La conseillère fédérale PS Elisabeth Baume-Schneider effectue cette année un marathon de votations. Après la 13e rente AVS, l'allègement des primes, le frein aux coûts et l'initiative Stop à la vaccination obligatoire, c'est au tour de la réforme de la prévoyance professionnelle (LPP) d'être soumise au peuple. La Jurassienne reçoit Blick à Berne pour une interview. Autour d'un café et d'une eau minérale, elle explique pourquoi le projet mérite un oui et revient sur l'actualité nationale de ce début d'été.
Madame Baume-Schneider, de graves intempéries ont causé de gros dégâts dans les cantons de montagne et des décès sont à déplorer. Quel regard portez-vous sur ces événements extrêmes?
Je suis très touchée et je tiens à exprimer mes sentiments de compassion aux personnes qui ont perdu des proches. De tels événements montrent ce que le changement climatique implique: le risque de dommages causés par des phénomènes naturels a augmenté, de même que le danger pour les vies humaines. C’est un thème qui va continuer de nous préoccuper.
En tant que nouvelle ministre de l'Intérieur, vous avez déjà vécu des votes difficiles, et la réforme de la LPP promet d'en être un autre. Allez-vous pouvoir vous reposer un peu cet été?
Je ne suis pas si fatiguée (rires). Mais l'été sera quand même, à l’instar de ce qui vit la population en général, un peu plus calme pour moi, notamment parce qu'il n'y a pas de réunions de commissions ou de séances du Conseil fédéral. J'ai naturellement quelques dossiers à étudier, mais à côté de cela, je vais passer plus de temps avec ma famille, peut-être lire un roman, jardiner un peu et prendre du plaisir à ne rien faire.
En janvier, vous êtes passée du Département de la justice et police (DFJP) à celui de l'intérieur (DFI). Nous avons l'impression que vous vous y sentez plus à l'aise...
Je me sentais bien au DFJP aussi. Mais au DFI, je suis plus proche de mes thèmes politiques et je peux apporter mon expertise. Il y a beaucoup à faire et les attentes sont élevées, mais c'est un travail gratifiant. Des thèmes comme la santé et les assurances sociales concernent très directement la vie quotidienne de la population.
Depuis le début de l'année, vous avez un nouveau collègue au Conseil fédéral en la personne de Beat Jans. Comment cela se passe-t-il avec lui au sein du Conseil fédéral?
Très bien. C'est un collègue très agréable et pointu dans ses analyses et actions. J'apprécie de travailler avec lui.
Il a rapidement adopté une position plus ferme en matière de politique d'asile...
Il cherche des solutions raisonnables, en écho avec le Parlement. C'est aussi ce que j'ai fait.
L'UDC a été beaucoup plus dure avec vous qu'elle ne l'est aujourd'hui avec Beat Jans. Pensez-vous qu'être une femme joue un rôle là-dedans?
Fait-on une séance de psychothérapie? Très honnêtement, c’est un fait que le travail des femmes et des hommes est encore trop souvent jugé différemment. Mais nous étions aussi l’an dernier dans une période électorale et l'ambiance dans le pays était tout à fait différente. Les attaques ont parfois été violentes, mais je suis fière de mon travail au DFJP.
Comment est l'ambiance au sein du Conseil fédéral, alors que les finances limitées donnent lieu à une lutte coriace pour la répartition des ressources?
Nous travaillons de manière collégiale, même si nous ne sommes pas toujours d'accord. L'ambiance au Conseil fédéral est bonne. Argumenter, et chercher des compromis: c’est ce qui me plaît dans le travail politique. Et c'est ce qui fait la force de notre démocratie, surtout quand on observe ce qui se passe dans d'autres pays.
Quel a été jusqu'à présent votre moment le plus fort en tant que ministre de l'Intérieur?
Je vis des moments forts, pratiquement tous les jours. L'annonce pour janvier 2026 des nouveaux tarifs médicaux avec Tardoc et des forfaits par cas a certainement été un jalon. Nous avons ainsi fait un pas décisif après des années de blocage entre les partenaires tarifaires. Et cela montre bien que les choses bougent dans le secteur de la santé. C'est motivant! Et de manière générale, j'apprécie la collaboration avec les cantons.
La réforme de la LPP va maintenant être soumise au peuple. Un projet que le Conseil fédéral n'a pas voulu ainsi. Est-ce une tâche ingrate pour vous de devoir défendre ce projet?
Ce n'est pas ingrat, c'est la démocratie. Même si le projet ne correspond plus au compromis des partenaires sociaux, c'est un progrès qui apporte bon nombre d’éléments positifs.
La réforme ne remplit plus la promesse de maintenir en grande partie le niveau des rentes, votre prédécesseur Alain Berset l'a souligné à plusieurs reprises. Comment voyez-vous cela?
Il est exact que dans certains cas, cette promesse ne pourra pas être tenue. Mais il convient de relever que grâce à cette réforme, une grande majorité des personnes à bas revenus auront une rente plus élevée. L'espérance de vie augmente, les taux d'intérêt sont bas et il n'est pas certain qu’ils augmentent suffisamment dans un avenir proche. Dès lors, l’adaptation du taux de conversion est nécessaire. Nous devons aussi éviter la redistribution des cotisations des assurés actifs en faveur du financement des rentes des retraités dans les caisses de pension qui assurent le minimum légal. Enfin, un point significatif est à relever: 70'000 actifs seront désormais assurés au deuxième pilier et toucheront une rente, financée au minimum de manière paritaire par leur employeur. Ce n'est pas le paradis, mais les bas salaires et les employés à temps partiel profiteront de cette réforme.
