Employés en détresse après le Covid
Faut-il remplacer les RH par des robots?

Plus de 80% des salariés seraient prêts à changer de carrière en suivant les conseils de robots, selon la dernière enquête mondiale d'Oracle. Sarah Henry, experte RH dans l'entreprise d'informatique, souligne les effets de la pandémie. Interview.
Publié: 26.10.2021 à 09:01 heures
|
Dernière mise à jour: 26.10.2021 à 09:04 heures
AmitJuillard.png
Amit JuillardJournaliste Blick

Télétravail, visioconférence, pause de midi à la maison, chat qui passe sur le clavier… La pandémie a profondément bouleversé nos vies professionnelles. Conséquence presque logique: la confiance en l’intelligence artificielle a augmenté. C’est ce que démontre l’étude internationale — menée dans treize pays, y exclus la Suisse, auprès de 14’600 personnes — d’Oracle et de Workplace Intelligence publiée ce mardi.

Autre résultat: 83% des salariées et salarié semblent prêts à embrasser une nouvelle carrière dans l’année à venir après avoir souffert durant la crise sanitaire. Mais seuls 18% veulent changer de crèmerie. Pour Oracle, entreprise active dans l’informatique qui promeut ses «assistants digitaux» dotés d’intelligence artificielle, aucun doute: les robots voleront au secours de ces employées et employés en détresse.

Ces robots dédiés aux ressources humaines (RH) sont capables d’émettre des fiches de salaire ou de saisir une demande de congé mais aussi d’écouter les salariées et salariés. Et même de les conseiller sur la base d’éléments entrés dans leur système par l’entreprise. Cerise sur le gâteau: plus ces machines ont de conversations, plus elles sont capables de perfectionner leurs réponses.

Aux employeurs de s’adapter, donc, et d’apporter des réponses technologiques aux nouveaux besoins des travailleuses et travailleurs pour ne pas les perdre, insiste Sarah Henry, vice-présidente Solutions RH.

Selon les résultats de votre étude, 82% des employés pensent que les robots sont plus à même de soutenir leur carrière que les humains. Et trois quarts adopteraient des changements de vie basés sur les recommandations de l’intelligence artificielle. Est-il temps de remplacer les RH par des ordinateurs?
Sarah Henry
: La solution n’est jamais de remplacer les gens par la technologie, mais de leur donner les moyens de travailler mieux grâce à la technologie. Cela inclut les RH. Les employés font confiance — chaque année un peu plus — à l’intelligence artificielle pour les aider à progresser facilement dans leur carrière au sein d’une entreprise. D’ailleurs, un pourcentage alarmant — 85% — se plaint d’un manque de soutien dans ce domaine. Offrir de nouvelles technologies pour aider la main-d’œuvre est l’une des principales solutions à ce problème.

Pourquoi font-ils davantage confiance à des robots qu’à leurs collègues des RH?
Dans un premier temps, l’utilisation de l’intelligence artificielle tend à créer davantage de confiance car il n’y a pas de subjectivité ni de jugement dans cette relation anonyme. Cela ne signifie pourtant pas que les managers ne sont plus importants. Au contraire! Une bonne moitié des gens croit que les humains ont toujours un rôle essentiel à jouer dans le développement de leur carrière. Plus particulièrement dans le soutien et les conseils basés sur l’expérience personnelle.

La balle semble dans le camp des patrons. Que doivent-ils faire?
C’est vrai, la balle est dans leur camp. La pandémie a irrévocablement modifié la relation employeurs-employés. Les entreprises qui n’en ont pas conscience et qui ne s’attellent pas à créer un lieu de travail bienveillant, flexible et offrant des possibilités d’avancement claires, se retrouveront du mauvais côté de l’histoire et perdront ces salariés. Les employeurs doivent également beaucoup mieux communiquer avec les travailleurs. Non seulement en leur demandant ce qui les rendrait plus heureux, et donc plus productifs, mais aussi en agissant. Malgré le désir généralisé de nouvelles ouvertures, près d’un tiers des personnes affirme que leur entreprise ne discute même pas d’intelligence artificielle.

Avec la pandémie, les employés ont davantage réfléchi à leur vie professionnelle. Selon votre enquête, plus de 80% d’entre eux souhaitent changer de carrière — mais pas forcément d’employeur — dans l’année à venir. C’est inquiétant, non?
On peut dire sans se tromper que nous ressentons tous — à des degrés divers — de l’anxiété, voire sommes déprimés, dans notre vie à la suite de cette crise sanitaire. Plus de 60% le concèdent: l’année 2021 a été la plus stressante de leur vie professionnelle. Et plus de la moitié déclare avoir davantage de problèmes de santé mentale cette année que l’année dernière. Les employeurs doivent en être conscients. Les millénniaux — personnes nées entre 1984 et 1996 — font partie de la première génération d’employés pour laquelle le mantra est: «Je travaillerai pour vous tant que vous prendrez soin de moi et de ma carrière. Quand vous arrêterez, je partirai».

On pourrait penser que la crise du Covid a encouragé la population active à lever le pied, à travailler moins, à tendre vers un nouvel équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Or, selon vos résultats, le développement professionnel sera une priorité pour beaucoup à l’approche de 2022. Environ la moitié des personnes interrogées serait même prête à renoncer à des vacances, à des primes ou à une partie de son salaire pour faire évoluer sa carrière…
Malgré les sentiments négatifs suscités par la crise, les salariés semblent plus motivés que jamais pour améliorer leurs perspectives de carrière. Mais trois quarts disent aussi se sentir «bloqués» sur le plan professionnel. Cette combinaison frustration-réflexion est puissante et débouche sur la détermination. C’est frappant: en échange d’une meilleure vie professionnelle les gens sont prêts à renoncer à d’autres avantages durement acquis. Les travailleurs ont des priorités bien différentes aujourd’hui de celles d’avant la pandémie. Ils reconsidèrent le type d’employeur pour lequel ils veulent travailler, ce qu’ils recherchent dans leur carrière et l’importance qu’ils accordent à leur santé et à leur bien-être.


Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la