Exploitations et pratiques douteuses
Bubble tea, bars à chicha et ongleries cachent une réalité sombre

Derrière les offres bon marché des salons de manucure, des barbershops et des boutiques de bubble tea se cache un sinistre système d'exploitation: les employés travaillent pour des salaires de misère, les autorités tirent la sonnette d'alarme.
Publié: 27.01.2025 à 10:45 heures
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Dernière mise à jour: 27.01.2025 à 11:58 heures
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Quel est le point commun entre les bars à chicha, les salons de manucure bon marché, les boutiques de barbiers et les boutiques de bubble tea? (image symbolique)
Photo: Shutterstock
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Nathalie Benn

Derrière les vitrines colorées des salons de manucure bon marché, des boutiques de bubble tea ou des barbershops à bas prix se cache une réalité bien plus sombre. Ces établissements fonctionnent avec un modèle économique qui repose sur l’exploitation d'employés vulnérables. Pour attirer la clientèle, les commerçants cassent les prix, mais ce sont les travailleurs qui en paient le vrai coût.

La police des étrangers de Berne appelle ce type d'enseignes, – souvent tenues par des étrangers–, «les irréguliers». Dans ces secteurs, l'exploitation, les mauvaises conditions de travail et le dumping salarial sont plus fréquents que la moyenne. Tous ces établissements de la branche ont un point commun: il n'existe pratiquement aucune exigence pour ouvrir un commerce. Les titres professionnels tels que «prothésiste ongulaire» ou «barbier» ne sont pas protégés. De plus, ces fonctions sont toutes faiblement réglementées – et s'il existe des associations, elles n'ont pas de pouvoir de coercition. «Les irréguliers» sont liés par le même modèle commercial: «Pour rester compétitives, ces entreprises misent sur des prix bas, ce qui n'est souvent possible que par l'exploitation des employés», précise Alexander Ott, chef de la police des étrangers de Berne. «Ils attirent la clientèle avec des prix très bas et tirent profit de leur système d'exploitation.»

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Salons de manucure: jusqu'à douze heures de travail quotidien

C'est sans doute là que le bât blesse le plus. Dans les salons de manucure à bas prix, une grande partie des employés travaillent jusqu'à douze heures par jour pour un salaire de misère. Beaucoup d'entre eux ne bénéficient pas non plus d'une protection professionnelle adéquate, c'est-à-dire d'un masque et de gants. De graves problèmes de santé peuvent en découler.

Malgré l’existence d’un syndicat national, Swiss Nail Design, la profession reste faiblement structurée. Ce syndicat ne regroupe qu’une cinquantaine de salons sur les 4300 estimés en Suisse, rendant difficile la régulation d’un secteur où les abus sont légion.

Les employés des «irréguliers» sont recrutés à l'étranger. Selon la branche, ils viennent généralement d'Asie ou du Proche-Orient. Les gérants de ces commerces viennent souvent eux-mêmes de l'étranger. Ainsi, les Vietnamiens dominent le secteur des salons de manucure à bas prix. 

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Les shops de bubble tea

Ces modèles d’exploitation ne se limitent pas aux salons de manucure. Les mêmes réseaux s’étendent à d’autres domaines, comme les boutiques de bubble tea, très en vogue ces dernières années. «Nous constatons que les employés des salons de manucure se retrouvent souvent derrière les comptoirs de ces boutiques», précise Alexander Ott.

«En fait, ils procèdent comme des entreprises légales, avec les mêmes méthodes de gestion: ils s'étendent à de nouveaux secteurs de produits», poursuit le chef de la police des étrangers. Il mentionne à ce propos que jusqu'à présent, il n'a toujours rencontré que des vendeurs de bubble tea d'origine asiatique.

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Les boutiques de barbiers

Le phénomène touche également les barbershops, souvent gérés par des familles originaires du Moyen-Orient ou des Balkans. Ces commerces se multiplient à grande vitesse, au détriment des salons de coiffure traditionnels, qui peinent à rivaliser avec des prix défiant toute concurrence. Bien que des conventions collectives aient été instaurées dans le secteur, les contrôles révèlent régulièrement des infractions.

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Les bars à chicha

Selon la police des étrangers, les bars à chicha représentent, tout comme les boutiques de bubble tea, une des nombreuses ramifications du phénomène des «irréguliers»: Alexander Ott explique que les réseaux derrière certains barbershops ont élargi leurs activités pour inclure ces établissements prisés des noctambules. «Et leurs pratiques douteuses ne s’arrêtent pas là: on les retrouve parfois aussi dans les kebabs ou les stands de falafels», ajoute-t-il.

La police cantonale argovienne est également au courant des pratiques douteuses des «irréguliers». «Nous constatons que ces établissements sont souvent utilisés comme lieu de rencontre pour des personnes aux intentions criminelles», déclare à Blick le porte-parole de la police Daniel Wächter. Les barbershops et les bars à chicha, en particulier, se révèlent être des lieux de retraite et des points de départ pour des délits tels que le trafic de drogue ou des infractions contre le patrimoine, constate-t-il.

Nombre élevé de cas non déclarés parmi les «irréguliers»

Le nombre exact de ces studios et commerces dits «irréguliers» reste un mystère. Ces établissements sont rarement recensés de manière détaillée, rendant impossible la distinction entre les affaires honnêtes et celles qui ne le sont pas. Alexander Ott confirme que la part invisible de ces «irréguliers» est considérable. Tant la police des étrangers bernoise que la police cantonale d’Argovie s’accordent sur un point: leur nombre ne cesse d’augmenter.

Face à cette réalité, les autorités restent vigilantes. Leur objectif? Garder un œil sur ces commerces douteux. Car derrière leurs prix cassés se cachent des employés en souffrance. Si les clients profitent de tarifs alléchants, ce sont les travailleurs qui en paient le véritable prix, souvent au détriment de leur santé et de leurs droits.

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