Les personnes à bas revenus paient plus de cotisations salariales et reçoivent une rente LPP plus élevée. Malgré cela, que leur reste-t-il si, en contrepartie, les prestations complémentaires sont supprimées?
Il est préférable d'avoir un deuxième pilier plutôt que de dépendre des prestations complémentaires. Une rente LPP n'est pas seulement un complément à la rente AVS, mais elle assure aussi les personnes en cas d'invalidité ou de décès, par exemple avec des rentes de veuve ou de veuf. Les prestations complémentaires sont un tout autre système.
Ce que la réforme apporte aux femmes est également controversée. Quelle promesse leur faites-vous?
Je ne peux pas faire de promesse aux femmes. Par contre, je peux m’adresser aux personnes à faible revenu – et malheureusement, ce sont trop souvent encore des femmes. Elles seront plus nombreuses qu'aujourd'hui à toucher un deuxième pilier et donc disposeront d’une meilleure pension. Elles auront une petite rente, certes, mais elles recevront quelque chose. Aujourd'hui, elles ne reçoivent rien.
Pour une génération de transition étalée sur 15 ans, il y aura un supplément de rente échelonné. Mais la moitié des payeurs ne recevra rien. La classe moyenne doit même s'attendre à une baisse des rentes... comment défendre cela?
Soyons bien clair: les bénéficiaires de rentes actuels ne sont pas concernés. Et la majeure partie des assurés – donc des futurs retraités – ne perd rien. Pourquoi? Parce qu'ils sont assurés auprès d'une caisse de pension qui offre des prestations nettement supérieures à celles prescrites par la loi. Ces personnes ne feront que cofinancer le supplément de rente de la génération transitoire. Mais vous avez raison: ceux qui bénéficient d’à peine plus que le minimum légal et qui ne reçoivent pas de supplément doivent s'attendre à une rente plus modeste, selon leur âge et leur parcours de vie. Il n'est toutefois pas possible de faire une déclaration générale, car la prévoyance professionnelle est réglée individuellement pour chacune et chacun – en fonction de sa carrière professionnelle, de l'évolution de son salaire ou du règlement de sa caisse de pension.
13e rente AVS, initiative sur les primes et maintenant réforme de la LPP: c'est la troisième fois que vous affrontez le patron des syndicats Pierre-Yves Maillard. Cela ne commence-t-il pas à vous agacer?
Non, je l'apprécie beaucoup. Nous avons des rôles différents. En tant que conseillère fédérale, je suis membre d’un gouvernement qui respecte le principe de la collégialité. Pierre-Yves Maillard, lui, est syndicaliste. Il fait son travail, moi le mien.
Cela ne nuit pas à votre amitié? Avez-vous rendu le chat qu'il vous avait offert?
Non, il est trop vieux maintenant de toute façon (rires). Mon chat reste mon chat! Le fait que Pierre-Yves Maillard et moi nous retrouvions face à face fait partie de la culture politique de notre pays. Cela ne nuit pas à notre amitié.
Il n'y a pas que la gauche qui s'oppose à la réforme, mais aussi une partie de l'économie. Quel est votre plan B en cas de non?
Je m'engage toujours en premier lieu pour le plan A. Il n'est pas encore temps d’en suivre un autre. Mais il est sûr que nous ne pouvons pas simplement ne rien faire pour le deuxième pilier. Sinon, la couverture insuffisante des personnes à bas revenus persistera.
Pour financer la 13e rente AVS, vous souhaitez augmenter les cotisations salariales. Ne portez-vous pas préjudice à la réforme de la LPP, car celle-ci entraînera également une augmentation des coûts salariaux?
Nous devons considérer les coûts salariaux dans leur ensemble. Pour l'assurance chômage, les cotisations salariales pourraient encore baisser. Il en va de même pour les cotisations des travailleurs âgés.
Vous faites avancer rapidement le financement de la 13e rente AVS, ce qui suscite des critiques de la part du Parti libéral-radical et de l'Union démocratique du centre. Pourquoi ne pas tout aborder ensemble dans la grande réforme de l'AVS prévue pour 2026?
L'initiative était claire: la 13e rente doit être versée en 2026. Il faut respecter cela. Nous avons la responsabilité de veiller à ce que le fonds AVS soit sain sur le plan financier. C'est pourquoi le Conseil fédéral a décidé qu'avec l'introduction de la 13e rente, le financement devait également être assuré. Cela a un prix, que nous devons maintenant payer. Je m'étonne que ce soient précisément celles et ceux qui habituellement insistent sur la nécessité de mener une politique financière raisonnable qui veulent aujourd’hui repousser ces questions à plus tard. Et nous ne savons pas ce qui nous attend dans le futur, par exemple si l'initiative du Centre sur le déplafonnement des rentes AVS devait être acceptée par le peuple.
Au-delà de la 13e rente, l'AVS a de toute façon besoin de recettes supplémentaires. Votre département a également évoqué à cet effet un impôt fédéral direct plus élevé. Est-ce le scénario que vous préférez?
Nous discutons au sein du Conseil fédéral des différentes options de financement qui entrent en ligne de compte pour la 13e rente. Mais de manière générale, nous devrons mener une large discussion, lors de la prochaine réforme de l’AVS, sur la manière d’assumer les dépenses supplémentaires.