Après les émeutes de la Saint-Sylvestre à Berlin, imputées par de nombreux politiciens à une jeunesse étrangère frustrée, la question de la politique migratoire est revenue sur les devants de la scène en Allemagne. Qu’en est-il en Suisse?
Bien que tous les efforts de l’État ne portent pas leurs fruits et que l’intégration prenne parfois du temps, les conditions en Suisse sont loin d’être celles qui prévalent dans les grandes métropoles européennes, souligne Denise Efionayi-Mäder, chercheuse en migration à l’Université de Neuchâtel: «Les conditions socio-économiques sont incomparablement meilleures dans notre pays.»
Concrètement, les écoles publiques seraient partout de qualité égale, que ce soit dans les quartiers aisés ou moins aisés, des fonds de formation seraient disponibles pour tous et des cours de langue ou des cours de soutien seraient offerts à tous. De plus, le système de formation en alternance permettrait de gravir les échelons. Selon Denise Efionayi-Mäder, la révision de la loi sur l’asile a également accéléré les procédures. Conséquence: les réfugiés attendent moins longtemps une réponse et la frustration ne s’installe pas.
Taux de chômage élevés
La situation en Suisse est-elle donc exemplaire? Pas si sûr. En 2021, près de 12% des jeunes de 18 à 24 ans issus de l’immigration de la première génération n’étaient ni aux études ni en apprentissage. Ce chiffre n’a pas changé en dix ans. Chez les Suisses, la même situation ne concerne qu'un peu plus de 2% des jeunes. Comment expliquer cette différence?
Par ailleurs, chez les réfugiés admis à titre provisoire du même âge, le taux de chômage est supérieur à 40% cinq ans après leur arrivée. La Suisse ne doit pas se contenter de cela, souligne la chercheuse. En analysant les résultats des dernières années, le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) estime que l’intégration dans la formation et l’emploi des jeunes admis à titre provisoire et des réfugiés s’est «progressivement améliorée».
«Cela est dû, entre autres, aux différentes mesures nouvellement introduites par la Confédération et les cantons pour encourager l’employabilité», explique le porte-parole du SEM, Samuel Wyss. La nouvelle stratégie? La formation avant le travail.
Alors qu’auparavant, les migrants étaient orientés le plus rapidement possible vers le marché du travail, la priorité est aujourd’hui donnée à la formation et à l’acquisition de la langue, «afin de répondre aux exigences accrues du marché du travail suisse», souligne le porte-parole.
Pas d’égalité des chances
Mais malgré ces mesures, parler d’égalité des chances serait présomptueux, soutient Denise Efionayi-Mäder: «Ce sont surtout les différences cantonales qui influencent l’intégration des jeunes migrants.» Ceux qui atterrissent par exemple dans le canton du Jura, où les places sont rares, doivent patienter plus longtemps.
Il y a un autre problème, selon les syndicats. Le secrétaire à la jeunesse d’Unia, Julius Kopp, critique le fait que les entreprises se permettent souvent de moins bien rémunérer les employés sans passeport suisse. L’idéal d’un salaire égal pour travail égal semble encore loin. Selon Julius Kopp, l’absence de reconnaissance des diplômes étrangers et la précarité du statut de séjour sont des facteurs qui ont une influence négative sur les salaires.
Ce sont surtout les migrants de la première génération et les réfugiés âgés de 15 à 24 ans qui en font les frais. Plus de 60% d’entre eux travaillent comme carreleurs, installateurs de chauffage ou de sanitaires, et gagnent, par conséquent, peu.
Une main-d’œuvre «bon marché»
Pour de nombreux jeunes migrants, les problèmes commencent avant même le début d’une quelconque formation. Souvent, ils n’obtiennent pas les places d’apprentissage qu’ils souhaitent en raison de leurs origines. Et les difficultés ne s’arrêtent pas une fois ladite place d’apprentissage trouvée. «Au lieu de recevoir une formation adéquate, les jeunes migrants sont fréquemment utilisés comme main-d’œuvre bon marché.» Avec des conséquences dramatiques: un grand nombre d’entre eux échouent à l’examen final.
Les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS) le montrent: rien que pour les carreleurs, plus de 25% des apprentis ont échoué en 2021. Un chiffre représentatif de la problématique dans le secteur des métiers artisanaux où la proportion d’étrangers est supérieure à la moyenne.
«Les offices de la formation professionnelle doivent contrôler davantage et plus systématiquement les entreprises formatrices», exige Unia à travers son porte-parole. Mais la volonté et les ressources font défaut. Les offices de la formation professionnelle, qui ont la capacité de retirer l’autorisation de former aux entreprises fautives, n’interviennent que rarement.
Pour remédier à ces problèmes, les structures existantes doivent être développées et améliorées, estime Denise Efionayi-Mäder. Elle met en garde: «Tant que le centre-droit veut faire des économies sur les personnes admises à titre provisoire, l’objectif d’une intégration équitable ne sera jamais atteint.»