Interdiction de la pub pour les steaks végétaux
«Certains consommateurs s'agacent d'acheter par mégarde un steak végétarien»

Le Grand Conseil valaisan a accepté mercredi d'interdire la publicité pour les substituts végétariens aux produits carnés. Mais cette motion est-elle bénéfique pour les consommateurs, sachant que le problème viendrait surtout du packaging? L'avis de la FRC.
Publié: 13.12.2024 à 15:07 heures
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Dernière mise à jour: 13.12.2024 à 15:16 heures
Ce mercredi, le Grand Conseil du Valais a accepté une motion demandant l'interdiction de la publicité pour les substituts végétariens utilisant des termes rattachés aux produits carnés.
Photo: Shutterstock
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

Vous ne verrez bientôt plus d'affiches exhibant de juteuses tranches de «viande» à base de pois, sur le sol valaisan. Le Grand Conseil vient d'accepter, ce mercredi, une motion exigeant l'interdiction de la publicité pour les «steaks végétaux» et autres substituts aux aliments carnés, dans l'ensemble du canton. Les produits en eux-mêmes pourront toutefois continuer à être vendus dans les commerces. 

Pour rappel, les auteurs du texte fustigent avant tout la sémantique utilisée par les producteurs, soit l'utilisation de mots tels que «steaks», «saucisse» ou «émincé» pour désigner des produits végétariens. D'après eux, ceux-ci peuvent tromper la clientèle, qui risque de se retrouver par mégarde avec un steak de soja, alors qu'elle cherchait à acheter une viande animale:

«Le but est d’avoir une claire transparence dans l’appellation des produits et qu’il n’y ait aucun doute possible quand un consommateur fait un achat», indiquait Vincent Roten, député du Centre et co-auteur de la motion, sur le plateau de Forum. Damien Revaz, député PLR opposé à l'idée, ripostait aussitôt en affirmant qu'une personne qui «achète un steak de soja» ne va pas s'imaginer qu'elle achète un steak de bovin. 

C'est surtout le packaging qui porte à confusion

Rebecca Eggenberger, responsable alimentation chez la Fédération Romande des Consommateurs (FRC), observe toutefois un agacement chez certaines personnes, qui se méprennent au moment de faire leurs courses: «Il ne s’agit absolument pas de sous-estimer la perspicacité des gens, mais de souligner que certaines appellations telles que chicken ou beef peuvent porter à confusion. Apposer ces termes sur des produits végétariens ou végans est une pratique trompeuse, qui relève d'une technique marketing visant à attirer par exemple les consommateurs souhaitant diminuer leur consommation de viande.»

Dans ce cas, le réel problème ne vient-il pas du packaging de ces produits, lequel restera inchangé en Valais? «Le plus important est que le consommateur sache au premier coup d’œil quel produit il achète», acquiesce Rebecca Eggenberger. 

Sauf que cette distinction n'est pas toujours aussi limpide que cela: «En fonction de la taille des magasins, de l'organisation des rayons, ou lorsque des produits à base de viande sont placés à proximité de substituts végétariens dont l'étiquetage prête à confusion, il arrive que le consommateur soit induit en erreur, d'autant plus s'il est pressé», analyse notre intervenante. 

Alors pourquoi s'attaquer à la publicité?

Or, la question des termes utilisés par les entreprises de substituts végétariens est particulièrement complexe. Soulignons qu'elle relève du droit fédéral et ne peut être adaptée de manière indépendante par un canton: voilà qui peut expliquer, entre autres, pourquoi la motion valaisanne ne concerne que la publicité. 

Pour les opposants au texte, c'est justement cela qui semble insensé: «On parle de la publicité et pas de l’appellation du packaging, affirmait encore Damien Revaz, toujours sur le plateau de Forum. S’il est autorisé d’appeler un aliment steak de soja, on estime qu’on peut faire de la publicité.»

Mais les dénominations affichées sur les emballages ne sont pas si faciles à modifier. Ce printemps, plusieurs parlementaires représentés par le Jurassien Thomas Stettler (UDC) avaient déposé une motion exigeant l'interdiction des termes appartenant au champ lexical de la viande (steak, saucisse, émincé, entrecôte, jambon...) sur les emballages d'alternatives végétales, dans toute la Suisse. Ils espèrent ainsi suivre l'exemple de la France qui, début 2024, avait publié un décret allant dans ce sens. Mais cette décision vient d'être contestée, en octobre 2024, par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE): celle-ci estime en effet qu'«un État membre ne saurait empêcher, par une interdiction générale et abstraite, les producteurs de denrées alimentaires à base de protéines végétales d’utiliser des noms usuels ou [des] noms descriptifs», précise «Le Monde».

Les producteurs de produits carnés sont en colère

Pour Vincent Roten, la motion valaisanne exprime surtout un «coup de gueule» des producteurs de bétail, sans aucune volonté protectionniste: «Cette diabolisation de la viande en énerve plus d’un», déclare-t-il, ajoutant que le milieu se bat pour défendre des appellations protégées. 

Cette colère rappelle notamment les réactions à la nouvelle pyramide alimentaire, qui préconise une diminution de la consommation de viande rouge, avec une mise en avant des légumineuses: «Sa récente parution avait fait réagir les faitières et milieux défenseurs de la viande, rappelle Rebecca Eggenberger. Ceux-ci tentent d’éviter que les consommateurs s'en détournent et que le marché des substituts végétariens ne séduise trop de flexitariens, résolus à manger moins de produits carnés pour des raisons de santé.»

Mais lorsqu'on veut veiller à sa santé, gardons quand même en tête que certains substituts végétariens sont plus sains que d'autres, d'un point de vue purement nutritionnel. En 2021 déjà, la FRC avait compté un total de 21 ingrédients différents dans plusieurs de ces aliments: «Certains d'entre eux sont des produits ultratransformés, pointe notre interlocutrice. Parfois, pour proposer un substitut à la viande ayant un gout et une texture satisfaisants, certaines marques ajoutent des additifs, des agents texturants et toutes sortes d'ingrédients peu recommandables.» 

La FRC conseille ainsi de consulter les étiquettes, avant de choisir l'un de ces substituts: «La liste des ingrédients doit être courte, et ces derniers doivent être connus et identifiables par le consommateur», conclut Rebecca Eggenberger.

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