Mardi, au Grand conseil, une de mes collègues députée reproche à un député d’avoir eu des propos sexistes à son égard. Ni une ni deux, celui-ci exige des excuses formelles de sa part, tout en menaçant de déposer une plainte contre elle. Dans la foulée, par solidarité avec leur collègue qui se fait prétendument accuser à tort, toutes les élues et tous les élus du PLR, suivis par ceux et celles de l’UDC (elles ne sont que deux), quittent la salle. Faute de quorum, les travaux parlementaires sont interrompus.
Dans les jours qui suivent, la parole se libère et plusieurs autres collègues femmes dénoncent des propos et gestes sexistes au sein du parlement vaudois.
Face à ce qui s’annonce comme un shitstorm propre en ordre, le député de droite en question communique par écrit (ça évite de dire n’importe quoi) un simulacre d’excuses galvaudées derrière un déni total de la réalité. Niveau mea culpa, on peut nettement faire mieux. J’imagine qu’avec cette action, il a l’impression d’éteindre un début d’incendie assez moche au PLR, à deux semaines de la grève féministe du 14 juin.
Une longue tradition sexiste
Ce n’est un secret pour personne, le sexisme est omniprésent en politique. Royaume historiquement masculin, il voit aujourd’hui encore beaucoup d’hommes peiner à faire de la place aux femmes. Bien sûr, de nombreux progrès ont été réalisés et sont à saluer. Cependant, il existe encore une majorité d’hommes bien installés, qui ne sont pas franchement motivés à changer de point de vue sur la problématique. Il n’y a qu’à voir les archétypes qui sont encore les plus valorisés dans le monde politique: pour y être vu comme une personnalité influente, il faut être en général un homme, et la plupart du temps un bourgeois.
Dans ce contexte, on observe encore trop souvent une solidarité entre hommes et intra-partisane. Rappelez-vous que mardi, alors qu’il paraît peu probable que, parmi les députées et députés de droite, personne n’ait jamais été au courant de la tenue de propos sexistes de la part de l’homme en question, toutes les députées et tous les députés du PLR ont quitté la salle en solidarité avec lui. Il y avait donc une volonté partisane d’être SOLIDAIRE avec un député accusé d’avoir dérapé à de multiples reprises en tenant des propos sexistes.
L’époque où les hommes pouvaient « tout dire » est révolue
Dans la foulée, le Bureau du Grand conseil, à majorité de droite, a publié un communiqué dans lequel il appelle l’ensemble des députées et députés à retrouver l’esprit de concorde. Appeler au retour de la bonne entente alors qu’une élue dénonce des propos sexistes? C’est un peu comme les petits génies qui proposent des médiations entre collègues en cas de harcèlement sexuel. En effet, et nous le répéterons tant que cela sera nécessaire, l’époque où les hommes pouvaient «tout dire», même si cela relevait du harcèlement, et où les nanas souriaient de manière gênée, est révolue. En tant que députée, j’attends du Bureau d’être beaucoup plus strict et volontaire sur ce sujet.
Alors que le sexisme en politique est encore malheureusement systémique, que le silence est d’or au sein de certains groupes parlementaires et que la parole peine à se libérer, l’on aurait pu attendre de la part de toutes et tous, de tous partis confondus, qu’ils et elles témoignent de leur soutien envers celle qui a eu le courage de dénoncer ces comportements qui relèvent du harcèlement sexuel. Et non, il ne s’agit pas ici de «sensibilité» différente entre les élues de droite ou de gauche. J’en suis convaincue: au-delà des bords politiques, toutes les femmes ont vécu et subi des paroles ou des gestes qui n’ont pas leur place. L’oppression patriarcale est toujours d’actualité. Comme l’a dit Simone Veil concernant l’avortement, il suffit d’écouter les femmes. Ce monde a encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’offrir un environnement exempt de sexisme. Et cela ne pourra se faire qu’avec le concours de toutes.