauche). Celle-ci fait face à une plainte de l’association des gendarmes pour avoir arboré une pancarte sur laquelle était écrit «ACAB», pour «All Cops Are Bastards», en anglais («Tous les flics sont des bâtards»).
Dans la foulée, plusieurs politiciennes de gauche faisaient leur «MeToo» sur les réseaux sociaux. À l’allumage de la mèche: Léonore Porchet, conseillère nationale verte.