«Je me sens plus détendu»
Des Suisses fument du cannabis légalement depuis deux mois

A Bâle, 180 participants à une étude peuvent acquérir de l'herbe en toute légalité dans des pharmacies depuis février dernier. Un participant à ce projet pilote sur le cannabis raconte comment sa consommation a évolué.
Publié: 12.04.2023 à 06:23 heures
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Grâce à un «passeport cannabis», Patrick F.* peut acheter légalement de l'herbe et du haschisch à Bâle.
Photo: keystone-sda.ch
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Sophie Reinhardt

Quand les réserves de weed de Patrick F.* sont vides, ce jeune Bâlois n’a plus besoin d’appeler son dealer en catastrophe. Et ce, depuis février dernier. Il peut désormais tout simplement se rendre à la pharmacie du coin pour s’en procurer. Son canton de résidence, Bâle, accueille depuis le début de l'année un projet pilote de vente de cannabis. Environ 180 personnes ont été sélectionnées pour y participer. Elles peuvent se procurer légalement de l’herbe dans le cadre de cette étude appelée «Weed Care».

Que veut montrer cette étude? Les données récoltées porteront sur l’impact de la vente réglementée de cannabis sur la santé, ainsi que sur le comportement des fumeurs. Il s’agira de fournir des bases à une potentielle discussion politique en matière de cannabis.

Le premier groupe d'étude, composé de 180 personnes, peut se procurer deux produits à base de haschisch et quatre produits à base de fleur de cannabis dans neuf pharmacies bâloises.
Photo: keystone-sda.ch

Plus de soucis concernant des ingrédients cachés

Quelles sont les premières impressions des candidats? Dans le cas Patrick F., le jeune homme se dit jusqu’à présent très satisfait. «Je me sens mieux», résume-t-il en faisant le bilan des dernières semaines. Car il peut obtenir ses joints beaucoup plus facilement, et sans craindre de se faire «choper» en train d'en acheter. En fume-t-il plus pour autant? Absolument pas, assure-t-il. «Je suis par contre plus détendu, car je ne suis plus stressé à l’idée de devoir chercher où me fournir.» Il n’a plus non plus à s’inquiéter de savoir si l’herbe est coupée, se réjouit-il.

Pour l'instant, seuls 180 élus ont pu s'inscrire à cette étude. Comment les pharmaciens les identifient-ils? Ils se présentent au comptoir avec un passeport Weed Care. On leur propose ensuite de choisir leur produit. Ils doivent se décider entre deux produits à base de haschisch et quatre à base de fleurs de cannabis bio. Leur prix: entre huit et douze francs le gramme, selon la teneur en THC.

Patrick F. se rend environ toutes les semaines et demie à la pharmacie située au coin de sa rue dans le Petit-Bâle. Et il est très content de la qualité de ce qui est proposé. Il s’agit de «bonne marchandise», assure le jeune homme, qui aurait «déjà goûté à tout l’assortiment».

10 grammes par mois

Le trentenaire fume quotidiennement de l’herbe depuis quatre ans. Son produit de prédilection? Le haschisch, plus fortement dosé. Mais les participants à l’étude ne peuvent pas s'en fournir à l’envi. Une limite supérieure de THC pur de dix grammes par mois leur est imposée. La pharmacie enregistre la quantité de cannabis que les fumeurs ont déjà consommée au moyen du fameux «passeport cannabis». Ces dix grammes suffisent largement à combler ses besoins, révèle Patrick F. Il n’a donc pas été tenté d’acheter du cannabis au marché noir.

L'herbe coûte entre huit et douze francs le gramme, selon la teneur en THC, et provient d'une production biologique.
Photo: STEFAN BOHRER

Mais une ombre se dessine au tableau. Les vacances de printemps approchent. Et le jeune homme risque probablement d’avoir envie de consommer un peu plus que d’habitude, admet-il, ce qui pourrait être problématique. Il espère pouvoir respecter les règles de ce projet pilote.

A l’inverse, s’il décide de consommer moins, il ne peut pas donner ou revendre des substances achetées dans le cadre de l’étude. Il s’agit de l’une des règles d’or, comme le fait de fumer uniquement dans des espaces privés.

Cinq kilos de cannabis vendus jusqu’à présent

Les responsables de cette étude sont-ils satisfaits des résultats? Jusqu’à présent, oui. Mais il est encore trop tôt pour déduire de ces données les premiers résultats scientifiques, répondent-ils à Blick. Des résultats intermédiaires détaillés ne seront disponibles qu’au bout d’un an. «Le premier questionnaire en ligne en janvier a été rempli par tous, la deuxième enquête auprès des participants est en cours.»

Jusqu’à présent, aucun abandon n’a été signalé, ni du côté des pharmacies, ni de celui des participants. Le déroulement des ventes se passe sans problème. Au cours des six premières semaines de l'étude, environ cinq kilos, soit mille paquets de cannabis, ont été écoulés, précise Regine Steinauer, directrice du département de la santé du canton de Bâle-Ville. Elle mène ce projet en collaboration avec les cliniques psychiatriques universitaires et l’université de Bâle, précise-t-elle.

Un projet du même type verra aussi bientôt le jour en Suisse romande. Intitulé Cann-L, l'essai pilote lausannoise a reçu le feu vert de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) en mars dernier. Les personnes intéressées pourront s'inscrire courant juin, trois mois avant l'ouverture du lieu de vente, avait indiqué la Ville de Lausanne dans un communiqué.

*Nom modifié

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