Des microplastiques dans l'eau?
Des toiles pour empêcher la fonte du glacier du Rhône échauffent les esprits

Des fragments de toile flottent dans le lac au pied du glacier du Rhône (VS). Ils proviennent de la couche de protection supposée ralentir la fonte de la grotte de glace. Les écologistes et les particuliers trouvent cela scandaleux.
Publié: 05.07.2023 à 06:11 heures
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Dernière mise à jour: 05.07.2023 à 06:49 heures
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Plusieurs plaques de glace se sont détachées de la grotte de glace, entraînant avec elles les toiles qui la protègent.
Photo: Andrea Soltermann
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Martin Meul

Josef Imsand, 77 ans, professeur de lycée à la retraite d’Ulrichen (VS), ne mâche pas ses mots: «Ce qui se passe au glacier du Rhône est une violation grave de la nature. Les linceuls s’enfoncent dans le lac glaciaire et personne n’intervient.» Cet amoureux de la nature a exprimé sa colère sur les réseaux sociaux. Et il n’est pas le seul.

Par «linceuls», ce passionné de montagne entend les bandes de textile non-tissé blanc qui recouvre la grotte de glace du glacier du Rhône afin de retarder la fonte de la glace. Le tissu blanc est posé sur les contreforts les plus bas du glacier, la langue glaciaire qui donne directement sur le lac.

Sous les toiles se trouve la grotte – un tunnel creusé chaque année dans la glace. Depuis 1870 déjà, des milliers de visiteurs de Suisse et de l’étranger s’y rendent pour s’immerger dans le monde mystérieux des glaces éternelles. Un hotspot touristique à 2300 mètres d’altitude. Ce sont d’ailleurs les exploitants de la grotte qui veulent ralentir la fonte de leur source de revenus en installant des toiles.

«Une action immédiate s’impose»

Ces draps font aussi réagir Eva-Maria Kläy de Pro Natura Haut-Valais. La militante écologiste est choquée par la quantité de textile qui a déjà fini dans le lac. Rien qu’à la surface, on peut voir des bandes de tissu drapées sur des plaques de glace. «Il doit y en avoir bien plus sous l’eau, peut-être même des tonnes», s’énerve-t-elle.

Il n'est apparemment pas facile d'enlever les bandes de non-tissé sur la banquise. C'est ce que disent les exploitants de la grotte.
Photo: Andrea Soltermann

Pour la militante écologiste, il ne s’agit pas seulement d’une atteinte au paysage. Elle craint des conséquences bien plus graves. Les draps non-tissé pourraient produire des microparticules de plastique. «Cela signifie que nous polluons le Rhône directement à la source, c’est un scandale!» Selon elle, il ne faudra pas s’étonner si l’on trouve une quantité trop élevée de microplastiques dans le lac Léman par exemple. «Cette situation est une très mauvaise publicité pour le Valais et la Suisse.»

Eva-Maria Kläy exige que des mesures immédiates soient prises. La militante considère à cet égard que les exploitants privés de la grotte de glace doivent agir. «Ils sont responsables, ils doivent nettoyer et surtout assumer les coûts», assène-t-elle.

Une opération difficile

De son côté, la famille exploitante de la grotte de glace n’est également pas satisfaite de la situation. L’année dernière, toutes les «solutions imaginables» ont été examinées pour sortir les toiles du lac. «Les propositions allaient du guide de montagne spécialisé à l’hélicoptère», explique Philipp Carlen, représentant des exploitants. Mais toutes les hypothèses ont été jugées trop dangereuses. Il n’est donc pas possible de retirer facilement et rapidement les textiles du lac, selon les exploitants. A moyen terme toutefois, une solution devrait voir le jour.

Les fabricants des draps les auraient assuré que le textile n’avait pas d’influence négative sur la santé. Il est également utilisé pour la protection de l’eau et des sources. «Les critiques portent sans doute en premier lieu sur les atteintes à l’esthétique», glisse Philipp Carlen.

Le fait que les toiles flottent à la surface du lac est une conséquence directe de la fonte des glaciers. L’année dernière, des parties de la langue glaciaire recouverte de tissu se sont détachées et les blocs de glace se sont retrouvés dans l’étendue d’eau.

Une procédure administrative

Alors que Philipp Carlen est convaincu de l’innocuité du tissu, le canton du Valais semble, en revanche, avoir des doutes. Interrogé par Blick, Thierry Pralong, responsable des eaux de surface, explique que son équipe est «consciente du problème. La dégradation des bâches peut, dans certaines circonstances, générer des microplastiques.» Le spécialiste craint que ces microplastiques, mais aussi des résidus plus importants, ne se retrouvent dans le Rhône avec l’eau de fonte et soient emportés. «Cela constituerait bien sûr une atteinte à l’environnement», souligne le responsable de la protection des eaux du canton.

L’exploitant s’est donc vu imposer des conditions dans le cadre d’une procédure administrative. Mais pour des raisons de protection des données, Thierry Pralong ne peut pas dire en quoi elles consistent en détail. En raison de cette procédure, il n’est pas non plus possible de savoir si l’exploitation de la grotte de glace est fondamentalement menacée en raison des fragments de toiles dans le lac.

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