Un Ministère public de Suisse alémanique est le théâtre d'une lutte intestine d'une rare violence. Des collaborateurs souhaitent se débarrasser du procureur Alexander P.*. Et ils sont prêts à employer tous les moyens pour parvenir à leurs fins.
Des photos intimes et des détails sur la vie sexuelle d'Alexander P. ont ainsi été diffusés à l'interne. Le procureur et sa femme sont actifs dans le milieu de l'échangisme depuis de nombreuses années. «Mes plus proches collaborateurs le savent», explique Alexander P. à Blick. «C'est notre sexualité, et nous l'assumons.»
La campagne de dénigrement a rapidement dépassé le cadre du Ministère public au point qu'elle est devenue un sujet de discussion au Conseil d'Etat. Blick a décidé de ne pas révéler le nom du canton concerné, d'un commun accord avec le procureur. L'échangisme est une pratique sexuelle par laquelle deux couples s'échangent leurs partenaires, souvent sous le regard d'autres personnes elles aussi échangistes.
«Ce n'est pas simplement du porno«
Pour trouver d'autres adeptes de cette pratique, Alexander P. et sa femme recourent à une plateforme échangiste. Comme beaucoup dans le milieu, ils utilisent un faux lieu de résidence et de faux noms. Sur leurs photos, leurs visages ne sont pas visibles. «Ce n'est que lorsque nous discutons depuis longtemps avec quelqu'un, que nous lui faisons confiance, que nous envoyons des photos sur lesquelles nous sommes reconnaissables», explique Alexander P.
Il souligne que de nombreuses personnes ont une image erronée image de l'échangisme. «Ce n'est pas simplement du porno, mais un rapport sexuel respectueux avec des personnes qui vivent leur sexualité différemment.» Seulement voilà, dans son environnement professionnel, certains ont décidé d'utiliser cet aspect de sa privée contre lui.
Le procureur doit organiser des soirées sexuelles
Revenons quelques années en arrière. Alexander P. dirige un projet de restructuration au sein du Ministère public. «J'y ai exprimé mon opinion de manière claire, ce qui a dérangé certains collaborateurs», raconte-t-il. «Pourtant quelqu'un devait mettre en œuvre ces mesures.»
Peu de temps après, il reçoit une convocation de son chef. La raison? Quelqu'un l'a dénoncé au gouvernement cantonal. En discutant avec son supérieur, il lui apparait rapidement que ses pratiques échangistes sont au cœur du signalement: «On nous a reprochés, à moi et à ma femme, d'organiser des soirées sexuelles douteuses», raconte Alexander P.
Ces accusations, il les réfute. «Une fois, nous avons fêté le Nouvel An avec des collègues échangistes.» Autrement dit, le sexe n'était pas la seule motivation de cette soirée.
«Girls wanna have fun?»
On apprend également qu'Alexander P. cherche des partenaires sexuels via l'application Telegram sans masquer son numéro de téléphone portable. Blick dispose d'une capture d'écran de compte, abandonné depuis. La photo de profil représente un torse nu tandis que la description contient un message sans équivoque. «Girls wanna have fun?» (En français: «Les filles, vous voulez vous amuser?»)
«Ma femme et moi avons ouvert ce compte ensemble. Je n'étais pas conscient que je devais masquer mon numéro de manière proactive. C'était une erreur stupide que j'aimerais bien gommer», explique le procureur. Il l'assure: ce compte est resté actif seulement quelques jours. Un ami lui fait alors remarquer que son numéro est visible. Alexander P. et sa femme rédigent aussitôt une déclaration. Mais le mal est fait.
Les accusations à l'encontre du procureur donnent lieu à une enquête, de laquelle le procureur sort blanchi. «Je pensais que l'histoire était terminée.»
Les pratiques du procureur, un risque pour la sécurité
Mais aujourd'hui, alors que d'autres questions sont débattues au sein du Ministère public, cette question refait soudainement surface. Et les débats sur la vie privée d'Alexander P. reprennent de plus belle. Une lettre adressée à Blick reprend les anciennes accusations contre Alexander P. et en mentionne même une nouvelle.
Les expéditeurs du courrier suggèrent en effet que quelque-chose d'illégal s'est produit du Nouvel-an. Selon eux, des substances illégales auraient été consommées. Alexander P. conteste: «Nous ne consommons pas de substances illégales. Pour ma femme et moi, c'est no-way.»
Etre échangiste n'est pas illégal, rappelle le procureur. «Mais notre vie privée est utilisée pour nous nuire.» La lettre fait valoir que le procureur encourt le risque d'être soumis à un chantage en raison de ses activités échangistes et de sa négligence. «Il ne fait aucun doute que le couple représente un risque considérable pour la sécurité du Ministère public», peut-on lire.
D'autres histoires relayées
Alexander P. a décidé de réagir en déposant une plainte contre inconnu pour atteinte à l'honneur, contrainte, discrimination et dénonciation calomnieuse. Pendant ce temps, les attaques perdurent au Ministère public, où de nouvelles rumeurs à caractère sexuel ont été propagées. Le service de médiation a été sollicité.
Ce qui touche particulièrement le procureur, c'est que ses accusateurs font probablement partie de son environnement de travail proche. «Je regarde sûrement tous les jours dans les yeux la personne qui me trahit et qui veut se débarrasser de moi. Ça me fait mal.»
Mais pour lui et sa femme, pas question d'arrêter l'échangisme. «Nous ne nous laisserons pas dicter notre vie privée.»
* Nom connu de la rédaction