Contre la pénurie de main-d'œuvre
«La Suisse a besoin de plus de responsables du bonheur au travail»

L'inflation, l'incertitude géopolitique et la pénurie de main-d'œuvre qualifiée font partie des plus grandes préoccupations des chefs d'entreprise suisses. Pourtant, ils sont plus optimistes qu'ailleurs, du moins à long terme.
Publié: 18.01.2023 à 06:17 heures
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Dernière mise à jour: 18.01.2023 à 08:00 heures
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Andreas Staubli, CEO de PwC Suisse.
Photo: Zamir Loshi
Sarah Frattaroli

Tout comme pour notre diversité linguistique ou notre démocratie directe, la Suisse est un cas particulier en matière d'économie. Selon une nouvelle étude, 72% des CEO suisses pensent que leur entreprise sera encore florissante dans dix ans. Ils sont seulement 59% à être aussi optimistes au niveau mondial.

Telle est la conclusion de l'enquête annuelle sur les CEO réalisée par la société d'audit et de conseil PwC. Celle-ci est présentée chaque année dans le cadre du World Economic Forum (WEF).

Les soucis liés à l'inflation et au ralentissement de l'économie mondiale n'épargnent toutefois pas les CEO de notre pays. Du moins à court terme. En Suisse, ils sont seulement 39% à s'attendre probablement à une croissance du chiffre d'affaires au cours des douze prochains mois. Il y a un an, ils étaient encore 64%.

«Les directeurs d'entreprise doivent actuellement faire leurs preuves en tant que gestionnaires de crise à plusieurs niveaux, explique Andreas Staubli, lui-même CEO de PwC Suisse. Les suites de la pandémie, la pénurie d'énergie, les goulets d'étranglement dans les livraisons, le renchérissement ou encore la pénurie de main-d'œuvre les tiennent occupés.»

La pénurie de main-d'œuvre touche durement la Suisse

Bonne nouvelle: les travailleurs en Suisse n'ont malgré tout pas à s'inquiéter. «Les chefs d'entreprise sont prêts à continuer à investir pleinement dans leurs collaborateurs», souligne Andreas Staubli. Selon lui, ils se montrent confiants. Les chiffres élevés de l'inflation et les sombres perspectives économiques mondiales ne sont qu'un choc à court terme. «Les entreprises doivent se positionner dès maintenant pour la reprise après la crise», précise-t-il.

Le moment venu, la pénurie de main-d'œuvre qualifiée frappera alors à nouveau de plein fouet: 68% des chefs d'entreprise suisses estiment que celle-ci affectera de manière significative la rentabilité de leur entreprise au cours des dix prochaines années. La pénurie de personnel qualifié affecte donc la Suisse bien plus durement que d'autres pays, puisque «seuls» 52% des CEO craignent ses effets en comparaison mondiale.

Les entreprises veulent augmenter les salaires

Les chefs d'entreprise suisses font alors d'autant plus d'efforts pour garder leurs collaborateurs. Ils ne veulent ni réduire les effectifs (71%), ni geler le recrutement (60%), ni réduire les rémunérations (83%) pour faire face aux soucis économiques à court terme. Bien au contraire: 42% des CEO suisses veulent augmenter les rémunérations et les prestations supplémentaires, avec ou sans crise économique.

«La Suisse aurait besoin de plus de Chief Happiness Officers (responsables du bonheur au travail)», conseille également Andreas Staubli. Ils veilleraient par exemple à ce que les collaborateurs se portent bien sur le plan de la santé et du mental. «Cela renforce la loyauté envers l'entreprise. Celle-ci a diminué pendant la pandémie», souligne-t-il.

Parmi les directeurs suisses interrogés, 68% indiquent vouloir travailler sur leur culture d'entreprise au cours des douze prochains mois. Une étape importante, se félicite Andreas Staubli: «Pour les employés, la satisfaction dans leur travail et la quête de sens deviennent de plus en plus importants.»

Le travail à temps partiel, clé de la réussite

Les femmes pourront particulièrement profiter de la pénurie de personnel. Comme beaucoup d'entre-elles ne reviennent pas sur le marché du travail après avoir fondé une famille, ou seulement à de petits taux d'occupation, un grand potentiel reste inexploité.

Andreas Staubli conseille aussi aux entreprises de fidéliser autant que possible leurs employés - hommes ou femmes - pendant et après la fondation d'une famille. «Même si ce n'est qu'à un taux d'occupation de 20%, le lien avec l'entreprise est maintenu.»

Une opportunité pour les cybercriminels?

Alors que la problématique du personnel se fait sentir, un autre chantier passe au second plan: la cybersécurité. Seules 23% des personnes interrogées la citent encore comme principale menace, contre 66% l'année précédente.

Cela s'explique d'une part par le fait que l'inflation, la crise énergétique et le manque de personnel font passer la sécurité en ligne au second plan. D'autre part, les entreprises sont aujourd'hui mieux équipées contre les attaques de pirates qu'il y a un an. «Elles ont beaucoup investi dans la cybersécurité», se réjouit Andreas Staubli. L'avenir dira si cela suffit. Selon les prévisions, le nombre de cyberattaques contre les entreprises suisses va continuer à augmenter.

Pour cette étude, PwC a interrogé en novembre dernier 4410 CEO de 89 pays. Parmi eux, 95 étaient suisses.


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