Des négociations difficiles
La Suisse n'est pas sortie totalement gagnante de l'accord avec l'UE

Après neuf mois et près de 200 réunions, nous y sommes enfin! Le nouvel accord européen a été conclu. Voici ce que la Suisse a obtenu de Bruxelles. Notre tour d'horizon et nos notes.
Publié: 21.12.2024 à 12:39 heures
Une «étape importante». La cheffe de la Commission européenne Ursula von der Leyen (à gauche) rencontre la présidente de la Confédération suisse Viola Amherd à Berne.
Photo: AFP
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Sven Altermatt, Ruedi Studer et Tobias Bruggmann

Les négociations sont terminées! C'est le moment de faire les comptes. La Suisse a conclu les négociations avec l'Union européenne (UE). Les négociateurs du ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis ont marchandé pendant près de 200 séances – les discussions ont duré des milliers d'heures.

Les grandes lignes des nouveaux accords bilatéraux sont sur la table. Ignazio Cassis les a présentés avec ses collègues du Conseil fédéral Guy Parmelin et Beat Jans. Auparavant, la présidente de la Confédération Viola Amherd avait parlé d'un «jalon» lors d'une rencontre avec la cheffe de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

Mais la nouvelle lutte politique est désormais à l'intérieur du pays. Le chemin est encore long jusqu'à ce que le paquet – éventuellement divisé en plusieurs parties – puisse être soumis au peuple. Blick présente ce que la Suisse a obtenu à Bruxelles et attribue, selon le succès des négociations, de 1 (rien n'a été obtenu) à 5 étoiles (l'objectif a été atteint).

De l'argent pour la cohésion

A l'avenir, la Suisse versera régulièrement des contributions dites de cohésion, qui soutiennent des projets de développement dans les pays les plus pauvres de l'UE. Dans une phase de transition, la Suisse devra verser chaque année entre 2025 et 2029 une contribution à la cohésion de 130 millions de francs. Pour la période 2030-2036, le Conseil fédéral et l'UE ont convenu d'un montant annuel de 350 millions de francs.

Notre avis: La Suisse n'obtient pas l'accès au marché intérieur de l'UE à un prix discount. Mais comme chaque marchand, la Suisse doit payer une sorte de taxe pour pouvoir accéder au marché de l'UE. La Norvège, pays non membre de l'UE, paie 390 millions, soit un montant similaire. (3 étoiles sur 5)

Clause de sauvegarde pour l'immigration

En matière d'immigration, la clause de sauvegarde actuelle, qui est déclenchée en cas de graves problèmes économiques ou sociaux, doit être repensée. La Suisse veut définir dans la loi sur les étrangers les conditions dans lesquelles elle doit être activée. Si elle est déclenchée, le comité dit mixte ou éventuellement un tribunal arbitral décidera si les mesures de protection sont justifiées ou non.

Si c'est le cas et que la Suisse applique malgré tout des mesures, l'UE peut prendre des mesures pénales. En contrepartie, la Suisse reprend en partie la directive sur les citoyens de l'UE, mais avec des exceptions, par exemple en matière d'expulsion. En outre, la Suisse doit aligner les frais d'inscription à l'université, actuellement plus élevés pour les étrangers, sur ceux des étudients suisses.

Notre avis: La clause de sauvegarde reste pour l'instant floue. Son efficacité dépendra des critères d'activation concrets et des mesures de protection que le Conseil fédéral définira. En ce qui concerne la directive sur les citoyens de l'Union, la Suisse a pu désamorcer certains points. (2 étoiles sur 5)

Querelle sur le règlement des litiges

Que faire en cas de litige? Le règlement des différends entre la Suisse et l'UE doit se faire via un mécanisme spécifique. Les désaccords seront d'abord traités au sein du comité mixte, et si nécessaire, un tribunal arbitral tranchera. En cas de litige sur l'interprétation du droit européen, c'est la Cour de justice européenne qui statuera. Pour les opposants, il s'agit d'un traitement de faveur inadmissible pour l'UE, critiquant un «tribunal de la partie adverse».

