Confessions d'un ex-caïd et homme de main
«Pendant des années, j'ai marché main dans la main avec le diable»

Enfant, John Limoni voulait devenir policier. Raté: il fut l'un des criminels les plus violents de la région bernoise et s'est illustré dans le milieu de la drogue. Aujourd'hui, ce trentenaire aux racines albanaises s'est rangé. Pour Blick, il revient sur son passé.
Publié: 26.01.2024 à 20:02 heures
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Enfant, John Limoni voulait devenir policier ou médecin. Raté: l'homme fut l'un des criminels les plus violents de la région bernoise
Photo: Philippe Rossier
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Qendresa Llugiqi

Tout le monde le craignait, il se bagarrait, il dépouillait les malheureux qui croisaient son chemin. Il a même dealé de la drogue, simplement pour avoir l'air «cool et dangereux» quand il n'était qu'un ado. Puis plus tard, en travaillant pour le compte de trafiquants.

John Limoni, 33 ans, a été «pendant des années une mauvaise personne qui a marché main dans la main avec le diable. C'est le manque de perspectives qui m'a poussé dans cette vie». L'autoproclamé «Albanais au flair suisse» explique aujourd'hui: «J'ai vraiment fait de la merde. Je ne regrette rien, mais je n'en suis pas fier.»

Début de l'histoire: une enfance difficile

John Limoni a grandi dans un «petit appartement social dans un logement délabré de la région bernoise, dans une famille de sept personnes au sein de laquelle il était le deuxième plus jeune enfant». Le père, souvent absent, était le seul à gagner sa vie: «C'était difficile de joindre les deux bouts», explique le trentenaire.

La mère, elle, a très vite été dépassée par la situation et John Limoni n'a jamais trouvé sa place à l'école: «Mes parents ne m'ont pas éduqué. Et en classe, j'étais entouré de racistes» se souvient le Bernois aux racines albanaises et italiennes, faisant référence à l'hostilité de certains professeurs envers lui. «Certains ne se donnaient même pas la peine de s'occuper d'élèves comme moi. Pourtant, j'étais loin d'être bête.»

Prison, coke et car-jacking... Il voulait devenir policier: il sera criminel

Enfant, John Limoni voulait devenir policier ou médecin. Bref, aider les autres. Raté: «Je n'avais aucune de personne de référence, personne à qui parler. Au contraire, j'étais entouré par de mauvaises personnes», déplore le Suisse.

Son cercle d'amis? «Aussi mal lotis que moi. Nous avons tous gagné notre respect dans la rue. Nous terrorisions tout le monde, y compris nos camarades de classe. Nous les menacions et les battions» confie le repenti.

L'adolescent incorrigible a été expulsé de son école et s'est retrouvé sur le chemin de «types plus durs». C'est là que les choses ont dégénéré; vols de voitures, faits de violence, coups et blessures... À l'âge de 15 ans, il a été condamné pour plusieurs délits, avant d'être envoyé pour la première fois dans une prison pour mineurs.

Au bout de trois mois, John Limoni est libéré... puis finalement, replonge. À 16 ans, il commence à fumer des joints. À 18 ans, il consomme de la cocaïne – jusqu'à devenir toxicomane – et s'illustre dans le crime organisé: «C'était la voie la plus facile. Aucun de nous ne voulait se contenter d'un boulot conventionnel.»

Une carrière d'homme de main

John Limoni brille dans l'obscurité du grand banditisme: «J'étais l'homme de la situation, on me respectait dans le milieu.» Les barons de la drogue faisaient appel à lui, l'homme de main: «Je tendais des pièges aux rivaux et les laissais se faire dépouiller. Et si quelqu'un voulait en sortir, je passais et j'intimidais la personne pour qu'elle se taise.»

Problème: avec le temps, son casier judiciaire s'est alourdi, jusqu'à ce qu'il retourne en prison, à l'âge de 24 ans. Ce n'est que quand il devient papa à sa sortie de prison, au bout d'environ six mois, que John Limoni se range: «J'ai compris à ce moment-là que je devais changer.»

Le trentenaire subit un ultime coup du sort en 2022, avec la chute mortelle de son ex-petite amie dans les escaliers, deux jours avant l'anniversaire de son fils. Depuis, John Limoni a quitté le «business» et s'est même excusé auprès de ses anciennes victimes.

Travail de sensibilisation dans des films

Désormais, il veut empêcher d'autres personnes de suivre le même chemin. Surtout son fils. Son message: «Au premier abord, cette voie semble facile. Mais c'est un pacte avec le diable qui vous détruit, vous et vos familles.»

John Limoni est également acteur et réalisateur. Il a mis en scène ce qu'il a vécu dans un film, qui devrait sortir cet été dans les cinémas kosovars et qui, «espérons-le, sera bientôt diffusé en Suisse». On y trouve notamment des lésions corporelles, le vol d'un véhicule, des infractions et bien sûr, le trafic de stupéfiants» détaille l'homme. Et encore, prévient-il, «c'est uniquement ce pour quoi j'ai été pris et condamné.»

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