Fusion d'urgence avec l'UBS
Le sort de Credit Suisse sera scellé ce dimanche

La grande banque en difficulté doit être fusionnée en urgence avec l'UBS et la Banque nationale suisse s'est engagée en faveur d'une solution rapide. Cette situation pourrait être démêlée ce dimanche.
Publié: 19.03.2023 à 08:17 heures
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Dernière mise à jour: 19.03.2023 à 08:54 heures
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Le président de Credit Suisse Axel Lehmann fait face à une situation délicate.
Photo: keystone-sda.ch
Beat Schmid*

Ce sont les heures les plus sombres des 167 ans d'histoire de Credit Suisse (CS). Le sort de ce qui fut la banque la plus importante du pays sera scellé ce week-end. Un établissement qui est lié à l'histoire économique suisse comme aucun autre. La banque d'Alfred Escher (1819-1882) fut la première banque d'investissement de Suisse. Rappelons aussi que cette institution a donné naissance à des groupes mondiaux comme Swiss Re ou l'assureur de rentes Swiss Life.

Mais aujourd'hui, le Credit Suisse Group ne peut plus vraiment voler de ses propres ailes. Il a perdu de sa superbe et devrait être vendu à son concurrent le plus féroce, selon ce qui a été discuté samedi et qui le sera encore ce dimanche.

Autour de la table des négociations se trouvent des représentants de la Banque nationale, de la Finma, de CS et de l'Union Bancaire Suisse (UBS). Il est question de vendre tout ou partie de CS. Comme l'a rapporté le «Financial Times» vendredi soir, la Banque nationale, sous la direction de Thomas Jordan, souhaite que les deux établissements se mettent d'accord sur «une solution simple et facile, avant l'ouverture des marchés de ce lundi».

Le patron de la Banque nationale suisse, Thomas Jordan.
Photo: keystone-sda.ch

Rencontre décisive ce dimanche

Blick le sait: une rencontre décisive avec le Conseil fédéral aura lieu ce dimanche. Le public devra être informé de l'issue de celle-ci dans un second temps. Le scénario souhaité par les autorités de surveillance? Une fusion des deux grandes banques. Ce que l'on appelle le plan A aurait pour objectif de freiner l'anéantissement de la confiance des investisseurs en Credit Suisse, écrit le journal financier britannique. C'est capital. Car l'effondrement de l'une des 30 banques mondiales d'importance systémique déclencherait une réaction en chaîne qui deviendrait très vite incontrôlable.

Une éventuelle fusion d'urgence avec l'UBS s'est profilée à la fin de la semaine. Il faut rappeler que l'aide en liquidités de 50 milliards de francs accordée ce mercredi soir par la Banque nationale n'a apporté qu'un sursis à l'institution en perdition. Dès ce vendredi, ses actions ont à nouveau perdu beaucoup de valeur. À la clôture du négoce, une action valait 1,86 franc après une perte de -8%.

Les obligations en berne

L'impossibilité de maîtriser les forces du marché s'est aussi manifestée dans les cours des obligations. Malgré le soutien de la BNS, les bonds – comme on appelle les titres de créance dans le jargon – ne se sont guère remis de leurs plus bas niveaux. De même, les fameux credit default swaps, qui couvrent le défaut d'une obligation, ont stagné à un niveau très élevé.

Pourquoi? Credit Ssuisse a peut-être dû déposer des actifs de premier ordre en garantie auprès de la BNS afin d'obtenir les liquidités nécessaires. Le profil de risque de la banque s'en est alors trouvé modifié - le risque a augmenté, et certains détenteurs d'obligations l'ont forcément remarqué. Les agences de notation n'ont d'ailleurs pas non plus vu d'un bon œil cet énorme apport de liquidités. Ce vendredi, DBRS Morningstar, la quatrième plus grande agence de notation de crédit au monde, a abaissé la notation de CS à «BBB».

Une idée discutable

Mais une fusion avec l'UBS a-t-elle un sens? Difficile de répondre à cette question. Une reprise et une intégration complètes de CS ne fonctionneraient guère et pourraient même mettre l'UBS en danger.

C'est le département de banque d'investissement qui poserait le plus de problèmes à l'UBS. Selon Kian Abouhossein, l'un des observateurs les plus connus du secteur bancaire, cette unité devrait être entièrement liquidée. Coût de l'opération: 30 milliards de francs. Qui passerait à la caisse? Y aurait-il une sorte de bad bank, garanti par la Confédération? Ou les créanciers de CS, qui ont injecté du capital dit bail-in prévu en cas de crise, devraient-ils mettre la main au porte-monnaie?

