Retenez la date du 22 septembre. Ce soir-là, le congrès du Parti libéral-radical (PLR) vaudois entérinera sa stratégie en vue des élections cantonales de mars 2022. La formation bourgeoise, qui croule sous les candidatures de poids, devra surtout y régler un problème de riche. Emmenés par la sortante Christelle Luisier, quatre autres candidats veulent aussi accéder au Conseil d’Etat, tandis que la direction du parti milite pour un ticket à trois. Avant même que les prétendants ne défilent face aux membres du congrès, les esprits s’échauffent, a appris Blick.
Selon nos informations, la tête du PLR va proposer au congrès de renouveler sa confiance en Christelle Luisier par acclamation. Cela signifie très concrètement que, si l’option du ticket à trois est entérinée, les quatre autres candidats — les conseillers nationaux Frédéric Borloz et Isabelle Moret ainsi que les députés Sergei Aschwanden et Alexandre Berthoud — seront les seuls à devoir monter sur le ring pour tenter de remporter une des deux places restantes. Une «faveur» qui ferait sauter les plombages de quelques vieux caciques, peu enclins à octroyer ce qu’ils perçoivent comme un «passe-droit», même si la ministre a été élue au premier tour il y a moins de deux ans.
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Mais ce n’est pas tout. Des voix s’élèvent de la base pour demander un ticket à quatre. Une majorité PLR, c’est possible, clament-elles en chœur. En coulisse, des huiles libérales-radicales poussent pour leurs candidats favoris et savonnent la planche de celles et ceux qu’ils veulent voir se vautrer lors du congrès. «Team cravate Hermès contre team baskets», «la campagne contre la ville»… Les arguments des uns et des autres trahissent des clivages entre les générations et entre les régions. Mais des tendances claires se dessinent. En toute indiscrétion bien sûr. Blick vous en propose quelques bribes, alternant la pommade et le fiel, candidat par candidat.
Frédéric Borloz: le vieux qui fait de la politique au vin blanc
«Frédéric Borloz, c’est un type qui connaît très bien le canton de Vaud, qui est conseiller national et qui a une expérience de syndic», tâtonne gentiment un cadre du PLR, avant de vite changer de ton. Malgré un CV honorable, l’élu serait un «représentant du passé»: «Il n’incarne absolument pas le renouvellement que l’on souhaite à l’interne.» Pour une cheville ouvrière des hautes sphères du parti, l’Aiglon est une «victime» des conseillers d’Etat Philippe Leuba et Pascal Broulis: «Ils sont restés trop longtemps en poste au détriment de Frédéric Borloz qui a 55 ans, soit seulement une année de moins que Pascal Broulis. Il a un train de retard. C’est malheureux, mais c’est comme ça.»
Dans sa région, des voix plus chaleureuses se font entendre: «Frédéric Borloz est un animal politique populaire comme on n'en fait plus, assure une source. Il est d’une sympathie et d’une énergie rares.» Un vrai rassembleur, en somme. «Un mou!», rétorque une éminence grise du PLR. Son bilan serait relativement faible au Conseil national. «Veut-on offrir un placard doré à un élu qui n’a pas vraiment fait son boulot à Berne et qui pense que l’occasion fait le larron? Ou veut-on envoyer au Conseil d’Etat quelqu’un qui a des convictions et qui veut porter son parti?» Un membre du comité directeur du PLR partage cette analyse: «Frédéric Borloz, c’est le vieux radical, le 'Weiss Wein management', image-t-il. Mais se contenter de partager un verre de Chasselas avec tout le monde quand il le faut, c’est n’est plus suffisant.»
Christelle Luisier: l'ange intouchable
Difficile de trouver des mauvaises langues qui tacleraient la conseillère d’Etat Christelle Luisier. Et Blick a cherché. Parce qu’elle plaît à l’interne, sans doute, mais surtout pour ne pas fragiliser la seule sortante du parti. «C’est notre étoile, notre nouvelle locomotive, appuie un membre du comité directeur du PLR. Elle s’est naturellement imposée, c’est la fraîcheur et le dynamisme que l'on recherchait.»
D’après un militant chevronné, la Broyarde porterait les intérêts du parti avant les siens. «Cela nous change, glisse-t-il en souriant. C’est une femme de dossiers et qui, contrairement à beaucoup, maîtrise les éléments les plus techniques de son département. Elle sait de quoi elle parle et parvient aussi à vulgariser, rester simple et accessible.» Visiblement assise dans le fauteuil de favorite, l’élue a aussi l’avantage de venir de Payerne. «Avec elle, les régions périphériques sont entendues», garantit un cadre libéral-radical.
