«Il faut harceler la rectrice»
Immersion dans un groupe d'étudiants fribourgeois anti-pass Covid

Ancien de l'Université de Fribourg en histoire, le terme «apartheid» me choque. Encore plus lorsqu'il est utilisé par d'anciens camarades pour décrire la politique vaccinale contre le Covid. J'ai intégré leur groupe pour tenter de comprendre leurs revendications.
Publié: 19.09.2021 à 13:28 heures
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Dernière mise à jour: 23.09.2021 à 17:18 heures
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Matthias DavetJournaliste Blick

Tout commence par un flyer, rédigé en anglais et distribué une semaine avant la rentrée sur les campus de l’Université de Fribourg. Le slogan: «Non au pass sanitaire». Les mots utilisés: «Mettre fin à l’apartheid du vaccin». Je viens de quitter cette même université et m’interroge: comment des étudiants ayant accès aux hautes études peuvent-ils utiliser un terme aussi abject qu’«apartheid» pour désigner ce qui est en train de se passer dans notre pays?

La décision est prise, je dois intégrer discrètement ce groupe d’étudiants pour comprendre leurs revendications. Pour cela, rien de plus simple: le groupe Telegram «ESC (ndlr: éducation sans certificat) pour Fribourg, les étudiants résistent» est promu dans divers groupes WhatsApp d’universitaires. L’avantage de la plateforme Telegram est que les utilisateurs sont anonymes et peuvent interagir via des pseudonymes. Je m’y glisse et observe en silence, comme à travers une petite lucarne, cette partie du monde universitaire.

«Harceler la rectrice sur le quai de gare»

C’est aussi via un message envoyé sur WhatsApp que Louise, étudiante en troisième année de droit, a rejoint le groupe Telegram. Tout d’abord par curiosité: «D’abord, je ne savais pas de quoi il s’agissait, explique-t-elle à Blick. Lorsque j’ai compris, je n’ai pas résisté à l’envie de tenter de les freiner.» Louise invoque des articles de loi pour prouver que le certificat Covid n’est pas illégal, rien n’y fait.

Elle finit par attirer l’attention. Sur le groupe, on commence à parler de celle qui pense différemment. «Un message m’a perturbée, souligne l’étudiante. Ils avaient peur que je démotive les autres et me demandaient donc de quitter le groupe».

Photo: DR

Chose que Louise réalise quelques heures plus tard: «Je suis partie de moi-même. Lorsque j’ai vu un message qui incitait à 'harceler la rectrice sur le quai de gare', il était temps pour moi de quitter le groupe». Effarant, ce message a été posté par un certain Chris.

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Chris, nouveau Jean Moulin?

Ce Chris semble être l’un des chefs de meute de ce groupe d’étudiants. Très actif sur Telegram, c’est lui qui, chaque heure, écrit qu’une réunion aura lieu vendredi 17 septembre au parc du Domino afin de faire connaissance, s’organiser formellement et définir une stratégie.

Le personnage est assez intéressant. Alors que certains de ses camarades sont plutôt modérés, il s’égosille. Il croit que les mesures sanitaires, le masque et le vaccin ne sont pas utiles. Assez rapidement, je remarque que ce groupe de presque 300 personnes ne se bat pas forcément pour la même cause.

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Des tensions se font sentir au moment où celle que j’appellerai Lola (simplement «L» sur Telegram) affirme que la majorité des étudiants sont «brainwashed (leur cerveau a été lavé)». Tandis que «Léviator» n’apprécie pas ce terme, Chris lui emboîte le pas en expliquant qu’il ne faut pas les appeler comme cela en public, même s’ils le sont, car ils ne pensent pas.

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Alors que l’Université de Genève a annoncé la gratuité des tests salivaires pour permettre le retour des élèves non vaccinés en cours, Chris ne veut pas en entendre parler à Fribourg. L’administrateur du groupe voit bien plus loin et souhaite que le certificat soit aboli. Il est beau de rêver. Malgré une prise de contact par message privé, Chris n’a pas répondu à nos questions.

Photo: DR

Les actions mises en place

Outre le fait de vouloir «harceler la rectrice sur le quai de gare», les membres du groupe ESC l’ont bombardée de lettres, toutes écrites sur le même modèle. D’après eux, si la rectrice croule sous les courriers, elle finira par lâcher du lest. Dans cette missive, que nous nous sommes procurée, les élèves parlent de «chantage économique, social et culturel».

Ils affirment également que les personnes ne pouvant pas se faire vacciner à cause de leur santé doivent prendre en charge les coûts des tests Covid, quand bien même l’université a communiqué que «les personnes qui ne peuvent pas être vaccinées pour des raisons médicales peuvent néanmoins assister aux cours avec une attestation et un masque».

