Même les scénaristes des plus beaux films de Noël n'auraient pu se fendre d'un meilleur timing. Alors que j'arrive, un brin impressionnée, devant l'élégant Hôtel de Ville de Crissier, une équipe s'évertue à suspendre des guirlandes lumineuses à l'entrée de l'établissement. Le hasard se montre parfois très poétique.
Bientôt, l'ambiance de Noël gagnera le mythique restaurant vaudois, tenu par le chef Franck Giovannini, 50 ans, trois étoiles Michelin, 19 points au Gault & Millau et premier Suisse à escalader le podium du Bocuse d'Or. Suffisamment de récompenses étincelantes pour illuminer un sapin.
Ce natif de Tramelan (Jura bernois) m'attend de bonne heure, coiffé de sa toque, prêt à évoquer ses traditions festives et à révéler une recette accessible aux cordons bleus amateurs. Si vous avez follement hâte de vous inspirer des secrets du chef pour cuisiner un plat de Noël imparable, la marche-à-suivre complète se trouve dans l'encadré ci-dessous. Mais si vous avez le temps de savourer un moment de pure nostalgie avec nous, laissez l'entretien se dérouler comme une pâte feuilletée encore tiède. Promis, vous aurez faim dans quelques minutes.
Première étape: Composer un menu festif arrosé de repos
Peut-on s'octroyer une respiration, à l'approche de Noël, lorsqu'on est l'un des plus grands chefs au monde? Franck Giovannini acquiesce humblement: «Le restaurant est fermé pendant les Fêtes, c'est ainsi depuis que je suis arrivé, il y a vingt-neuf ans.» Et quelques jours avant, le rythme effréné décélère déjà un peu: à partir du 17 décembre, les trois menus habituels seront remplacés par une carte de Noël, véritable concentré de créativité et de traditions: «C'est la seule période de l'année où nous proposons un menu unique, mais on aime bien s'amuser avec la période de Noël, commente le chef. Sinon, au bout de deux jours, on s'ennuierait déjà!»
Le samedi 21 décembre, Franck Giovannini ôtera donc temporairement sa toque pour se replier chez lui, à Yvonand: «J’ai deux enfants et les Fêtes sont l’occasion de passer du temps avec eux.» Quels fumets émanent généralement de la cuisine familiale, en décembre? Jamais les mêmes: «Nous n'avons pas de plat fétiche qui revient chaque année. J’aime varier les plaisirs! D'ailleurs, cette année, nous fêterons Noël chez ma sœur et je ne serai pas aux fourneaux. Mais toute la famille se réunira chez moi le 23, pour le vingtième anniversaire de ma fille.» Au menu, on trouvera notamment de la truffe blanche, grande favorite de la tribu.
Par contre, lorsqu'il célèbre Noël avec ses copains, autour d'un généreux apéritif annuel, tous les plaisirs traditionnels sont permis: caviar, pâté, saucisson, foie gras... Les yeux du chef pétillent à cette idée, on sent qu'il s'en réjouit.
Seconde étape: Choisir votre poisson et anticiper votre sauce
Cuisiner pour un chef étoilé, surtout à Noël, n'est-ce pas une épreuve stressante? Absolument pas, estime notre interlocuteur: «Ma famille me connait, elle sait qu'il n'y a aucune de pression, que je suis plutôt simple et que je mange de tout! On déguste parfois une fondue ou une raclette, cela met tout le monde d'accord.»
Lorsqu'il reçoit les siens, Franck Giovannini ne se fixe qu'une seule règle: anticiper au maximum, afin de pouvoir passer du temps avec ses convives. «Chez moi, j'aime poser des grands plats au milieu de la table, pour davantage de convivialité. De cette façon, dès que je m'assieds, tout est fait, la cuisine est déjà nettoyée. J'adore utiliser des cocottes pour cela, car elles s'adaptent autant à la viande qu'aux produits de la mer.»
Un exemple? La soupe de poissons au vin blanc (recette ci-dessous) qui peut confortablement se préparer à l'avance. «Quand j'étais enfant, nous mangions surtout de la viande, donc je prends aujourd'hui beaucoup de plaisir à cuisiner des produits de la mer, des saint-Jacques, des langoustines... avec toujours quelques légumes dans la cocotte. C'est très simple! Le secret est de légèrement sous-cuire les ingrédients la veille, puis de passer la cocotte dans un four très chaud le jour même et de verser la sauce bouillante par-dessus, avant de servir.»
Portions: Environ 4 ou 5
À préparer la veille ou quelques heures avant le repas, afin de pouvoir profiter de la soirée. Il vous faudra juste une grande cocotte et un four très chaud, avant de servir. N'oubliez pas de tout placer au frigo si plusieurs heures s'écoulent entre la préparation et le repas.
