Si vous avez vécu en Argovie (comme c'est le cas de celui qui adapte ces lignes depuis Lausanne) ou que vous y êtes de passage, vous ne pouvez pas l'avoir manqué: cet enchevêtrement improbable de voitures rouillées, de carcasses de caravane et de pièces détachées s'entassant aussi haut que les arbres environnant. Tout cela se voit depuis l'autoroute A1 qui traverse le canton.
Le cimetière de voiture de Safenwil fait partie du paysage, au même titre que la centrale nucléaire de Gösgen que l'on distingue si l'on continue direction Berne-Lausanne. Et cet empire de ferraille appartient à Andreas Hauri, qui dirige l'entreprise «Wilhelm B. Autoverwertung». Il cherche à présent à vendre le lieu. Et entend en tirer un bon prix.
Blick l'a rencontré au milieu des voitures rouillées, de celles qui sont méconnaissables tant elles ont été abîmées dans des accidents ou usées par les outrages du temps. Certaines sont presque englouties par la nature environnante.
Nul doute, il faut s'y connaître en ferraille pour racheter ce tas de rouille. «Mais il y a aussi des voitures dont on peut encore faire quelque chose», explique Andreas Hauri. Comme ce vieux bus qu'il a récupéré au lieu de le démonter: «Je réfléchis encore à ce que je vais en faire.»
Environ 800 véhicules sur 18'000m2
Il est parfois dur de régner sur ce royaume. Comme lorsque quelqu'un amène une vieille et belle voiture à la casse. «Mon cœur saigne lorsque je les vois arriver», se désole Andreas Hauri. «Même lorsque je sais pertinemment qu'elles ne pourront plus être utilisées.»
Il a la charge d'environ 800 véhicules sur son site de 18'000 mètres carré, qu'il a racheté à son prédécesseur Bruno Wilhelm en 2009 pour un prix qu'il ne souhaite pas révéler. Il affirme fièrement: «Il y aurait encore de la place pour 1300 voitures sur le site».
De nombreuses voitures présentes sur ce «cimetière», qui existe depuis 60 ans, ont l'air en parfait état. «Aujourd'hui, les gens veulent une nouvelle voiture beaucoup plus rapidement et emmènent la vieille voiture au rebut au moindre petit problème», explique le spécialiste. «Ces voitures sont rafistolées et vendus à l'étranger par des sous-traitants.»
«On ne s'enrichit pas dans ce métier»
Les véhicules arrivés en bout de course sont démontés en pièces détachées. Ces dernières sont vendues en Suisse. Les voitures fortement accidentées sont broyées.
On ne devient pas riche dans ce métier. «On est dépendant des prix de la ferraille», justifie Andreas Hauri. Il regrette le passé: les conditions d'exploitation d'une entreprise de recyclage de voitures sont devenues difficiles. «Il faut toujours s'assurer que les liquides sont retirés des voitures immédiatement.» En outre, il y a des inspections régulières, «que nous avons toujours passées, bien sûr».
Le prix d'achat: «une question de négociation»
Ces derniers temps, il a vu trois de ses collaborateurs le quitter. Il ne lui reste qu'un employé pour gérer le site. «Nous aussi, nous avons ressenti l'impact du Covid», analyse-t-il. Il a senti qu'il était temps de raccrocher le bleu de travail. «Et puis, je ne suis plus si jeune.» Le ramoneur de formation a donc mis son entreprise en vente. Andreas Hauri ne veut pas dire à combien il veut la vendre. «C'est une question de négociation. Mais cela dépassera certainement de peu le million de francs suisses.»
Pas question, toutefois, de prendre sa retraite: «Je continuerai à travailler dans le commerce». Il gère également un garage automobile depuis 35 ans et construit ses propres véhicules à trois roues, appelés trikes, depuis 30 ans. «Et si ça ne marche pas, je peux toujours m'adonner à mes activités de loisir préférées: le yodel et le chant.»
(Adaptation: Jocelyn Daloz)