Le triage en soins intensifs obéit à une règle d’or: celui qui a les meilleures chances de survie à court terme obtient le lit. Cela défavoriserait, à l’heure du Covid, les patients cancéreux, affirment aujourd’hui deux organisations. Qui exigent de nouvelles règles.
Jakob Passweg, médecin-chef en hématologie à l’hôpital universitaire de Bâle et président de l’association contre le cancer, Oncosuisse, lance un pavé dans la mare: «en cas de triage, le statut vaccinal doit être pris en compte pour savoir qui aura une place aux soins intensifs». Il ne s’agit pas de discriminer les personnes non vaccinées, selon lui, mais d’un moyen de pression pour augmenter le taux de vaccination et de protéger les patients à risque. «Les malades et les survivants du cancer sont mis en danger par les personnes non vaccinées», assène-t-il.
Le traitement médical est un droit fondamental
Stefanie de Borba, porte-parole de la Ligue suisse contre le cancer, craint elle aussi que les intérêts des patients cancéreux ne soient pas suffisamment pris en compte dans les directives de tri actuelles. «Les chances de survie à court terme des malades du cancer sont généralement moins bonnes. De plus, le succès du traitement est souvent difficile à prédire.» Si un triage sévère devait avoir lieu dans les semaines à venir, il se ferait au détriment des patients atteints de cancer, Stefanie de Borba en est convaincue.
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L’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) n’a adapté les directives de triage qu’en septembre. Sybille Ackermann dirige le département d’éthique de cette institution. Elle maintient la position de l’académie: «Le statut vaccinal en soi ne doit pas être un critère de triage.» Le droit fondamental à un traitement médical ne peut pas être conspué, même si les personnes concernées prennent un risque ou manquent de solidarité.
Un mauvais signal aux non-vaccinés?
D’ailleurs, ajoute l’éthicienne, le statut vaccinal joue déjà un rôle: «Celui qui n’est pas vacciné risque une évolution plus grave de la maladie de Covid, ce qui peut signifier un traitement intensif long et coûteux. Cette dépense est prise en compte dans la décision, conformément aux directives». Dans une décision de triage, le patient pourrait ne pas être admis aux soins intensifs, mais bénéficier d’un traitement palliatif. Ackermann répète que l’ASSM «recommande avec insistance à toutes les personnes de se faire vacciner».
Le spécialiste du cancer Jakob Passweg critique la position de l’Académie. Elle enverrait un mauvais signal aux personnes non vaccinées: «un homme de 44 ans, non vacciné par choix, sait qu’il est dans la meilleure position pour une place aux soins intensifs s’il tombe gravement malade. Il se berce donc dans cette sécurité».
(Adaptation par Jocelyn Daloz)