C'était d'abord une «allusion», c'est désormais une accusation. La députée de gauche radicale Élodie Lopez reproche à son collègue libéral-radical Jean-Luc Bezençon de l'avoir harcelée, dans les colonnes de «24 Heures».
La scène se serait passée à la buvette du Grand Conseil vaudois, en 2022. «M. Bezençon m’a invectivée une fois avec des propos pas corrects et je l’ai signalé à la présidente du Grand Conseil, rapporte au quotidien régional celle qui est coprésidente du groupe Ensemble à Gauche et POP. Je traversais la buvette et je l’ai entendu dire: 'Celle-là, elle n'a pas encore les yeux ouverts'.»
«Me faire dresser par un mec de droite»
La suite? «Je lui ai demandé de quoi il parlait et il m’a demandé si je fréquentais quelqu’un, si j’étais mariée. Puis, il a dit que je devrais «rencontrer un vrai mec», que je devrais 'me faire dresser par un mec de droite'. D’autres collègues femmes ont aussi été confrontées à ce genre de propos, et c’est difficile.»
Deux autres élues de gauche racontent avoir eu des expériences similaires avec l'ancien syndic de Goumouëns-la-Ville, né en 1954. «Jean-Luc Bezençon m’a plusieurs fois appelée 'petit chat' ou 'chaton', cet automne, se souvient la première. Il y a trois semaines, à deux reprises, il m’a dit: 'Des fois, je voudrais te pendre.' C’est une intimidation et il est dans une situation tout à fait confortable pour l’exercer.» Elle parle de «harcèlement paternaliste» et dit lui avoir signifié qu'elle ne voulait plus qu'il s'adresse à elle «de manière si méprisante».
«Si j’avais ton âge, j’aurais bien…»
Le troisième témoignage, également recueilli par «24 Heures», va dans le même sens. «L’automne dernier, Jean-Luc Bezençon est venu vers moi à la buvette en me disant: 'Si j’avais ton âge, j’aurais bien…', sans finir sa phrase. Je lui ai demandé quel âge il avait. Il m’a dit son âge. Je lui ai dit qu’il avait l’âge d’être mon père. Il m’a répondu: 'Alors ce n’est pas possible?' Lors du repas du Grand Conseil à la fin de l’année, il est venu me parler d’une proposition que j’avais faite et qui avait obtenu une majorité au plénum. Il m’a demandé qui j’avais dragué pour faire passer mon objet.»
Questionné par le média local, Jean-Luc Bezençon, lui, «nie tout en bloc». «Je suis choqué et abasourdi, appuie-t-il. Je n’ai jamais tenu ces propos. 'Dresser par un mec', 'petit chat', ce n’est pas dans mon langage.»
Plainte pénale?
Joint par Blick mardi en fin d'après-midi, il avait déjà souligné ne rien avoir à se reprocher et apprécier Élodie Lopez humainement, parce qu'elle fait du chant, comme lui. Après une séance du Grand Conseil houleuse, il réfléchissait à déposer une plainte pénale pour atteinte à l'honneur.
L'affaire avait commencé dans l'hémicycle, plus tôt dans l'après-midi. Alors que le Parlement cantonal discutait des coûts de la ZAD du Mormont pour les contribuables, Jean-Luc Bezençon avait égratigné Mathilde Marendaz (Ensemble à Gauche). Celle-ci fait face à une plainte de l'association des gendarmes pour avoir arboré une pancarte sur laquelle était écrit «ACAB», pour «All Cops Are Bastards», en anglais («Tous les flics sont des bâtards»).
«Être irréprochable»
Élodie Lopez lui avait alors répondu, et avait provoqué un scandale. Ses mots? «J’espère que vous prendrez connaissance de la directive émanant du Bureau du Grand Conseil, qui a été publiée aujourd’hui concernant le harcèlement sexuel, parce que j’estime que quand on se permet de faire des leçons de morale aux autres ou des attaques, eh bien, on a tout intérêt à être irréprochable.»
Quelques heures après, déjà dans «24 Heures», elle avait d'abord précisé sa pensée, avant de décrire les comportements inappropriés cités au début de cet article: «Mon intention était de dire que, de manière générale, tout le monde devrait balayer devant sa porte avant de donner des leçons aux autres.»
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La séance avait eu être levée après que les députées et députés de droite avaient quitté la salle, en guise de protestation. Motif: Élodie Lopez aurait dû accepter de présenter des excuses et de «lever clairement le soupçon qu'elle avait fait peser sur lui, ce qui n'a pas été le cas», déplorait Florence Bettschart-Narbel, présidente du PLR Vaud, interrogée par Blick.