Les problèmes pourraient être résolus sur le marché national. Pour des raisons de droit des cartels, l'unité suisse de CS devrait devenir indépendante par le biais d'une entrée en bourse. La marque Credit Suisse pourrait être maintenue. Les analystes estiment la valeur de CS Suisse à dix milliards de francs au moins - soit nettement plus que la valeur actuelle du groupe. Vendredi soir, le groupe CS était évalué à 7,4 milliards de francs.

L'UBS conserverait en fin de compte le «Wealth Management», c'est-à-dire la gestion de fortune privée, ainsi que l'«Asset Management», la gestion de fortune institutionnelle. La grande banque pourrait ainsi consolider sa position de plus grand gestionnaire de fortune du monde.

En théorie, du moins. Car il y a des raisons pour lesquelles les clients possédant un lourd portefeuille se sont rendus à CS plutôt qu'à l'UBS. Ils recherchent souvent des possibilités de placement sophistiquées et risquées, ce que l'UBS ne peut pas leur offrir. Ces familles d'entrepreneurs, parfois très fortunées, trouveront-elles leur bonheur à l'UBS? La question reste ouverte.

Peu d'alternatives

Quelles auraient été les alternatives à une fusion ou à une fusion partielle par l'UBS? Comme acquéreur, le profil d'une grande banque étrangère n'entrait plus vraiment en ligne de compte en raison de l'urgence de la situation. L'État serait donc resté le dernier sauveur. Mais la Banque nationale aurait pu aider encore plus CS en garantissant tous les dépôts de ses clients.

Autre variante: elle aurait pu injecter des capitaux supplémentaires dans la banque. Ce qui aurait donné à l'établissement en difficulté un sursis. Elle aurait eu plus de temps pour se restructurer.

Parallèlement, la fermeture de la banque d'investissement aurait pu être financée par une entrée en bourse de l'entité suisse. Or, les risques politiques ont manifestement été jugés trop importants. La Suisse ne s'est pas montrée prête à mettre sur pied un nouveau sauvetage public de grande ampleur, comme celui de l'UBS.

Une issue bientôt claire

On connaîtra bientôt le destin de CS. La suite des opérations devrait être clarifiée ce dimanche soir, au plus tard lundi matin, juste avant l'ouverture de la bourse.

Malgré toutes ces péripéties, la banque reste bien capitalisée et dispose toujours de suffisamment de liquidités. Une situation confortable qui a bien été confirmée par l'autorité de surveillance des marchés financiers, la Finma, la semaine dernière.

Mais s'il n'y a aucune raison de douter de ces réserves, pourquoi la banque s'est-elle transformée en jouet des spéculateurs, qui ont pu faire chuter le cours en vendant à découvert? Pourquoi tant de déposants ont-ils retiré leurs fonds?

C'est simple: les clients et les actionnaires ont complètement perdu confiance en la banque et en ses dirigeants. Plus personne ne croyait que le CEO Ulrich Körner et le président Axel Lehmann auraient pu mener la barque au succès. Il s'agit de la seule explication logique à cette situation catastrophique.

Effondrement de la crédibilité

Il faut noter que l'effondrement de la crédibilité de CS ne date pas d'hier. La dynamique s'est installée il y a des années. Mais l'été dernier, tout s'est accéléré. La situation est devenue incontrôlable. Axel Lehmann et Ukrich Körner avaient alors annoncé un changement radical. Et après cette promesse, ils ont été aux abonnés absents pendant trois mois pour élaborer une nouvelle stratégie.

Les rumeurs ont alors enflé. Des spéculations sur la faillite de la banque ont circulé en octobre. Les deux financiers ont bien tenté de faire marche arrière, mais il était trop tard. Les clients avaient déjà retiré plus de 80 milliards de francs.

Axel Lehmann n'a fait qu'empirer les choses lorsqu'il a enjolivé les sorties de fonds en décembre et s'est retrouvé dans le collimateur de la Finma. Il y dix jours, il a définitivement perdu le peu de crédibilité qui lui restait lorsque CS a dû reporter la publication de son rapport d'activité après une intervention de l'autorité américaine de surveillance des marchés boursiers. Pour finalement incarner une figure tragique ce mercredi: alors que le cours de l'action chutait de 30%, il a annoncé lors d'une conférence en Arabie saoudite que CS n'avait pas besoin d'aide de l'État. Vous connaissez la suite.

*Le journaliste Beat Schmid décortique des sujets financiers pour Blick. Il est l'éditeur du média en ligne tippinpoint.ch.

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