15 salariés de Ventilogaine, entreprise administrée par la députée genevoise Ana Roch, ont été licenciés le 15 novembre dernier «sans préavis ni plan social», dénonce le syndicat Unia. Aujourd’hui, ils se battent pour obtenir justice, dénonçant des pratiques qu’ils jugent abusives de la part de l'ancienne présidente du Mouvement citoyens genevois (MCG).
La décision de la directrice de liquider les machines de l’entreprise pour régler les charges sociales est contestée par Unia. Après des appels à l'AVS et aux allocations perte de gain, les travailleurs auraient constaté que leurs cotisations étaient toujours impayées, tonne le syndicat.
Un «détournement d'actifs»
Les employés se retrouveraient ainsi dans une situation financière précaire. L’un d’eux, père de famille avec 10 ans d’ancienneté, a dû se tourner vers l’Hospice Général pour subvenir à ses besoins.
«C’est un détournement d’actifs, rien de moins. Et maintenant, c’est à l’État de payer nos salaires parce qu’elle a tout liquidé pour se couvrir. On est abandonnés, comme si nos vies n’avaient aucune importance», s’indigne Paul*, employé de longue date au sein de l’entreprise.
«On est traités comme des objets»
Les travailleurs dénoncent par ailleurs l'explication de leur directrice, qui a assuré ne pas avoir touché de salaire de Ventilogaine depuis des mois. Or, Ana Roch possède d'autres entreprises, dans la viande ou la boucherie, contrairement à ses employés, souligne Unia.
«Franchement, elle n’a pensé qu’à elle. Et nous, on fait comment?, s'interroge Paul, amer. On a des loyers à payer, des familles à nourrir. Tout ce qu’on demande, c’est d’être respectés. Mais là, on est traités comme des objets qu’on jette quand ça arrange», dénonce-t-il.
Faire jouer les contacts
Les travailleurs reprochent à Ana Roch d’avoir transféré la charge de leurs salaires sur la collectivité publique, tout en préservant ses propres intérêts. De son côté, Unia accuse la députée MCG d’avoir utilisé ses contacts en politique pour obtenir des rendez-vous avec une conseillère d’État et le directeur du chômage, tout en laissant les travailleurs sans réponse.
L'élue au Grand Conseil aurait justifié la situation en affirmant que l'État prendrait en charge les salaires via des indemnités d'insolvabilité. Mais ces dernières ne couvrent que 80% des salaires en cas de faillite avérée, rappelle Unia. La faillite n'ayant pas encore été déclarée pour Ventilogaine, les travailleurs se retrouveraient sans salaire ni droit au chômage.
Unia reproche tout et son contraire à l'élue
«C’est à la limite de la calomnie», tonne Maître Sangin, conseil d'Ana Roch et de Ventilogaine. Il regrette la contradiction dont fait preuve Unia dans ses critiques. «On nous dit que l’administratrice n’en a que faire de ses employés, et lorsqu’elle se démène pour obtenir des rendez-vous avec l’Office cantonal de l'emploi, on le lui reproche», s'étonne l'homme de loi.
Pour lui, Unia «prend ce qui l'arrange» et créé la confusion dans une période tampon où il faudrait plutôt attendre que les choses se règlent. «Le bilan n'a pas été déposé, car les comptes sont en cours de révision par l'organe de révision, c'est une condition légale, il n'est pas possible de faire sans», explique Maître Sangin.
Le bilan sera donc déposé prochainement et l'Office des faillites procèdera aux paiements, selon l'ordre qu'il aura établi. «Une partie des actifs a été vendue, et le produit de la vente est encaissé de manière échelonnée, indique le conseil d'Ana Roch. Il n'y a pour l'heure pas assez d'argent pour verser les salaires, sinon, ce serait déjà fait. Les employés ont été payés à l'heure depuis 35 ans.»
Une situation tendue pour tous
Comment l'entreprise de la Route des Jeunes en est arrivée là, économiquement? Me Sangin rappelle l'impact du Covid, extrêmement fort pour les sociétés de constructions. Par ailleurs, plusieurs clients de Ventilogaine ont eux-mêmes fait faillite. «La société n'arrive plus à faire face à ses obligations», résume l'homme de loi.
La situation est tendue pour tous, ajoute-t-il. D'une part, pour les employés touchés économiquement. Mais également pour Ana Roch, qui a «toujours eu à cœur» le bien-être de ceux qui ont œuvré pour l'entreprise, administrée par son père avant elle.
*nom connu de la rédaction