«Je souhaite de tout cœur que les Ukrainiens puissent vivre comme les Suisses.» C'est ainsi que le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'était adressé à notre pays par vidéo en mars 2022. «Et tout comme je souhaite que les Ukrainiens vivent comme les Suisses, je veux que vous rejoignez les Ukrainiens dans la lutte contre le mal», avait-il ajouté.
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A cette époque, des milliers de personnes avaient manifesté sur la Place fédérale contre la guerre déclenchée par les Russes en Ukraine le 24 février 2022. Le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis avait également participé à la manifestation, ne manquant pas de saluer personnellement le président ukrainien à coups de «cher Volodymyr» et «ami».
L'UDC souhaite rester à l'écart
Ce jeudi 15 juin, Volodymyr Zelensky s'adressera à nouveau à la Suisse. Via une visioconférence au Palais fédéral, il s'exprimera à 14 heures devant le Parlement. L'intervention n'aura pas lieu sur les heures de séances officielles, mais pendant la pause de midi. L'UDC se prépare toutefois à un coup d'éclat: elle refusera d'écouter le président ukrainien et souhaite rester à l'écart lors du discours.
Le chef du groupe UDC Thomas Aeschi a même tenté d'empêcher la présence virtuelle de Zelensky par une motion d'ordre, argumentant que son discours violait la neutralité. Pour lui, l'Ukraine tenterait ainsi d'influencer les décisions du Parlement. La motion a été rejetée.
Solidarité avec la population ukrainienne
Du côté des autres partis, on prête une toute autre signification au discours de ce jeudi. «Que Zelensky puisse s'exprimer au Parlement suisse est juste. Cela montre la solidarité de notre pays avec le peuple ukrainien et condamne l'agression russe», souligne la conseillère nationale du Centre Elisabeth Schneider-Schneider.
Elle demande toutefois un soutien plus large. «Outre les sanctions et l'aide humanitaire, il est plus que temps d'instaurer un droit de transmission des armes», déclare la politicienne de Bâle-Campagne. Le Conseil fédéral et le Parlement devraient enfin prendre les décisions nécessaires.
Le conseiller national PS Fabian Molina voit lui aussi dans ce discours «un signe important de solidarité avec l'Ukraine, qui continue de lutter pour sa survie». Il se dit heureux que le Conseil national ait ouvert la voie mercredi à la restitution de 25 chars Leopard à l'Allemagne.
«D'un autre côté, c'est une honte que la Suisse soit à la traîne au niveau international en matière d'aide humanitaire, de déminage, de blocage des fonds des oligarques et de sanctions autonomes contre les sbires de Poutine», dénonce le Zurichois. Selon lui, la Suisse peut et doit faire plus par solidarité, mais aussi dans son propre intérêt, avec en ligne de mire une paix stable en Europe.
Pour l'UDC, le refus d'assister à l'événement est clair. Même le conseiller national Franz Grüter, qui préside pourtant la Commission de politique extérieure, renoncera à y participer «pour des raisons de calendrier». Le Lucernois émet toutefois des réserves de fond: «Si nous commençons à donner une tribune à des chefs d'Etat, nous tirons dans le dos du Conseil fédéral», estime-t-il. Pour lui, les apparitions de représentants de gouvernements étrangers ne sont pas une tradition à Berne.
Sujets encore inconnus
Reste à savoir quel sera le contenu exact du discours de Volodymyr Zelensky. Celui-ci devrait bien entendu s'exprimer sur la situation actuelle en Ukraine. Mais évoquera-t-il la contre-offensive en cours? C'est fort probable, d'autant plus qu'une conférence sur la reconstruction de l'Ukraine aura lieu à Londres la semaine prochaine à Londres.
L'UDC Franz Grüter quant à lui n'en doute pas: Zelensky adressera à la Suisse un large catalogue d'exigences, avec des livraisons d'armes directes et indirectes. Il demandera aussi l'expropriation de ressortissants russes, la participation de la Suisse à la taskforce internationale pour la mise en œuvre des sanctions économiques contre la Russie ou encore l'arrêt de la propagande russe en Suisse.
«Le président Zelensky devrait insister sur un soutien financier massif à la reconstruction de l'Ukraine et sur le renforcement de l'aide humanitaire», précise encore le Lucernois. Il indiquera aussi certainement que ce sont les valeurs occidentales qui sont défendues en Ukraine.
Un auditoire attentif
Toujours est-il que dans les autres rangs de la Coupole, les propos du président ukrainien seront accueillis avec attentions, y compris par les Conseillers fédéraux. On ne sait pas si ces derniers suivront le discours depuis le Palais fédéral ou ailleurs.