Le ton du courrier envoyé par Lausanne au président de la Cour suprême de Zurich, Stefan Volken, est grave. Traitement arbitraire des preuves, interprétations douteuse des rapports d'experts, non prise en compte des contradictions dans les déclarations de l'auteur, violation du devoir d'enquête, erreurs formelles...
Telles sont les accusations formulées par le Tribunal fédéral dans son jugement du 24 juin, publié ce jeudi. Il s'agit d'une affaire qui a fait la une des journaux nationaux sous le titre «Acte sanglant de Küsnacht».
Le chandelier comme arme du crime
Dans la nuit du 30 décembre 2014, sous l'emprise de la drogue, un dialogue entre deux copains tourne mal. Fils d'un galeriste, B. S.* (36 ans) a saisi un chandelier de six kilos dans la villa de ses parents sur la Gold Coast de Zurich et a frappé de plein fouet le crâne de son ami Alex à plusieurs reprises. Puis il a enfoncé une bougie dans la gorge de la victime. Le jeune homme de 23 ans a suffoqué.
L'affaire est évidemment passée devant les tribunaux: en 2017, le tribunal du district de Meilen a condamné S. à douze ans et demi de prison pour homicide volontaire, entre autres.
Mais le 27 novembre 2019, la Haute Cour de Zurich a réduit la peine à trois ans - au motif que S. était sous l'influence de drogues et n'était donc pas capable de discernement au moment des faits.
La mère de la victime est soulagée
Pour Katja Faber, la mère d'Alex, ce fut un autre choc, l'accusation ayant fait appel. Faber se réjouit d'autant plus du renvoi de l'affaire à l'instance inférieure sous l'impulsion de Lausanne: «Je ne peux pas décrire la satisfaction que cela représente pour moi!»
Des aliens et des juges
La Haute Cour de Zurich s'est appuyée en grande partie sur le témoignage de S., qui aurait pris sa victime pour un «alien vert» alors qu'il était sous l'emprise de cocaïne et de kétamine.
Le Tribunal fédéral estime désormais que ce témoignage est truffé de contradictions: «Dans les rapports d'expertise, les déclarations de S. divergent quant au moment où il affirme avoir vu Alex comme un extraterrestre.» Et comme la déclaration n'avait jamais été faite «au cours d'un interrogatoire judiciaire», elle n'était pas admissible. «Le juge ne peut pas se contenter de suivre l'avis de l'expert, qui est plus favorable à l'accusé», précise le texte.
En outre, selon le Tribunal fédéral, les résultats des mesures concernant les substances présentes dans le sang de l'auteur et de la victime sont contradictoires.
Une ex-petite amie accuse S. de contrainte sexuelle
L'affaire comporte un autre aspect problématique: Zurich avait rejeté les accusations de contrainte sexuelle portées contre S. par une ex-petite amie - le rapport anal s'était produit par accident, les descriptions de la femme étaient suspectes et elle avait en outre attendu longtemps avant de le signaler. Sur ce point également, Lausanne a rappelé la Haute Cour. L'affaire doit maintenant être rouverte.