La nouvelle directrice générale de la SSR, Susanne Wille, a commencé sa carrière professionnelle en tant qu'hôtesse de l'air chez Swissair. C'est en tant que journaliste vidéo sur la chaîne régionale Tele M1 qu'elle a brièvement remis les pieds sur terre, avant de rejoindre la télévision suisse, où elle a rapidement commencé à décoller vers de toutes autres sphères.
Susanne Wille semble être dotée de ce don rare, considéré comme le nec plus ultra lorsqu'on travaille pour la télévision: un savant mélange de sérieux et de divertissement. Lorsque Susanne Wille informait sur les élections présidentielles au Nicaragua, sur un attentat terroriste au Pakistan ou sur une votation populaire en Suisse, elle restait toujours droite et crédible.
Des critiques et des tensions
De quoi presque oublier qu'en même temps que Susanne Wille conquérait le cœur du peuple, de sombres nuages se profilaient à l'horizon. La SSR est entre-temps devenu un sujet politique qui émeut certains esprits au même titre que l'immigration ou les coûts de la santé. A droite, les critiques à l'encontre du service public se sont renforcées dans toute l'Europe, et même la SSR a soudain dû se défendre dans les urnes.
L'entreprise de médias n'est pas étrangère à l'émergence de ces tensions – avec les 1,2 milliard de francs de redevance, la SSR n'est pas un simple concurrent sur un marché libre, malgré ce qu'elle a voulu faire croire. L'expansion forcée sur Internet, qui met les médias privés au pied du mur, en témoigne. On lui reproche aussi d'avoir profité d'une position dominante sans vraiment la remettre en question. Elle a raté l'occasion de faire profil bas en déboursant 7 millions de francs sur les 18 millions de budget pour la série «Davos 1917», une coquette somme dont le service public s'est dit fier.
Des passe-droits pour la SSR
Plus la situation économique est rude pour la concurrence, plus le service public assure ses propres privilèges Par exemple, la star de l'Eurovision Nemo s'est vite retrouvée inaccessible pour les fans et les médias; la SRF s'était en revanche assuré d'avoir un accès exclusif. Un journaliste a ainsi pu accompagner en exclusivité le chanteur lors d'une visite guidée de la ville de Bienne, diffusée sur Youtube totalisant 50'000 vues.
La manœuvre de la SSR avec les Forces aériennes suisses, qui fermeront le 5 juin un tronçon de l'A1 près de Payerne (VD) pour un exercice d'avions de combat, n'est pas moins délicate. Les médias privés seront traités de manière très stricte et protocolaire, alors que la SSR se présentera avec une armada de caméras. La raison de cette inégalité de traitement: la radio et la télévision publiques ont conclu un «partenariat» avec le Département de la défense.
Les déclarations du directeur général sortant Gilles Marchand vont également dans le sens de cette attitude revendicative. L'été dernier, il déclarait à Blick à propos de l'initiative de l'UDC visant à diviser par deux la redevance: «Cette initiative est une attaque contre la Suisse.»
Le conseiller national UDC Thomas Matter a mis le doigt sur le malaise des détracteurs du service public avec son projet de réduire la redevance Serafe de 335 à 200 francs. Et le ministre en charge des médias, Albert Rösti (UDC) veut lui abaisser la redevance à 300 francs avant les vacances d'été. La tension est donc bien là. A la SSR, on le sait aussi – il fallait donc trouver une figure opposée au projet de l'UDC. Susanne Wille s'est alors présentée comme un gage de sympathie adapté à la majorité, qui a l'étoffe pour gagner les votations. La directrice de la SSR s'est construite en coulisses, elle a suivi en cours d'emploi un MBA dans une haute école d'économie à Lausanne; selon la «Weltwoche», son employeur a couvert 60% des coûts pour une somme estimée à environ 84'000 francs.
Voter pour «donner un signal»
Son élection est commentée en conséquence dans la Berne fédérale. Le président du Centre, Gerhard Pfister, qualifie la nomination de Susanne Wille de «choix politique». «La SSR se prépare à des campagnes de votation, cela aide certainement d'avoir Madame Wille à la barre.» S'il a toujours eu de bonnes expériences avec elle en tant que journaliste, il estime ne pas être en mesure de juger ses compétences de manager. Gerhard Pfister s'est toujours profilé comme un critique de la SSR, mais il est à la tête d'un parti qui est traditionnellement étroitement lié à la radiodiffusion publique.
Le président du parti reconnaît également le changement d'ambiance autour de cette situation: «Aujourd'hui, la SSR ne peut plus compter sur le fait qu'elle obtiendra automatiquement ce qu'elle veut du peuple.» Le conseiller national zougois ajoute qu'il constate également au sein de son parti que «l'identification inconditionnelle» avec l'entreprise de médias financée par la redevance n'est plus ce qu'elle était. Il conseille donc à la SSR de mettre un frein à sa stratégie expansive en ligne et de décharger les entreprises de la redevance. Cette exigence est également formulée dans le cadre d'un éventuel contre-projet à l'initiative de coupe de l'UDC.
Et au passage, Gerhard Pfister lâche une petite bombe politique: Pour la première fois, il envisage publiquement de soutenir l'initiative de l'UDC. «Si aucun contre-projet ne voit le jour, j'envisage de voter pour l'initiative afin de donner un signal.» Jusqu'à présent, l'UDC ne bénéficiait que du soutien du PLR; cette manifestation de sympathie de la part des leaders du Centre, traditionnel pourvoyeur de majorité, est une nouvelle balle dans le pied pour la SSR – et une injonction à Susanne Wille et à ses compagnons d'armes de garder désormais plus que jamais les pieds sur terre.