La nuit de la Saint-Sylvestre, Berlin a offert une image que l'on n'oubliera pas de sitôt. Des centaines de jeunes gens ont cherché à en découdre pour le Nouvel An. Ils ont attaqué des policiers et des sauveteurs avec des pétards et des fusées. Plusieurs membres des forces de l'ordre ont été blessés lors de ces actes de violence, dont la responsabilité incombe principalement à des jeunes hommes issus de l'immigration.
De telles scènes de violence sont impensables en Suisse, pour de nombreux experts. Pourtant, elles auraient tout à fait pu se produire si la gestion de l'intégration dans certains quartiers n'était pas au centre des préoccupations. Le quartier de Längi, dans la commune de Pratteln (BL), en est un exemple. Autrefois, ce quartier était considéré comme un point chaud et était même surnommé le «ghetto de Pratteln», et ce, en raison de la forte proportion d'étrangers qui y étaient établis.
«A l'époque, des gangs se formaient parmi les jeunes et il y avait plus de violence que dans d'autres quartiers», explique à Blick Andrea Sulzer, responsable du Département formation, loisirs et culture de la commune de Pratteln. La paix et le calme de la société étaient menacés.
Dans son portrait de l'intégration 2007, le sociologue suisse Michal Arend parlait même de «problèmes d'intégration considérables» qui n'avaient apparemment pas été assez pris en compte, et ce, jusqu'en 2008. Cette année-là, la commune de Pratteln - et plus particulièrement le quartier de Längi - s'est portée candidate au projet pilote «projet urbain» et a été admise pour y participer.
1,5 million pour le travail de quartier
Sur une période de huit ans, environ 1,5 million de francs ont été investis dans le travail de quartier. «Avec la création de la maison de quartier, entre autres, nous avons pu créer des lieux d'activités et de rencontres pour améliorer la cohabitation de différentes cultures», explique à Blick Benjamin van Vulpen, responsable technique du travail de quartier. Selon lui, la cohabitation était autrefois conflictuelle, mais aujourd'hui, elle fonctionne bien. «Une centaine de nationalités différentes vivent ici, et le quartier de Längi compte environ 65% d'étrangers», explique le responsable.
De plus, le développement du quartier a permis d'améliorer son image. «Le Längi n'attire plus l'attention et n'est plus considéré comme un ghetto. C'est aussi grâce à la bonne collaboration avec l'école et aux offres des privés», précise Andrea Sulzer. La cohabitation entre différentes communautés fonctionne bien, confirme une habitante du quartier. «Tout le monde est en paix ici», estime également Johann von Siebenthal, qui vit depuis 23 ans dans le quartier.
«La Suisse a le plus grand succès d'intégration en Europe»
La commune de Suhr (AG) a aussi lancé en 2016 un projet de développement de quartier – en raison de la forte proportion de migrants et du taux élevé d'aide sociale – avec succès. «Depuis que nous avons fait participer les gens et qu'ils peuvent mettre la main à la pâte grâce à des activités dans le quartier, la cohabitation fonctionne mieux», explique Anna Greub, responsable du développement du quartier de Suhr, à Blick.
Néanmoins, tout n'est pas gagné d'avance et il faut faire en sorte que cela continue dans la bonne direction. «Il y a toujours certains défis dans la commune. Mais ce n'est jamais comparable à la situation dans les banlieues en France ou dans d'autres villes en Allemagne.»
Mais comment se fait-il que le problème des cités soit moins important dans notre pays qu'en France, en Allemagne ou en Suède? «En Suisse, nous avons le plus grand succès d'intégration en Europe», explique Thomas Kessler, expert en migration. Mais il tient toutefois à préciser que de telles émeutes éclatent souvent dans les grandes villes. Et «les villes suisses sont trop petites pour cela».
Un bon système de formation
Grâce au développement des quartiers et à d'autres mesures d'intégration, de nombreux problèmes sont évités en Suisse. Le meilleur exemple serait le système de formation professionnelle. «L'apprentissage est le meilleur système d'intégration qui existe», affirme Thomas Kessler. En outre, la petite taille, les bonnes perspectives et la perméabilité du système de formation contribuent également à ce que l'intégration réussisse mieux en Suisse que dans d'autres pays.
Contrairement à d'autres nations, les questions de migration ne sont pas un sujet tabou en Suisse. «Ailleurs, on a peur d'aborder le sujet, alors que chez nous, toutes les questions sont mises sur la table», explique l'expert. L'Allemagne et la Suède, en particulier, n'osent pas appeler les problèmes liés aux migrants par leur nom.
Dans le cas de l'Allemagne, cela est clairement dû au passé du pays au 20e siècle. «L'histoire allemande marque le peuple et sa politique jusqu'à aujourd'hui. On ne veut pas être xénophobe et on est prudent dans la revendication de prestations en ce qui concerne les migrants.» Des clans entiers se sont ainsi formés, qui n'ont jamais été encouragés à s'intégrer, selon Thomas Kessler. La Suède, en revanche, se considère comme l'un des leaders mondiaux en matière de civilisation, ce qui rend difficile l'admission des problèmes.