«Démocratie bafouée»
Le Conseil d'État bloque les projets du parlement? L'UDC veut abroger cette particularité genevoise

Yves Nidegger, élu du parti conservateur au Grand Conseil du bout du Léman, veut abroger une prérogative locale qui permet au gouvernement de bloquer des projets de loi votés par le législatif, dans un contexte de débats tendus autour de la nouvelle loi sur le climat.
Publié: 05.10.2023 à 07:04 heures
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Dernière mise à jour: 07.11.2023 à 12:10 heures
Le député Yves Nidegger veut mettre un terme à un passe-droit genevois.
Photo: Keystone/D.R.
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

C’est une manœuvre qui passe mal. Pour l’Union démocratique du centre (UDC) siégeant au parlement genevois, il s’agit même d’un «49.3 à la française». Cette particularité du bout du Léman critiquée par le parti conservateur, c’est celle qui permet au Conseil d’État de ralentir le processus législatif. Comme lorsqu’il a à l’unanimité refusé de publier la semaine passée une loi pourtant votée par le Grand Conseil.

Posons le cadre. Inscrite dans la constitution cantonale à l’article 109, alinéa 5, la modalité qui cristallise actuellement les tensions autorise l’Exécutif à prendre un délai de six mois pour présenter «ses observations» au législatif, à condition que le projet de loi émane de ce dernier.

Abroger une «anomalie»

L’UDC a déposé un projet de loi constitutionnelle urgent pour abroger cette «anomalie», comme la qualifie le député Yves Nidegger, jugeant la démocratie «bafouée» et la séparation des pouvoirs, attaquée. Pour l’élu, le Conseil d’État doit être rappelé à ses devoirs. Baptisé «Renforcer la séparation des pouvoirs», son projet a comme premier signataire Michael Andersen, époux de Céline Amaudruz, vice-présidente du parti national.

Pour comprendre d’où vient la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de l’UDC, il faut remonter au jeudi 21 septembre. Ce jour-là, le parlement votait une version light d’un règlement de la loi climat, validé en 2022 par le Conseil d’État.

Élaboré par Antonio Hodgers, le président écologiste du gouvernement genevois, il prévoit notamment des incitations fiscales aux propriétaires qui prendraient à leur charge la rénovation de bâtiments. Mais le Grand Conseil a assoupli certaines définitions et de fait, les obligations des propriétaires.

Une scène «lunaire»

Dans un canton où la moitié de l’énergie consommée l’est pour chauffer des immeubles, comme le rapportait «Le Temps» ce lundi 2 octobre, le Conseil d’État a décidé de bloquer l’entrée en vigueur de la loi ainsi modifiée. Le conflit entre législatif et exécutif a, du moins pour le groupe UDC, atteint son paroxysme jeudi dernier, sur le plateau du 19h30 de la RTS recevant le chef du gouvernement genevois.

«La scène était lunaire, s’étranglent Yves Nidegger et ses camarades sur Facebook. Le conseiller d’État Antonio Hodgers se permettait de donner des leçons de démocratie méprisantes au Grand Conseil. Ce dernier aurait même été coupable d’un 'putsch parlementaire (sic)' […]». À noter qu’entre-temps, le ministre a par ailleurs été accusé d’avoir intimidé deux députés centristes, ce qu’il nie.

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Retirer «un jouet à un enfant»

Prenons un peu de hauteur. Début septembre, le groupe UDC au parlement déposait un projet de loi pour supprimer l’administration de la Ville de Genève, et la faire gérer par l’État. Dans ce cas de figure, le président du gouvernement serait aussi maire de Genève. N’est-ce pas paradoxal de désirer accorder davantage encore de pouvoir au leader des autorités cantonales, puis de critiquer son utilisation d’un article constitutionnel jugé abusif au point de vouloir l’abroger?

Yves Nidegger répond par la négative. Les deux projets concernent deux administrations séparées. «L’UDC, à Genève, rempli un rôle de contestation, ne siégeant pas au gouvernement, ni cantonal ni communal. Nous ne sommes pas opposés à l’article 109, alinéa 5 de la constitution pour ce qu’il est. C’est son utilisation qui pose problème. S’il est invoqué pour sauver la République d’un péril, il n’y a pas de problème. Si c’est pour se faire les nerfs lorsqu’on n’est pas d’accord avec le parlement, cela n’est pas acceptable.» Et d’utiliser une métaphore imagée: «C’est comme retirer un jouet à un enfant qui l’aurait utilisé pour taper sur sa petite sœur.»

L’ancien conseiller national ajoute également que lorsque son parti s’oppose à l’administration de la Ville, ça n’est pas «en faveur du canton». De même que retirer un «droit d’exception» au Conseil d’État n’a pas de rapport avec la gestion administrative de la commune.

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