Le Valais et le Tessin vivent l'enfer depuis vendredi 28 juin. Les intempéries ont causé la mort tragique de quatre personnes. Le Rhône a connu une crue extrême, des ponts ont été emportés par les masses d'eau, des villages et des routes ont été inondés. L'approvisionnement en électricité et en eau a été interrompu. L'armée a été appelée à la rescousse.
La conseillère nationale vaudoise Jacqueline de Quattro savait que le drame guettait. La libérale-radicale (PLR) l'avait prédit, dans une chronique publiée par Blick. L'élue craignait pour la sécurité des habitants, après la décision du Conseil d'Etat valaisan de retarder la 3e correction du Rhône.
Il faut dire que la députée maîtrise le sujet. Avant de rejoindre la délégation vaudoise à Berne, elle a siégé au Conseil d'Etat vaudois de 2007 à 2019, d'abord au Département de la sécurité et de l'environnement, puis au dicastère englobant le territoire et l'environnement. Elle nous livre son expertise.
Jacqueline de Quattro, êtes-vous médium?
Non mais c’était prévisible. À peine élue au Conseil d'État vaudois, en 2007, j’ai été confrontée au drame de Roche qui m'a beaucoup marquée.
Politiquement ou humainement?
Humainement. Le torrent avait débordé, les maisons étaient ravagées. J'étais sur le terrain, en botte, dans la boue et au milieu des gravats, sous le déluge, avec tous ces gens qui pleuraient. On a dû héberger les habitants dans une salle. J'ai fait appel à la Confédération.
Quelle a été sa réponse?
Un Super Puma de l'armée a été mobilisé pour survoler l’amont de la rivière afin de vérifier si l'on pouvait autoriser la population à rentrer chez elle. Je suis donc très touchée par le drame qui frappe les Valaisans et les Tessinois.
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Le Conseil d'Etat valaisan a fauté en retardant le projet de correction du Rhône?
Pendant 20 ans, Vaud et du Valais et la Confédération ont travaillé main dans la main sur la 3ème correction du Rhône, essentielle pour la sécurité de la population, des infrastructures et des entreprises. La décision unilatérale du Valais de demander une Xème expertise retarde l'ensemble des travaux alors qu’il est urgent d’aller de l’avant.
Si vous aviez encore été chargée du dossier, vous auriez fait différemment?
Je ne me permettrais pas de faire la leçon au Valais. Nos voisins doivent faire face à de nombreux dangers naturels sur leur territoire. Neuf dixièmes du tracé du Rhône se trouvent en Valais, tout est plus vaste, plus complexe et plus cher. Ils ont aussi découvert des décharges hautement contaminées, à cause de l'héritage industriel du Rhône, avec des pollueurs qui ne sont plus là pour rendre des comptes.
Qu'est-ce qui vous fâche, alors?
C’est que ce projet d'intérêt public a pris beaucoup de retard en raison d’intérêts particuliers, d’oppositions et de recours de certains milieux agricoles et environnementaux, mais aussi à force de multiplier les expertises. À force de vouloir perfectionner ce projet, on a perdu un temps précieux. Heureusement que nous avons pris à l’époque du côté vaudois des mesures d'urgence dans le Chablais vaudois.
Il faudrait mettre un frein à ces recours?
La population a le droit de se prononcer. Il y aura toujours un impact sur la nature qui déplaira aux écologistes. Un empiètement sur des terres agricoles qui fâchera les paysans. Des citoyens qui préféreraient que cet argent soit investi ailleurs. Mais la vie humaine vaut plus qu'un terrain ou qu'une forêt alluviale.
La Confédération pourra-t-elle demander au Valais de rembourser les millions donnés pour la correction du Rhône?
Si un canton devait modifier unilatéralement le projet, la Confédération pourrait exiger le remboursement des investissements accordés. Toutefois, nous n’en sommes pas là. Le Valais n’est pas responsable de la crue qui vient de déferler sur la région. Mais tout nouveau retard dans l’exécution des travaux serait impardonnable.
Qu'avez-vous fait, à l'époque où vous étiez en charge du dossier?
Nous avons travaillé d’arrache-pied avec le Valais et la Confédération. Mais devant la lenteur du chantier, nous avons dû prendre des mesures d'urgence pour tenter de sécuriser la zone industrielle et le Centre mondial du cyclisme, à Aigle (ndlr: la première a été inondée dimanche 30 juin, toute l'après-midi). Ces deux espaces étaient en zone rouge, c’est-à-dire exposés à un risque mortel. On a donc déjà bien contenu le danger.
Pourquoi construire en zone rouge, dans ce cas-là?
La population a beaucoup augmenté dans le Chablais, la région s’est énormément développée. Des constructions ont été érigées sur des terrains que les anciens savaient dangereux. C’est pour cette raison que cantons et communes ont depuis élaboré des cartes de dangers naturels.
Alors, comment faire pour éviter un prochain épisode?
On met la 5ème vitesse. Car la nature nous rappelle qu'on ne la domestiquera jamais complètement.