Un documentaire de la série «Reporter» de la SRF a échauffé les esprits en mars. Le sujet était l'argent des oligarques russes en Suisse. Les spectateurs ont pu découvrir une bureaucratie helvétique dépassée par l'application des sanctions. Cette situation a été illustrée de manière dramatique par l'entrée en scène hésitante du directeur des finances zougois Heinz Tännler.
Saint-Moritz aux Grisons, le lieu de résidence du baron des engrais Andrei Melnitchenko, n'a pas été beaucoup mieux traité dans le reportage. Les réalisateurs du documentaire ont notamment qualifié la station thermale de luxe de l'Engadine d'«enclave russe» (en allemand, «Russenpflaster»). Saint-Moritz ne s'est pas laissé faire et a déposé une plainte auprès de l'organe de médiation de la SSR.
Un cas d'école en matière de diplomatie
L'essentiel de la plainte concernait les images d'archives mentionnées plus haut, dont le public avait l'impression qu'il s'agissait de prises de vue récentes des reporters. Le verdict de l'office de médiation est désormais disponible, et c'est un cas d'école en matière de diplomatie: un blâme accompagné de louages.
Certaines lignes du jugement devraient en effet réchauffer le cœur de la SRF. L'émission était «excellente», «globalement instructive», elle «s'est saisie d'un événement d'actualité pertinent», «a mis en lumière des éléments jusqu'ici inconnus» et «a suscité un large et important débat national». De quoi réjouir les journalistes responsables du documentaire.
Des images datées
L'office de médiation rejette le reproche de la ville des Grisons, selon lequel la SRF aurait misé sur des témoins-clés usés et sur des préjugés infondés lors de l'émission. De plus, Saint-Moritz est effectivement très appréciée des vacanciers russes, raison pour laquelle l'expression «enclave russe» est justifiable.
Les arbitres impartiaux donnent cependant raison à Saint-Moritz sur un point essentiel de la plainte: «Les médiateurs approuvent le reproche concernant l'absence d'indication des sources et de la durée.»
Il s'agit entre autres de séquences montrant un moniteur de ski et une directrice du tourisme qui, en réalité, ne sont plus en service depuis des années, ainsi que d'images d'un hôte célèbre lors d'une fête russe ayant eu lieu il y a bien longtemps.
Pas de grandes critiques des chaînes publiques
En bref, les reporters expérimentés de la SRF auraient dû déclarer clairement les archives en tant que telles aux contribuables. C'est d'autant plus vrai pour un sujet aussi politiquement chargé - et au vu des directives journalistiques de la maison, qui prescrivent «le soin apporté à la vérification des faits et des sources ainsi que la transparence sur l'état des connaissances et la plausibilité des sources utilisées.»
Les deux médiateurs qui défendent ce jugement, Esther Girsberger et Kurt Schöbi, ne sont cependant pas connus pour être de grands critiques des chaînes publiques.
(Adaptation par Lliana Doudot)