Ingrédients:
- 600 ml. de vin blanc, Chasselas ou de Dézaley, selon vos préférences (dont 100 ml d'un bon vin)
- Quelques échalotes émincées
- Une quinzaine de champignons de Paris émincés
- Livèche et herbes aromatiques
- 2 cubes de bouillon de volaille
- 250 ml. de crème
- 1 citron vert
- 1 citron jaune
- Facultatif: 100 gr. de beurre
- Facultatif: 1 càs de fécule de pomme de terre
- Les poissons et crustacés de votre choix (prévoir environ 250 gr. par personne): sole, turbo, féra, noix de saint-jacques, langoustines...
- 2 poireaux
- 4 carottes
- 2 fenouils
- Huile d'olive
- Poivre et sel
Instructions:
Pour la sauce:
Le démarrage est toujours le même: faites revenir dans une casserole les échalotes, les champignons, un peu de livèche et d'herbes aromatiques.
Versez 500 ml de vin blanc dans la casserole et le laisser réduire de moitié. Puis, ajoutez vos 2 cubes de bouillon de volaille («Même pour un plat au poisson, c'est le meilleur, il corse un peu la sauce», précise Franck Giovannini)
Ajoutez autant de crème que de vin blanc, afin que le ratio vin-crème soit équivalent dans la casserole. Puis, ajoutez encore un peu de livèche, qui amènera une touche de fraîcheur.
Ajoutez 1 décilitre d'un très bon vin blanc («Celui qu'on va servir à l'apéro!», conseille le chef.»)
N'hésitez pas à ajouter trois petits cubes de beurre et d'un peu de fécule de pomme de terre «si l'on est gourmand».
Pour les garnitures:
À côté de la sauce, cuisez n'importe quel poisson blanc, préférablement du lac (sole, turbo, fera) ainsi que des fruits de mer, si vous le souhaitez (noix de saint-jacques, langoustine). Assaisonnez avec du poivre et du sel. «Le secret est de légèrement sous-cuire si vous préparez le plat en avance, explique le chef. Le jour même, vous pourrez le placer dans un four très chaud, avant de verser la sauce par-dessus».
Faites rôtir le tout à la poêle (la cuisson à la vapeur fonctionne aussi). Si vous avez prévu des saint-Jacques, ne les cuisez surtout pas trop («30 secondes par côté suffit amplement, si la poêle est très chaude», précise le chef.)
Faites également cuire vos légumes («Le fenouil se marie très bien avec le vin blanc!»), avant de les rafraîchir à l'eau. Gardez éventuellement les tiges du fenouil, pour les émincer et les ajouter à la toute fin.
Une fois que tout a refroidi, disposez vos poissons et/ou fruits de mer dans une grande cocotte, avec un filet d'huile d'olive, aux côtés des légumes.
Râpez des zestes d'agrumes, à la fois du citron vert et du citron jaune.
Le lendemain:
Préchauffez votre four à 220 degrés.
Si le cocotte était au frigo, sortez-la 30 minutes avant. Placez la cocotte environ 5-6 minutes dans le four très chaud («Pas plus longtemps, sinon, les Saint-Jacques seront trop cuites!»). Versez la sauce bouillante par-dessus. Puis dégustez!
Portions: Environ 4 ou 5
À préparer la veille ou quelques heures avant le repas, afin de pouvoir profiter de la soirée. Il vous faudra juste une grande cocotte et un four très chaud, avant de servir. N'oubliez pas de tout placer au frigo si plusieurs heures s'écoulent entre la préparation et le repas.
Ingrédients:
- 600 ml. de vin blanc, Chasselas ou de Dézaley, selon vos préférences (dont 100 ml d'un bon vin)
- Quelques échalotes émincées
- Une quinzaine de champignons de Paris émincés
- Livèche et herbes aromatiques
- 2 cubes de bouillon de volaille
- 250 ml. de crème
- 1 citron vert
- 1 citron jaune
- Facultatif: 100 gr. de beurre
- Facultatif: 1 càs de fécule de pomme de terre
- Les poissons et crustacés de votre choix (prévoir environ 250 gr. par personne): sole, turbo, féra, noix de saint-jacques, langoustines...
- 2 poireaux
- 4 carottes
- 2 fenouils
- Huile d'olive
- Poivre et sel
Instructions:
Pour la sauce:
Le démarrage est toujours le même: faites revenir dans une casserole les échalotes, les champignons, un peu de livèche et d'herbes aromatiques.
Versez 500 ml de vin blanc dans la casserole et le laisser réduire de moitié. Puis, ajoutez vos 2 cubes de bouillon de volaille («Même pour un plat au poisson, c'est le meilleur, il corse un peu la sauce», précise Franck Giovannini)
Ajoutez autant de crème que de vin blanc, afin que le ratio vin-crème soit équivalent dans la casserole. Puis, ajoutez encore un peu de livèche, qui amènera une touche de fraîcheur.
