Décédé, il est quand même élu
Un mort va-t-il siéger au parlement de Genève?

Décédé le 15 février dernier, le député PLR Raymond Wicky est quand même confortablement réélu au Grand Conseil de Genève. Va-t-on assister au mandat d'un fantôme?
Publié: 09.04.2023 à 06:17 heures
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Dernière mise à jour: 09.04.2023 à 11:00 heures
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Raymond Wicky est décédé le 15 février 2023. Pourtant, il a tout de même été élu au parlement genevois.
Photo: Zbinden
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

Raymond Wicky, député PLR au Grand Conseil et ancien commandant du Service d’incendie et de secours (SIS) de Genève, était tellement aimé de la population qu'il s'est fait réélire — à l'issue des élections du 2 avril dernier.

Et ce malgré le fait que l'homme n'est plus de ce monde depuis... un mois et demi déjà. Son décès, survenu à la suite d'une maladie à l'âge de 69 ans, a par ailleurs été assez médiatisé dans la presse locale — des journalistes lui ayant consacré des portraits. Sa famille politique a aussi fait paraître des hommages.

Le fait que son nom n'a pas été retiré de la liste PLR en amont des élections s'explique par la volonté des libéraux-radicaux de payer leurs respects au politicien. Mais aussi et surtout par des impératifs bureaucratiques liés aux dates de dépôt définitif des listes, comme nous l'expliquions dans un précédent article.

Le 20ᵉ élu fantôme

Plus que figurer sur la liste, sa mort n'a pas empêché Raymond Wicky de se faire réélire à coup de 15’824 voix. Faisant de lui le 20ᵉ des 22 candidats du grand parti bleu qui ont passé la rampe dimanche. Il arrive ainsi devant Céline Van Till et Joëlle Fiss — qui, elles, sont bien vivantes (bien que presque enterrées électoralement, du coup).

Ça veut dire qu'un siège parlementaire sera occupé par un fantôme pendant cinq ans? Pas vraiment, non. Si Raymond Wicky a pu rester sur la liste de son parti de façon posthume, ce ne sera le cas au Grand Conseil.

En réalité, son absence de ce monde profite aux candidats «vient ensuite» du PLR — qui n'ont juste pas amassé le nombre de voix nécessaires pour siéger. Explication: lorsqu'un candidat au parlement est finalement dans l'incapacité d'honorer son mandat après son élection, c'est le prochain «juste pas élu» de la liste qui prend sa place. À savoir, en l'occurrence, Alexis Barbey.

De la même manière, si les libérales-radicales Nathalie Fontanet et Anne Hiltpold sont bien élues ministres à l'issue du deuxième tour des élections, leurs deux places de parlementaires reviendront aux candidats en bas de liste. Un vrai jeu de chaises musicales.

Son meilleur ami témoigne

Ludovic Zbinden est municipal dans la commune genevoise d'Aire-la-Ville, sous la bannière du PLR. L'homme de 34 ans était aussi pompier volontaire, aux côtés du défunt. «C'était peut-être la personne la plus proche de Raymond Wicky», nous confie un membre haut placé du grand parti bleu. Il aurait accompagné le feu commandant du SIS dans ses derniers moments, de son chevet au lit d'hôpital. Contacté par Blick, il témoigne: «C'était quelqu'un de très fier, il souffrait en silence — il essayait de garder la face jusqu'à la fin.»

Celui qui est aussi inspecteur de la police de commerce décrit une amitié inconditionnelle et profonde, malgré les trente-cinq années qui séparaient les deux hommes. Une histoire un peu comme au cinéma. «Les amitiés, ça ne s'explique pas vraiment, confie Ludovic Zbinden. Nous nous connaissions depuis plus de dix ans. J'étais un peu comme son fils adoptif. Nous partagions un repas chaque semaine ensemble. Nous nous parlions au téléphone tous les soirs, pour nos raconter nos journées. Parfois, il me demandait mon avis sur certains sujets.»

«Une énorme capacité de résistance»

Son aîné, c'était un peu son roc. Une «force tranquille»: «C'était quelqu'un qui avait gagné sa bonne réputation à Genève, surtout grâce à son humilité.» Il donne une exemple: «Genève est un village. Les gens parlent sans cesse les uns des autres. Lui, jamais personne ne lui aurait arraché un mot amer sur qui que ce soit. Il ne montait jamais au créneau. Il savait faire la part des choses. Malgré sa notoriété, c'était quelqu'un de si simple....»

Lorsqu'il a appris que, avec le tirage au sort, il arrivait 3ᵉ sur la liste du PLR en amont des élections, Raymond Wicky a tout de suite été curieux de savoir si ça allait changer quelque chose à ses chances de se faire élire, se souvient son ami. «Malheureusement, il n'est plus là pour voir le résultat...» Comment réagirait le député du canton à sa propre réélection, s'il pouvait revenir parmi nous pendant quelques minutes? «C'est une bonne question (rires), s'exclame notre interlocuteur. Il serait très heureux, évidemment.»

Ludovic Zbinden décrit un personnage plutôt conservateur, attaché aux coutumes et aux traditions. Entre les pompiers et la politique, «il était de tempérament discret, mais avec une énorme capacité de résistance. Il a donné sa vie à la collectivité, pour le bien de Genève et de sa population».

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