Alexandre Berthoud: le clone colérique de Broulis
Alexandre Berthoud est un pilier du Parlement vaudois. Combatif, jeune — il a 44 ans — et domicilié dans le Gros-de-Vaud, le député pourrait être l’atout du PLR pour aller chercher des voix dans les campagnes, une composante importante du grand parti vaudois. «C’est surtout celui qui permettrait de séduire à la droite du parti, estime un membre du comité directeur. Pour moi, il a toutefois un défaut majeur: c’est un clone de Pascal Broulis, ils sont d’ailleurs très liés.» Selon cette source, plusieurs faits politiques du cadre bancaire ont fait grincer des dents à l’interne: «Quand il présidait la commission des finances, tout était fait de concert avec Pascal Broulis. Et il a fait voter des budgets de gauche… Je ne veux pas d’un PLR jouant le rôle de la caisse enregistreuse du Parti socialiste.»
Les critiques les plus acerbes ciblent le caractère du député. «Alexandre Berthoud est agressif, colérique et imprévisible, lâche un cadre du parti. Il a le même melon que Pascal Broulis, sans les 20 ans de Conseil d’Etat. C’est très compliqué de travailler avec et je ne vois pas comment cela pourrait changer.» Un membre du comité directeur va plus loin: «Alexandre Berthoud est plutôt jeune mais il n’incarne absolument pas le renouvellement, son attitude parle pour lui. Je lui reconnais toutefois une forme de courage, c’est le dernier à s’être présenté.» Des attaques qui tranchent avec le miel tartiné publiquement par le comité de son arrondissement, qui le soutient unanimement.
Isabelle Moret: le passage obligé
Qui n’a jamais entendu parler d’Isabelle Moret? La conseillère nationale est peut-être la représentante la plus connue du PLR vaudois. Une popularité folle, qui prend en otage ceux qu’elle agace, susurre un élu. «Je ne suis de loin pas un de ses soutiens mais de quoi aurions-nous l’air si nous ne la mettions pas sur notre ticket? Je suis obligé de reconnaître que nous avons une personnalité de la stature d’Isabelle Moret qu’une fois par génération. Mon vote lui est acquis, même si je me boucherai le nez.»
Inutile de se boucher le nez, réagit sèchement un membre du comité directeur du parti: «Malgré une campagne éprouvante et malheureuse pour succéder à Didier Burkhalter au Conseil fédéral, Isabelle Moret a su montrer ses compétences, notamment en présidant avec brio le Conseil national, insiste-t-il. Ceux qui ne la soutiennent pas n’ont au mieux rien compris. Au pire, ils sont bouffés par l’envie.»
L’élue avait toutefois été fragilisée en 2018, après des révélations du «Tages-Anzeiger». Le quotidien zurichois lui reprochait de ne plus avoir été taxée définitivement par le fisc depuis 2009. «Elle s’en est largement expliquée à l’époque, rétorque le cadre du PLR. Elle a toujours payé ses acomptes et vit simplement les conséquences d’une séparation compliquée, comme beaucoup de Vaudoises et de Vaudois.» Il reprend: «De toute manière, comme pour toutes les candidatures, celle d’Isabelle Moret passera devant la commission d’éthique du PLR. Tous les donneurs de leçons ont-ils fait acte de la même transparence?»
Sergei Aschwanden: l'ectoplasme sportif
Sergei Aschwanden jouit, tout comme Isabelle Moret, d’une forte popularité. Mais le médaillé olympique ne bénéficie pas de la même aura politique. Tant s’en faut. «Au Grand Conseil, il est transparent, tacle un élu PLR. Les rares fois où il ne l’est pas, c’est pour parler de sport. C’est une thématique importante, mais un conseiller d’Etat en charge exclusivement du sport, cela n’existe pas.»
Une jeune figure prometteuse du parti voit les choses différemment: «Veut-on permettre à quelqu’un qui a un parcours différent et qui s’est fait professionnellement hors du champ politique d’accéder à la tête du canton? Pour moi, c’est un oui clair. Mais ça sera compliqué au congrès. Sergei Aschwanden le sait. J’imagine qu’il y aura un fort clivage générationnel.»
Un membre du comité directeur du PLR soutiendra la candidature de l’ex-judoka, même s’il se sait minoritaire: «On dit tout le temps qu’il est monothématique. Mais que dire d’Alexandre Berthoud qui ne touche qu’aux finances? Sergei Aschwanden a de vraies compétences et est légitime. Il n’a pas siégé 150 ans dans un conseil communal, dans une Municipalité et au Grand Conseil avant de se présenter. Mais tant mieux! Il figurera sur mon ticket, aux côtés de Christelle Luisier et d’Isabelle Moret.»