Ajoutez 1 décilitre d'un très bon vin blanc («Celui qu'on va servir à l'apéro!», conseille le chef.»)
N'hésitez pas à ajouter trois petits cubes de beurre et d'un peu de fécule de pomme de terre «si l'on est gourmand».
Pour les garnitures:
À côté de la sauce, cuisez n'importe quel poisson blanc, préférablement du lac (sole, turbo, fera) ainsi que des fruits de mer, si vous le souhaitez (noix de saint-jacques, langoustine). Assaisonnez avec du poivre et du sel. «Le secret est de légèrement sous-cuire si vous préparez le plat en avance, explique le chef. Le jour même, vous pourrez le placer dans un four très chaud, avant de verser la sauce par-dessus».
Faites rôtir le tout à la poêle (la cuisson à la vapeur fonctionne aussi). Si vous avez prévu des saint-Jacques, ne les cuisez surtout pas trop («30 secondes par côté suffit amplement, si la poêle est très chaude», précise le chef.)
Faites également cuire vos légumes («Le fenouil se marie très bien avec le vin blanc!»), avant de les rafraîchir à l'eau. Gardez éventuellement les tiges du fenouil, pour les émincer et les ajouter à la toute fin.
Une fois que tout a refroidi, disposez vos poissons et/ou fruits de mer dans une grande cocotte, avec un filet d'huile d'olive, aux côtés des légumes.
Râpez des zestes d'agrumes, à la fois du citron vert et du citron jaune.
Le lendemain:
Préchauffez votre four à 220 degrés.
Si le cocotte était au frigo, sortez-la 30 minutes avant. Placez la cocotte environ 5-6 minutes dans le four très chaud («Pas plus longtemps, sinon, les Saint-Jacques seront trop cuites!»). Versez la sauce bouillante par-dessus. Puis dégustez!
Troisième étape: Assaisonner le tout d'un zeste de nostalgie
Et hormis la viande, que mangeait-on, jadis, chez les Giovannini, à Noël? «À l'exception de quelques rares conserves ou surgelés, nous n'avions pas à disposition toute cette variété de plats préparés, quand j'étais petit. Le McDo n'existait pas, il fallait tout faire soi-même. Ma maman cuisinait beaucoup, j'avais cette chance. On servait souvent des plats simples, mais chaleureux, comme les fondues bourguignonnes.» Il se souvient que son père en raffolait particulièrement: «Moi, je suis moins fan: il n'y a que les sauces que j’aime. J’adore la mayonnaise, tout le monde se fiche de moi. C'est au point où on n'en a jamais à la maison, pour m'éviter la tentation.»
Mais c'est avant tout un dessert qui a marqué l'enfance du chef: le soleil d'Hawaii, à la base de crème et d'ananas en rondelles. «C'était le dessert de fête de ma mère. Je me rappelle qu'elle le servait dans des petits bols jaunes. Il y avait un grand, au centre de la table, et des petits dans lesquels nous mangions. J'adorais ça. Encore aujourd'hui, pour moi, le dessert doit être glacé. Et je suis le roi de la chantilly!» Pour quelqu'un qui s'affirme «plus salé que sucré», ce n'est pas peu dire.
Quatrième étape: Bannir à tout prix le «Eggnog»
Lorsque je lui demande quels plats festifs il abhorre, Franck Giovannini réfléchit. D'abord, rien ne lui vient. Puis, au souvenir de ses années passées aux États-Unis, notamment dans le Massachusetts, il esquisse une grimace: «Le Eggnog! Quelle horreur...» Il s'agit bien du fameux «lait de poule», cette boisson typiquement américaine composée de lait, de crème, de cannelle, de sucre et de jaune d'œuf, avec parfois un peu de whisky ou de rhum.
«La dinde aux marrons non plus, ce n'est pas mon truc, poursuit le chef. Si je la prépare moi-même, je la fais très différemment, plus subtile, moins sucrée. Et on a aussi vécu une période, chez nous, où tout le monde préparait la fondue chinoise. Ça non plus, ce n'est pas pour moi, à moins que les morceaux de viande soient suffisamment gros.»
Le flashback de Noël s'achève, il est temps pour Franck Giovannini de retrouver sa cuisine. Dehors, toutes les guirlandes ont été suspendues, elles se balancent doucement dans le souffle cru de la bise. Elles n'attendent plus que la nuit pour briller. Tout comme le chef, qui n'attend que ses clients. Ils afflueront bientôt, aussi ponctuels et fiables que les Fêtes, qui reviennent toujours. À Noël, en préparant votre soupe de poissons au vin blanc, vous aurez sûrement une pensée pour Franck Giovannini. Et en préparant la sienne, dans sa cocotte rouge préférée, il en aura peut-être une pour vous.