Congé paternité
La banque cantonale de Schaffhouse diminue son congé maternité

Depuis début 2021, le congé paternité de deux semaines est en vigueur en Suisse. Mais voilà qu'une banque cantonale montre les dents: à Schaffhouse, le congé maternité s'en trouve réduit au nom de «l'égalité de traitement». Une employée s'exprime.
Publié: 16.08.2021 à 08:51 heures
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Dernière mise à jour: 16.08.2021 à 17:25 heures
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La Schaffhauser Kantonalbank réduit de deux semaines le congé maternité de ses employées pour le ramener au minimum légal de 14 semaines. (Image symbolique)
Photo: Getty Images/Westend61
Levin Stamm, Daniella Gorbunova (adaptation)

Cette annonce en provenance du département des ressources humaines est assez particulière: le congé maternité sera raccourci. Il passera de 16 à 14 semaines, autrement dit au minimum légal. Les 330 employés de la banque cantonale de Schaffhouse sont concernés, dont près de la moitié sont des femmes.

«J'ai cru que j'étais folle quand j'ai lu l'annonce», confie Nicole W.* à Blick. Elle y travaille depuis des années et souhaite garder l'anonymat par crainte des représailles de son employeur.

«Ils nous prennent pour des imbéciles»

La banque justifie cette étrange mesure dans un courriel interne, auquel Blick a eu accès, comme suit: «La Confédération a nouvellement mis en place un congé paternité. Par conséquent, en termes d'égalité de traitement, il est pertinent d'ajuster la durée du congé de maternité à 14 semaines.»

Donc, selon la logique de l'institution, si les hommes reçoivent désormais un congé paternité - dont le minimum légal est à deux semaines - les femmes doivent être loties au strict minimum elles aussi. Pour Nicole, c'est une plaisanterie: «Ils nous prennent pour des imbéciles! Ils parlent d'égalité de traitement, alors qu'il s'agit simplement d'économiser de l'argent.»

Qui plus est, la banque a en réalité bénéficié de l'introduction du congé paternité. Elle reçoit, depuis l'application de la loi - c'est à dire début 2021 - des fonds de l'État, censés palier à l'éventuel trou budgétaire induit par cette dernière. Alors qu'auparavant, l'institution payait des congés paternité volontairement - et de sa propre poche!

«Absolument pas habituel dans le secteur»

En réduisant ainsi le congé maternité, la banque économise de l'argent. Or, elle n'est pas exactement dans le besoin: en effet la Schaffhauser Kantonalbank a réalisé un bénéfice de 46 millions de francs en 2020 - le troisième plus élevé de toute son histoire. Ce qui rend la mesure des ressources humaines d'autant plus choquante.

Heureusement, Nicole W. a au moins trouvé appui auprès de l'Association suisse des employés de banque (ASEB), elle aussi indignée. «La réduction du congé maternité n'est absolument pas habituelle dans le secteur», s'étonne Anne-Wienke Palm, co-directrice de la ASEB. «Et je suis particulièrement surprise que cela se produise dans une banque cantonale. Car ces instances défendent habituellement des conditions de travail favorables à la famille.»

Et c'est d'autant plus paradoxal que la banque cantonale de Schaffhouse se présente, dans son rapport annuel, comme une pionnière de la compatibilité entre travail et famille - se qualifiant de «moderne et équitable». Alors qu'elle est, par ailleurs, dirigée par un conseil d'administration exclusivement masculin. Parmi les six membres qui y siègent, pas une seule femme.

Largement en dessous de la moyenne

Lorsque Blick confronte la banque cantonale avec ces accusations, l'institution se défend: le congé maternité ne peut être considéré isolément. «Pour les employés, l'ensemble du paquet est décisif. Il s'agit de nombreux aspects tels que le contenu du travail, les modèles de temps de travail flexibles, la culture d'entreprise, la sécurité de l'emploi, les avantages sociaux, etc. Dans le cas de la maternité ou de la paternité, le traitement des souhaits particuliers concernant la poursuite de l'emploi, les possibilités de prolonger le congé, les possibilités de temps partiel, etc. sont beaucoup plus déterminants pour l'attractivité de l'employeur», indique-t-elle dans une déclaration écrite. Et d'ajouter: «Nous ne craignons pas de faire des comparaisons croisées avec d'autres employeurs.»

Mais la syndicaliste Anne-Wienke Palm voit les choses différemment. «Dans les autres banques, la tendance est à un congé maternité de six à douze mois». Les 14 semaines de la banque cantonale de Schaffhouse - qui correspondent à trois bons mois - semblent dérisoires en comparaison.

Néanmoins, la banque schaffhousoise octroi à certaines nouvelles mères leur plein salaire - contre les 80 % exigés par la loi. Toutefois, cette règle ne s'applique qu'aux femmes ayant déjà un certain nombre d'années de service au compteur. Les nouvelles recrues sont donc laissées pour compte.

Les femmes n'ont pas leur mot à dire

La raison pour laquelle la banque peut ainsi réduire le congé maternité est que celui-ci n'est pas réglementé dans le contrat de travail, mais dans le statut du personnel. Toutefois, l'employeur n'est pas autorisé à l'adapter de manière arbitraire, explique la syndicaliste: «Il doit obtenir l'accord des employés. Les employés doivent avoir la possibilité de rejeter les changements.»

En réponse, la banque cantonale de Schaffhouse écrit: «Les considérations ont été discutées avec la commission du personnel et communiquées aux employés de manière fondée». Anne-Wienke Palm confirme qu'il s'agit d'une procédure courante, notamment dans les petites banques. Cependant, les comités du personnel n'ont pas partout la même force, et il n'est pas toujours possible de parler d'un véritable droit de regard. «La question de savoir si la procédure était juridiquement correcte est une chose que nous ne pouvons pas juger de manière concluante pour le moment, regrette la syndicaliste. Dans tous les cas, nous chercherons un dialogue avec les employés de la banque.»

Reste à savoir si les employés de Schaffhouse accepteront ce changement sans se plaindre. La banque écrit qu'elle n'a pas reçu de réactions négatives de la part de ses employés. Il est plus probable que beaucoup d'entre eux ravalent silencieusement leur indignation. Comme Nicole W.: «Je ne suis même plus surprise. Et lutter contre cela semble difficile...»

*Nom connu de la rédaction

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