Le résultat est tombé: Susanne Wille, 50 ans, succède à Gilles Marchand, 62 ans, au poste de directrice générale de la SSR. Cette élection n'est pas une surprise, Susanne Wille étant la grande favorite depuis l'annonce de la mise en retrait de Gilles Marchand. D'autres figures comme Nathalie Wappler, 56 ans, s'étaient retirées de la course, tandis que Bakel Walden, 48 ans, semblait être en lice principalement pour brouiller les pistes.
Un défi de taille attend la nouvelle dirigeante. Le mandat de son prédécesseur, Gilles Marchand, a notamment été marqué par des accusations de harcèlement à la RTS. Susanne Wille doit désormais prendre rapidement les choses en main et se montrer ferme pour combler le vide de pouvoir et de décision qui s'est créé.
Cependant, Susanne Wille ne peut pas se consacrer immédiatement au développement nécessaire de l'entreprise. Elle doit d'abord faire face à l'initiative visant à réduire la redevance. Même en cas de victoire dans les urnes, elle devra continuer à mener une politique d'austérité stricte en raison de la diminution des recettes publicitaires.
Une personnalité télégénique et déterminée
Susanne Wille se voit confier cette tâche titanesque pour de bonnes raisons. Ses qualités sont nombreuses. Sa notoriété positive en tant que présentatrice des émissions d'actualité de la télévision suisse allemande SRF, telles que «10 vor 10» et «Rundschau», est un atout majeur. Correspondante au Palais fédéral et animatrice d'émissions spéciales sur les élections, elle connaît bien le fonctionnement du Parlement et les acteurs clés. Elle sait aussi comment défendre les intérêts de la SSR dans un débat télévisé. Elle possède de larges connaissances du paysage médiatique et un flair pour la présentation, y compris le rythme et le ton.
Susanne Wille et son mari, l'ancien présentateur du «Tagesschau» Franz Fischlin, 61 ans, ont longtemps incarné l'information à la SRF. Leur image reste celle d'un couple ayant les pieds sur terre, notamment grâce à leurs trois enfants, loin des clichés glamours.
Une carrière précoce et exemplaire
Le fait qu'elle soit une femme loin de l'âge de la retraite est un avantage après les années sous Gilles Marchand. Bien qu'elle ait des allures de citadine, cette Argovienne d'origine, qui a grandi à Villmergen, sait aussi parler aux cercles ruraux.
Susanne Wille a obtenu a étudié l'histoire, la philologie anglaise et le journalisme à Fribourg, Zurich et Édimbourg. Elle a financé ses études en travaillant comme hôtesse de l'air chez Swissair et comme journaliste à l'«Aargauer Zeitung». En 1999, elle a débuté à la télévision sur Tele M1 avant de rejoindre la SRF en 2001. Dès l'âge de douze ans, elle savait qu'elle voulait devenir journaliste.
Les points faibles de Susanne Wille
Susanne Wille maîtrise le sens critique propre au journalisme, mais pourra-t-elle supporter des violentes critiques personnelles, possibles lors de débats houleux? Jusqu'à présent, elle posait les questions et n'avait pas besoin de répondre. Elle doit maintenant maîtriser ce changement majeur de rôle.
Susanne Wille est-elle trop méticuleuse? Son souci pour la précision et son exigence de perfection sont souvent louées. D'anciens camarades se rappellent que son acharnement pouvait parfois paraître maniaque.
La nouvelle directrice peut-elle faire naviguer ce gigantesque paquebot? Le département SRF Kultur qu'elle dirigeait compte un peu plus de 300 collaborateurs alors que la SSR... 20 fois plus. À noter tout de même que l'organe de direction de son nouveau poste est mieux fourni. Fin 2023, Susanne Wille a d'ailleurs achevé une formation en management MBA.
Poser les bonnes questions
Quelle est sa carte de visite en tant que cheffe de la culture? On lui attribue le succès de séries télévisées comme «Tschugger» ou «Davos 1917», bien que lancées avant son mandat. Elle a récemment connu un échec avec «Mindblow».
Lors de son arrivée en fonction à l'été 2020, on lui reprochait de ne pas connaître grand-chose aux scénarios et aux métiers du cinéma. Mais sa mission était de poser les bonnes questions et utiliser les bonnes personnes pour les bonnes tâches. Elle a apparemment réussi à le faire.
Le département culturel ne se limite pas aux séries. La réorganisation de 2021, avec des responsables de l'offre et des coachs d'équipe, a semé le trouble. Top de chefs, trop complexe, les critiques soont nombreuses.
Un changement rapide est nécessaire
Le fait qu'aucune figure externe à la SSR et à la SRF n'ait été sérieusement envisagée pour succéder à Gilles Marchand n'affecte pas Susanne Wille. La crainte qu'une personne extérieure, comme l'ancien chef de CH-Media-TV Roger Elsener, puisse bouleverser l'institution a pesé lourd. Susanne Wille possède une fine vision interne. Elle devra néanmoins rechercher et être à l'écoute de perspectives externes.
La rapidité avec laquelle Susanne Wille pourra changer de cap et passer de cheffe de département à «cheffe suprême» sera décisive. Avant la votation «No Billag» de 2018, elle déclarait: «J'ai bien sûr du respect pour le projet, car tout est en jeu lors de cette votation. Mais nous, à la SRF, nous avons un devoir, nous devons parler à nos téléspectateurs, nous devons montrer comment nous travaillons.» Cette déclaration est d'autant plus d'actualité aujourd'hui.