«Nous comprenons les étudiants en colère»

«Mardi dernier, le Conseil d'Etat fribourgeois a adopté une ordonnance donnant un cadre clair aux Hautes Ecoles. Cette ordonnance leur permet d’introduire le certificat Covid dans leur établissement. Le délai ultime pour le faire a été fixé au 31 octobre prochain.» Les mots de Marianne Meyer Genilloud, secrétaire générale adjointe du canton de Fribourg, sont clairs: le pass sanitaire est obligatoire pour suivre les cours à l'université.

«En principe, ça devrait être comme avant (ndlr: comme au semestre passé) pour ceux qui suivent les cours à distance», rassure Marius Widmer. Le responsable de la communication de l'Université de Fribourg explique que des caméras ont été installées dans certains auditoires pour permettre de mieux suivre les cours en ligne, ce qui évite une exclusion des personnes souhaitant rester chez elles.

De plus, Marius Widmer et l'université essayent de se mettre à la place des étudiants: «Nous comprenons ceux qui sont en colère. Le laps de temps entre la décision du Conseil fédéral et la rentrée était très court.» Mais il souligne que l'institution n'a pas vraiment le choix: «C'est soit le pass, soit la capacité maximum des salles limitée à deux tiers.» Des exceptions sont toutefois possibles, notamment pour les cours pratiques en sport ou pour la formation à l'enseignement.

Au niveau de la mise en place de ce système, l'université demandera à l'enseignant de contrôler les certificats à l'entrée de chaque salle ou, si cela demande trop de temps, des contrôles aléatoires seront prévus. Marius Widmer rappelle également que les étudiants auront la possibilité de se faire vacciner sur place et que les tests salivaires ne sont pas envisagés pour le moment.

«Mardi dernier, le Conseil d'Etat fribourgeois a adopté une ordonnance donnant un cadre clair aux Hautes Ecoles. Cette ordonnance leur permet d’introduire le certificat Covid dans leur établissement. Le délai ultime pour le faire a été fixé au 31 octobre prochain.» Les mots de Marianne Meyer Genilloud, secrétaire générale adjointe du canton de Fribourg, sont clairs: le pass sanitaire est obligatoire pour suivre les cours à l'université.

«En principe, ça devrait être comme avant (ndlr: comme au semestre passé) pour ceux qui suivent les cours à distance», rassure Marius Widmer. Le responsable de la communication de l'Université de Fribourg explique que des caméras ont été installées dans certains auditoires pour permettre de mieux suivre les cours en ligne, ce qui évite une exclusion des personnes souhaitant rester chez elles.

De plus, Marius Widmer et l'université essayent de se mettre à la place des étudiants: «Nous comprenons ceux qui sont en colère. Le laps de temps entre la décision du Conseil fédéral et la rentrée était très court.» Mais il souligne que l'institution n'a pas vraiment le choix: «C'est soit le pass, soit la capacité maximum des salles limitée à deux tiers.» Des exceptions sont toutefois possibles, notamment pour les cours pratiques en sport ou pour la formation à l'enseignement.

Au niveau de la mise en place de ce système, l'université demandera à l'enseignant de contrôler les certificats à l'entrée de chaque salle ou, si cela demande trop de temps, des contrôles aléatoires seront prévus. Marius Widmer rappelle également que les étudiants auront la possibilité de se faire vacciner sur place et que les tests salivaires ne sont pas envisagés pour le moment.

Mais la principale action mise en place par ce groupe d’étudiants a eu lieu lundi matin, à 8h (ou à 18h, la révolution a l’air d’être peu organisée avec deux flyers donnant les deux horaires) sur le campus de Pérolles (ou sur celui de Miséricorde). Réunis vendredi au parc du Domino, les étudiants ont pris la décision d’organiser une manifestation le jour de la rentrée pour affirmer leurs droits. Une action qui risque de ne pas être soutenue par tous puisque Leo indique, toujours dans le groupe Telegram, ne vraiment pas avoir envie de rater la rentrée. Finalement, une quarantaine de personnes se sont présentées sur le campus de Miséricorde avec quelques panneaux. Toutefois, une bonne partie de ces manifestants n'avaient pas l'air d'avoir l'âge moyen des étudiants.

Photo: DR

«Fondamentalement, nous ne sommes pas contre ces mesures»

Contactée, l’Association Générale des Étudiant·e·s de l’Université de Fribourg (AGEF) ne soutient pas ces élèves contestataires. «On est encore en discussion avec l’université mais nous voulons faciliter cette rentrée avec, comme but principal, une reprise des cours en présentiel, affirme Guillaume Haas, son co-président. Fondamentalement, nous ne sommes pas contre ces mesures.»

Avec le manque de soutien de l’AGEF, les élèves du groupe Telegram risquent bien de devoir se plier aux normes en vigueur s’ils souhaitent participer aux cours sur place cette année. Manifestation réussie (ou pas), l’Université de Fribourg met l’accent sur l’importance du présentiel (ce que les anti-pass font également dans leur lettre). Mais s’ils veulent accéder aux salles de classe, ces étudiants vont devoir montrer patte blanche. Ou prendre des risques en contournant le règlement.

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