Cela vous a probablement étonné: le conseiller fédéral Alain Berset sait piloter des petits avions. La nouvelle a rapidement circulé, après que le ministre de l’Intérieur a été contraint d’atterrir par deux avions Rafale de l’armée de l’air française, lors de son dernier vol en Cessna 182 chez nos voisins. D’autant plus gênant que la passion du ministre de la Santé pour l’aviation n’aurait jamais dû être révélée au grand jour.
Des mails que Blick s’est procurés démontrent en effet qu’Alain Berset voulait garder son hobby secret. Il y a quelque temps, le conseiller fédéral écrivait à une connaissance qu’il était en voyage privé, accompagné d’un ami «avec qui je partage une passion pour voler dans des petits avions». Avec un émoji souriant, il y ajoutait une demande de discrétion à son interlocuteur: «Mais chut, personne ne le sait!».
Un peu plus tard, il écrivait à cette même connaissance: «Presque personne ne sait que je vole, que je peux conduire ces petits avions… c’est une partie de mon jardin secret».
Vie privée ou contradiction politique?
La raison pour laquelle Alain Berset a voulu garder sa passion dans l’ombre lui appartient: voulait-il tout simplement préserver sa sphère privée? Après tout, il n’existe aucune restriction sur les hobbies des conseillers fédéraux, aussi risqués soient-ils. C’est du moins ainsi que se défend le ministre, par l’intermédiaire de son porte-parole, Christian Favre. Ce dernier a répondu à tous les journalistes qui le questionnaient sur l’incident en France qu’il s’agissait d’une «affaire privée».
Mais il se peut aussi que le conseiller fédéral socialiste ait voulu éviter des reproches sur une contradiction avec son programme politique. Son parti n’est-il pas en première ligne, lorsqu’il s’agit de lutter contre le changement climatique? Renoncer aux émissions inutiles de CO2 est un impératif pour tout défenseur du climat.
C’est d’ailleurs dans cet ordre d’idée que le coprésident du PS, Cédric Wermuth, avait demandé en 2019 l’interdiction des vols vers des destinations qui pourraient être atteintes en moins de douze heures en train. Ajoutons qu’un loisir coûteux tel que l’aviation n’est pas tout à fait en adéquation non plus avec l’image d’une figure de proue du parti socialiste.
Prêcher l’eau, faire le plein de kérosène
Toute cette affaire ne passe évidemment pas auprès de la droite. A Zurich, par exemple, le député PLR Marc Bourgeois a exprimé sa colère. «Le conseiller fédéral PS vole avec des avions de loisir», a-t-il tweeté. «Demain, son PS zurichois interdira les spectacles aériens à deux millions de visiteurs de la «Züri-Fäscht», bien que ceux-ci se déroulent avec du kérosène vert. La politique du PS expliquée simplement. Pour quelques-uns plutôt que pour tous».
Le conseiller national PLR bernois Christian Wasserfallen ne se prive pas non plus de s’exprimer sur l’affaire: «Certes, l’incident du conseiller fédéral Berset est une affaire privée.» Néanmoins, il ajoute que les excursions en avion de Fabian Molina et de Cédric Wermuth vers l’Allemagne pour rendre visite au «camarade» Olaf Scholz, sont du même acabit. Pour lui, cette nouvelle escapade montre qu’au PS «on prêche l’eau, mais qu’on fait ensuite le plein de kérosène».
Silence radio à la présidence du PS
Qu’en pense la tête du PS? Les dirigeants socialistes, dont Cédric Wermuth, ne souhaitent pas s’exprimer sur ces questions. Il en va autrement du nouveau président de la jeunesse socialiste, Nicola Siegrist, issu du mouvement de la grève du climat: «En ces temps de crise climatique, Alain Berset donne le mauvais signal avec ce vol», admet-il. Selon lui, ce ne sera toutefois pas en dénonçant des individus que l’on parviendra à lutter contre le réchauffement, «mais en changeant le système économique destructeur du climat».
De con côté, le porte-parole d’Alain Berset, Christian Favre, n’a pas non plus souhaité s’exprimer sur les contradictions reprochées au ministre de la Santé. Le conseiller fédéral socialiste compense-t-il au moins le bilan carbone engendré par ses vols en avion? Réponse catégorique: «Il ne souhaite pas s’exprimer à ce sujet».
(Adaptation par Thibault Gilgen)