Notre avis: Tout s'est passé comme prévu. Le Conseil fédéral a obtenu beaucoup, la solution est équitable pour la Suisse. (4 étoiles sur 5)

Une reprise dynamique du droit

C'est un sujet brûlant. La reprise dynamique du droit signifie que la Suisse reprend le nouveau droit de l'UE dans le domaine des accords bilatéraux. Cela ne se fait pas automatiquement, mais après un processus politique – du Parlement aux votations populaires. Toutefois, si la Suisse ne veut pas reprendre une réglementation, l'UE risque de prendre des mesures punitives.

Notre avis: La Suisse peut toujours dire non, si elle est prête à en assumer les conséquences. Mais la Suisse est dans un étau. Cela ne concerne toutefois que des domaines très précis. (3 étoiles sur 5)

Protection des salaires

En matière de protection des salaires, il n'y a pas de grandes surprises. L'obligation de déposer une caution pour les entreprises étrangères est limitée, le délai d'annonce préalable pour les branches à risque est réduit de huit à quatre jours.

La Suisse doit reprendre la réglementation européenne controversée sur les frais, selon laquelle seuls les montants en vigueur dans le pays d'origine – généralement nettement plus bas – doivent être pris en charge. Cette réglementation pourrait avoir pour conséquence que des peintres polonais, par exemple, qui travaillent en Suisse et y prennent leur repas de midi, ne soient remboursés que des frais de leur pays d'origine. Une clause de non-régression doit veiller à ce que le niveau de protection des salaires suisses soit garanti à l'avenir contre d'éventuels reculs de l'UE.

Notre avis: La protection des salaires a tendance à se détériorer. La gravité de celle-ci dépendra surtout de la manière dont la réglementation européenne sur les frais sera mise en œuvre au niveau national. Le Conseil fédéral veut ici «utiliser au maximum» sa marge de manœuvre. En revanche, la clause de non-régression est un point positif. (2 étoiles sur 5)

Nouvel accord sur l'électricité

Le marché de l'électricité est libéralisé. Ceux qui le souhaitent peuvent choisir librement leur fournisseur et éventuellement faire des économies – ou payer nettement plus cher en cas de crise de l'électricité. Les ménages peuvent toutefois rester dans l'approvisionnement de base et avoir ainsi des prix garantis. La Suisse a voulu cet accord pour garantir la sécurité de l'approvisionnement. Il s'agit en particulier du réseau électrique, qui est fortement relié à celui de l'UE.

Notre avis: Une libéralisation complète n'aurait aucune chance après les bouleversements sur le marché de l'énergie au début de la guerre en Ukraine. Les clients ont désormais le choix. (3 étoiles sur 5)

Trafic ferroviaire et aérien

À l'avenir, les chemins de fer étrangers comme Flixtrain pourront également circuler sur les rails suisses. Le système suisse de transports publics ne sera pas affecté négativement, affirme-t-on. En ce qui concerne le trafic aérien, les compagnies aériennes suisses pourront à l'avenir proposer des vols intérieurs dans les pays de l'UE.

Notre avis: Le réseau ferroviaire suisse est déjà très sollicité aujourd'hui. Le légendaire horaire cadencé reste assuré. Dans la pratique, les libéralisations devraient avoir du mal à se concrétiser. (4 étoiles sur 5)

Autres accords

De nouveaux accords sont également prévus dans les domaines de la santé et de la sécurité alimentaire. Ainsi, on veut «prendre des mesures communes pour protéger la population en cas de risques sanitaires transfrontaliers graves».

Notre avis: Les accords sont inoffensifs et ne feront guère parler d'eux. (4 étoiles sur 5)

La suite des événements

L'accord avec l'UE nécessiterait la modification de quelque 150 lois et ordonnances. L'UDC et les organisations anti-UE sont fondamentalement opposées à de nouveaux accords bilatéraux, les syndicats exigent de nombreuses concessions.

Le Conseil fédéral a obtenu quelques résultats à Bruxelles, mais rien n'est encore formellement signé. Au niveau national, les discussions sur les mesures de politique intérieure s'annoncent difficiles. Un projet de consultation devrait toutefois être présenté avant la pause estivale de 2025.

Début 2026, le Conseil fédéral veut soumettre le paquet au Parlement. Une votation populaire avant les élections de 2027 est considérée comme improbable. Le message au Parlement sera épais: on parle de 1500 pages.

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