La première vague a submergé les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) en mars 2020, tel un tsunami. «Durant les trois premières vagues, nous avons traité environ 5000 patients Covid. C’est à peu près autant que les hôpitaux universitaires de Bâle, Berne et Zurich réunis», explique Martin Tramèr, médecin et chef du service d’anesthésiologie.
«Physiquement, ça va. Mais émotionnellement, nous avons atteint nos limites», déclare-t-il à Blick. «Nous avons près de 90 patients Covid. Deux tiers sont dans le service normal, le tiers restant se répartit équitablement entre le service de soins intermédiaires et le service de soins intensifs», explique-t-il
L’unité de soins intermédiaires s’occupe des patients qui sont gravement malades et qui ont besoin d’une surveillance étroite, mais qui, contrairement aux patients des soins intensifs, peuvent encore respirer de manière autonome.
La qualité des traitements va-t-elle en pâtir?
C’est la différence principale entre les vaccinés et les non-vaccinés qui terminent aux HUG. Les vaccinés développent des formes moins graves et se retrouvent plutôt en service de soins intermédiaires.
«Il s’agit de personnes âgées qui n’ont pas encore reçu de troisième dose. S’ils n’avaient pas été vaccinés, ils seraient probablement sous ventilation en ce moment», développe Martin Tramèr.
Les HUG ont basculé en mode crise pour pouvoir faire face à la cinquième vague. Pour chaque opération, les chirurgiens doivent évaluer s’il est possible de reporter l’intervention afin de garder suffisamment de lits disponibles pour les patients Covid dans les services de soin.
«Nous pouvons encore augmenter le nombre de lits, mais le personnel bien formé manque tout de même. Un jour ou l’autre, la qualité du traitement en souffrira, et nous voulons à tout prix éviter cela.»
«On n’en peut plus»
Petra Salomon, médecin-chef de l’unité de soins intensifs de l’hôpital de Burgdorf, dans l’Emmental bernois, déclare à Blick: «Nous sommes très occupés. Même si la situation dans la période hivernale est toujours très intense.»
Un patient Covid se trouve aux soins intensifs de l’hôpital. Leur nombre se situe en moyenne entre un et trois, avec un point commun. «La plupart d’entre eux ont entre 45 et 78 ans et ne sont pas vaccinés», explique la médecin.
«Nous sommes fatigués, on n’en peut plus», se désole Petra Salomon. Malgré tout, elle s’étonne toujours de la force et de l’énergie dégagée par ses collaborateurs. «Les gens s’engagent tous les jours et font leur travail à merveille», souligne-t-elle.
Colère et frustration
Sandro Stöckli, est quant à lui en colère. Très en colère. «C’est tellement frustrant!», fulmine ce médecin-chef de l’hôpital cantonal de Saint-Gall, qui a dû reporter plusieurs opérations urgentes concernant des cancers parce que les unités de soins intensifs étaient remplies de patients Covid, pour la plupart non vaccinés.
«C’est frustrant tant pour les médecins que le personnel soignant. Et c’est tellement pesant pour les patients et leurs proches», écrit-il sur le portail LinkedIn.
À Aarau, une vingtaine d’infirmiers démissionnent
Du côté de l’hôpital cantonal d’Aarau (KSA), on affirme également que les objectifs prioritaires sont d’assurer les soins à un maximum de patients et de garantir la protection des collaborateurs. «La situation actuelle n’a jamais été aussi tendue», explique Boris Rauscher, porte-parole de l’hôpital.
Le programme opératoire ne peut plus être maintenu et plusieurs interventions ont été reportées. Une vingtaine d’infirmiers auraient démissionné ces dernières semaines en raison de la situation difficile. Plusieurs d’entre eux auraient même annoncé vouloir changer de métier.
Mise en garde contre l’effondrement du système de santé
L’Association suisse des infirmiers (ASI) craint un effondrement du système de santé et demande un bonus pour le personnel soignant. Elle appelle en outre la population à rester attentive, par exemple lors de rencontres privées.
Sa mise en garde est ferme: «Si des mesures massives et efficaces ne sont pas rapidement décrétées, les médecins devront recourir au triage. Concrètement, cela signifie que des personnes qui ont besoin d’une place en soins intensifs ne l’obtiendront pas et risquent de mourir.»
(Adaptation par Alexandre Cudré)