«Il faut changer la direction de la SSR!»
L'ex-présentateur star Roger Schawinski tape sur le service public

Roger Schawinski a lui-même été une star de la télévision publique suisse. Il a toujours eu un regard critique envers la chaîne. Toutefois, il ne s'est jamais autant lâché qu'à présent, en particulier contre la directrice de la télévision Nathalie Wappler.
Publié: 24.04.2022 à 09:05 heures
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Dernière mise à jour: 26.04.2022 à 09:16 heures
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Roger Schawinski, pionnier de l'information - ici dans les années 70 - a fondé «Kassensturz» à la télévision suisse.
Photo: Keystone
Peter Padrutt et Jean-Claude Galli

Beaucoup de temps mort, une gestion honteuse du personnel et des moyens limités qui finissent par être gaspillés: Roger Schawinski tire à boulets rouges sur la directrice de la télévision Nathalie Wappler. Dans un entretien, il nous livre ses principaux griefs contre le service public.

Dans les années 1990, les contenus produits par la SRF faisaient encore beaucoup parler: les écoliers évoquaient les émissions pour enfant à la récréation, les adultes discutaient politique pendant l'apéro en citant les commentaires politiques de la radio ou de la télé. Aujourd'hui, on en parle très peu. Qu'est-ce que la télévision suisse fait mal?
Beaucoup, beaucoup de choses.

Par exemple, que pensez-vous de son programme 2022?
Certaines séries sont plutôt bonnes. Mais malgré tout, dans les domaines les plus importants, c'est-à-dire le divertissement et l'information, je constate une dégradation. Le fait que la direction, surpayée, se soit octroyée une nouvelle augmentation de salaire de 20%, tout en licenciant en permanence davantage de collaborateurs pour des raisons de coûts, a suscité beaucoup d'amertume parmi le personnel. Ce n'est pas seulement un manque de style, c'est honteux.

Et on ne peut pas dire que le programme soit très inspiré. Sous prétexte de devoir faire des économies, on a mis fin à la créativité dans le cadre de l'offre principale. Il est très facile de supprimer une émission du programme, mais il est beaucoup plus difficile d'en lancer une nouvelle qui soit attrayante. Et c'est pourquoi ils ont laissé tomber. En fait, sous l'ère Wappler, il ne me vient guère à l'esprit de nouveautés qui aient fait mouche.

Il y a deux ans, la SRF a supprimé votre talk-show. Seriez-vous prêt à revenir si on vous le demandait à nouveau?
Dès le début, mon émission ne correspondait pas à leur concept. Donc cela n'arrivera pas.

Si vous pouviez reprendre la télévision suisse, que changeriez-vous immédiatement?
Je me concentrerais enfin à nouveau sur les programmes TV et les contenus, et non plus sur des stratégies de distribution fumeuses où l'on dilapide les maigres ressources à disposition. Avec des réorganisations permanentes sous des cris de guerre étranges comme «agilité», que même les personnes concernées ne comprennent pas, on ne produit que du vent.

On reproche également à la SRF de se disperser avec trop de formats numériques sur Youtube ou Tiktok. A juste titre?
Le but de ces stratégies est d'attirer les jeunes. Mais on n'obtient dans la plupart des cas que des taux de pénétration décevants, bien inférieurs à ceux du programme principal. Par ailleurs, il ne s'agit pas de la mission première du service public. La SSR sape ainsi sa légitimité en tant que chaîne pour laquelle tout le monde doit payer.

Dans un de ces formats Youtube, des célébrités parlent actuellement de relations d'un soir et de préférences sexuelles particulières. Est-ce la bonne manière de regagner les faveurs du public?
Sur une chaîne privée ringarde comme RTL2, de tels programmes seraient parfaitement à leur place.

Les électeurs ont récemment rejeté la loi sur les médias. Parallèlement, un processus de transformation est en cours à la SSR, dans lequel la distribution semble primer sur tout le reste. De telles évolutions ne risquent-elles pas de saper complètement l'ambiance?
La SSR a laissé passer toutes ses chances après le non massif à «No Billag». Pour moi, c'est tout simplement incompréhensible.

Considérez-vous l'initiative qui vise à réduire de moitié la redevance comme dangereuse ou prometteuse?
Les chances sont nettement meilleures que pour «No Billag». Je suis d'avis qu'il ne faut pas réduire le flux des redevances à la SSR. Il serait bien plus important de changer la direction. Il faut à nouveau des personnes à la tête qui aiment le média et ses collaborateurs, qui entretiennent une véritable culture du feedback et qui placent la créativité dans l'offre de programmes au centre de leurs activités.

Bien avant cela, nous voterons déjà le 15 mai sur la nouvelle loi sur le cinéma. Les plateformes de streaming devront à l'avenir investir en Suisse. Ces interventions de l'État sont-elles nécessaires?
Je trouve cela judicieux. De plus en plus de milliards partent vers les fournisseurs internationaux, comme c'est le cas pour l'argent de la publicité. Nous devons veiller à ce qu'une partie de ces fonds reste en Suisse.

Vous avez déjà travaillé dans le cinéma en tant que directeur du groupe Stella. La Suisse va-t-elle bientôt devenir un mini-Hollywood et est-ce un secteur d'activité qui vous attirerait?
J'ai toujours été fasciné par le monde international du cinéma et de la télévision. Mes visites à Hollywood pour acheter des films pour le cinéma et des séries télévisées pour Sat.1 font partie des moments forts de ma carrière professionnelle, que je n'aurais pas voulu manquer. C'était vraiment le parfum du grand monde de rêve, que j'ai beaucoup apprécié. Mais là aussi, c'est fini!

Ces derniers temps, vous vous êtes engagé avec véhémence contre la suppression des ondes FM, qui a été repoussée à 2024. Quelle est la situation actuelle?
Grâce à sa pétition, Radio 1 a obtenu que la date d'arrêt de la FM soit repoussée de deux ans, à fin 2024. Et ce malgré l'opposition de toutes les autres radios privées, de la SSR, de l'OFCOM et de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga. Mais pour moi, ce n'est qu'un succès intermédiaire. Nous avons besoin de plus de temps pour que 90% des automobilistes puissent capter leurs stations suisses sans ondes FM. Je compte notamment sur une motion en suspens au Conseil national pour nous rapprocher de cet objectif.

(Adaptation par Lliana Doudot)

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