Quand on m'a dit que j'allais couvrir Paléo, mon cœur s'est emballé. Un tête-à-tête avec Booba? Un apéro avec Patti Smith? Courir nue dans un champ avec la chanteuse norvégienne Aurora? Je ne sais pas ce qui me réjouissait le plus.
Finalement, je n'ai rien fait de tout ça. Mais comme promis vendredi, j'ai passé une nuit avec une team de nettoyeuse de toilettes. Et franchement, entre la pompe à merde et les traces de vomi, les vraies stars, ce sont elles.
Si ça déborde, ça ferme
Je retrouve Orane vers 17h30, au premier briefing des nettoyeurs, sous la tente «aspirateurs». Des groupes entre 2 et 4 personnes passent six fois par soir dans «leurs toilettes», attribuées pour la semaine. «Les équipes font de la survie», explique le responsable, Alex.
La survie des toilettes, c'est nettoyer l'essentiel, remplacer les rouleaux de PQ, et évaluer ce qui doit être débouché ou condamné. Ma team me l'expliquera vite: aux heures chaudes, pas le temps de niaiser. Si ça déborde, on ferme.
«Messieurs, on vient pour les déchets!»
À 18h, Orane, Kalie, Fanny et Emma se retrouvent devant le local bleu, le même dans toutes les zones WC. «On enfile les t-shirts verts, on porte les rouleaux de PQ sur la tête», explique la senior de l'équipe. Généralement, les gens sont très gentils et remercient celles qui vont les sauver de la goutte de pipi qui tache.
Et ces Messieurs? «Quand on arrive à 18h, ils testent les urinoirs pour nous avec plaisir, confie Kalie. Personne ne nous prend pour des soubrettes.» À 23h15, quelques utilisateurs sont gênés. «On vient pour les déchets!!», annonce l'équipe. «Ah, d'accord, merci», répondent poliment ceux qui font pipi debout.
Les concerts de rap, la hantise
Mais tout n'est pas toujours rose. Jeudi soir, la tête d'affiche, c'est PLK. Les filles ont la flipette. Le rap leur fait peur? Eh bien oui, clairement. Mais pas pour les raisons qu'on imagine.
«Mardi soir, après Sean Paul (ndlr: oui, en plus du water-polo, il fait également du rap), les toilettes étaient vraiment sales, rapporte Orane. Les gens ne sont pas du tout respectueux, les concerts de rap sont les pires.» Un public plus jeune peut-être? «Non, c'est vraiment le rap. On craint aussi pour Booba samedi», ajoute Orane.
Agression aux toilettes
Amateur du genre, merci d'apprendre à tirer la chasse et à utiliser la brosse. Mais ça n'aidera pas pour les problèmes d'agressivité. Mardi soir, Fanny s'est fait prendre à partie par un festivalier. Pas géniale comme première expérience pour une bénévole.
«On a dû faire attendre un mec qui avait fait la queue, parce qu'il fallait condamner le cubicule, raconte Orane entre deux changements de rouleaux. Il était vraiment fâché, il a insulté ma collègue.»
Débarque alors un autre festivalier, qui goûte peu au ton pris par l'homme qui s'en prend à la nettoyeuse. «Il lui a mis un coup de tête, le mec était en sang. Mais moi, je ne fais que nettoyer les toilettes!», s'exclame Fanny.
La pompe à merde, une découverte
Ce soir-là, les passages pour la survie des WC ont pris 45 minutes aux quatre jeunes femmes. Mais jeudi soir, malgré PLK, tout est calme. C'est 10 minutes max. Orane a le temps de me montrer quelques joyaux.
«Tu connais la PAM?» L'enseignante dans une école d'horlogerie sort une sorte de tube de colle XXXL. «C'est la pompe à merde, dévoile Orane en rigolant. On l'utilise s'il y a peu de monde, sinon on condamne.»
«Quand on voit quatre pieds, il n'y a pas trop de doutes»
Durant les passages du soir, la mission consiste surtout à virer les bouteilles et les verres abandonnés sur les chasses d'eau, nettoyer le sol — avec des gants, parce que là, ça craint. «On retrouve des serviettes hygiéniques collées sur les murs, des capotes», racontent Kalie et Fanny.
Les toilettes de Paléo inspirent le romantisme? «C'est pas hyper fréquent, mais quand on voit quatre pieds qui ne bougent pas ou pas trop, il n'y a pas vraiment de doute», sourient les jeunes femmes.
Le secret? Un grand coup de jet
Le gros nettoyage est garanti par l'équipe de nuit. «Ils rendent tout nickel, c'est incroyable, félicite Orane. Quand l'équipe de jour arrive, c'est tellement propre!» Leur secret? Du produit, et un bon coup de jet.
À 2h45, dernier passage. Tout est calme et à part quelques traces de vomi, les dégâts sont loin d'être aussi violents que j'imaginais. L'heure de faire la fête? «Ça dépend, admet Orane. Parfois oui, mais là, on est fatiguées. Il faut encore qu'on passe par les toilettes du staff.»