Les chiffres parlent d'eux-mêmes: alors que les domaines skiables situés au-dessus de 1800 mètres ont enregistré une forte hausse de la fréquentation l'année dernière, le tableau était plutôt sombre en dessous de cette altitude. Selon les Remontées Mécaniques Suisses, la fréquentation des domaines skiables situés entre 1000 et 1200 mètres s'est effondrée de près de la moitié, tandis que dans les stations de moyenne altitude, entre 1200 et 1800 mètres, les baisses se situaient entre 20 et 30%.
Alternatives «sans neige»
Des domaines skiables comme les Pléiades (VD), les Rochers de Naye (VD), la Vallée de Joux (VD) ou le Moléson (FR) luttent depuis longtemps contre le manque de neige. Mais les experts sont unanimes: les stations de basse altitude doivent se réinventer et envisager une stratégie d'offre sans ski, rapporte la RTS.
La station de Château-d’Oex a, à titre d'exemple, décidé de faire un trait sur le ski, faute de neige et de moyens. Aux Pléiades, on s'inquiète moins de la pénurie de poudre. Balades en raquettes et alternatives «sans neige» permettent à la petite station de survivre, explique Yves Grundisch, directeur de la station, à nos confrères.
Dans les Grisons, le ton est le même. Mais pour cette station, le danger est d'une envergure sans précédent. «Le magasin du village, la poste, la vie associative, les magasins à la ferme et, last but not least, la gastronomie du village seraient définitivement en grand danger sans le tourisme hivernal», déclare une porte-parole de la station grisonne de Tschiertschen.
Le «modèle Tschiertschen», soit 1,2 million d'investissements
Mais malgré les adversités, la station de Tschiertschen a réussi un exploit l'automne dernier. Grâce à une augmentation de capital, 1,2 million de francs ont été réunis pour les remontées mécaniques locales, et avec une loi sur le tourisme adoptée à une large majorité par votation, 200'000 francs supplémentaires ont été versés chaque année par la commune. Le financement de l'exploitation des remontées mécaniques est ainsi assuré pour dix ans. L'événement a même valu un article dans le magazine allemand «Der Spiegel».
Mais il y a un mais. En cas de mauvaises conditions d'enneigement, impossible de faire du ski. Et le manque de neige est un fléau de plus en plus fréquent ces dernières années. La commune grisonne a-t-elle fait un investissement dans le vide?
Une «zone de villégiature» et un site touristique
Au contraire: l'investissement se veut dans une perspective à long terme. «Le concept n'est pas seulement une aide au financement des remontées mécaniques, mais assure le développement durable du site touristique au-delà des 10 ans», explique la porte-parole de la station.
Le concept comprend une augmentation de la capacité en lits avec une «zone de villégiature». De quoi augmenter la fréquentation des remontées mécaniques, nécessaire d'un point de vue économique. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il sera possible de financer un enneigement continu afin de pouvoir garantir les 100 jours de ski nécessaires.
Le domaine grison a mis six ans pour en arriver à ce modèle. De quoi inspirer le domaine skiable d'en face, Hochwang. Les remontées mécaniques y sont à l'arrêt cet hiver. En s'appuyant sur le «modèle Tschiertschen», la station fantôme pourrait bien permettre d'assurer l'exploitation à long terme de son domaine.
Un modèle pour d'autres domaines skiables?
Quel est donc le secret de la réussite du modèle Tschiertschen? La «collaboration précoce, intensive et tenace entre tous les groupes d'intérêt», selon la communicante. Le projet n'est pas seulement lié à l'idéalisme des investisseurs privés et au romantisme des petits domaines skiables, mais aussi à des faits économiques concrets. «Beaucoup ont très vite pris conscience que la valeur des biens immobiliers des nombreux résidents secondaires ainsi que des habitants de la région diminuerait considérablement en l'absence de remontées mécaniques», explique la porte-parole.
La question cruciale est la suivante: les domaines skiables de basse altitude doivent-ils investir beaucoup d'argent pour rester ouverts malgré le changement climatique, ou renoncer dès aujourd'hui à des «mesures de prolongation de la vie» coûteuses pour limiter les dégâts?
Un kilomètre de piste coûte un 1 million
Tout dépend de la station. Car pour avoir une exploitation rentable, les stations doivent avoir un nombre minimum de jours d'enneigement par saison. Or, il y en a de moins en moins. L'exploitation des pistes est coûteuse, et tous les domaines ne peuvent pas se permettre un enneigement technique.
Et pour cause: un kilomètre de piste avec un enneigement technique nécessite un investissement d'environ un million de francs, explique-t-on du côté du spécialiste TechnoAlpin. En Suisse, environ 50% des pistes seulement disposent de la possibilité d'un enneigement technique.
«Le financement devient également plus difficile, car de nombreuses banques appliquent des suppléments de risque sur les crédits en raison des conditions d'enneigement imprévisibles», explique Jürg Stettler, directeur de l'Institut de tourisme et de mobilité à la Haute école de Lucerne.
Se refaire pendant la saison estivale
Mais les conditions difficiles ne signifient pas forcément la fin des domaines skiables de basse altitude. «Soit les domaines parviendront à gagner davantage d'argent en été, soit ils devront se reposer sur l'argent des pouvoirs publics. La plupart du temps, les deux sont nécessaires», estime Jürg Stettler.
Le directeur de l'Institut cite comme exemple positif la station de saint-galloise de Flumserberg, où une forme d'offre hybride permet de passer rapidement des activités d'hiver aux activités d'été. «De nombreux domaines skiables ne peuvent toutefois pas effectuer une telle transformation pour des raisons financières», avertit Jürg Stettler. Les téléskis ne rapportent rien dans les activités estivales. De leur côté, les télésièges et les téléphériques sont plus chers à l'achat et à l'entretien en plus d'être soumis à une réglementation stricte.
Le bilan du directeur est porteur d'espoir, mais reste réaliste: «Chaque commune doit faire un calcul de rentabilité et se demander précisément si elle peut, voire doit, se permettre d'avoir des structures pour les sports d'hiver.» Mais selon lui, des nombreuses stations n'arrivent plus au compte.