Charles Poncet quitte le groupe UDC à Genève
Yves Nidegger «me fait penser à un moine masochiste»

Charles Poncet, député UDC au Grand Conseil genevois, quitte son groupe et siègera en indépendant. L'avocat et ancien député à Berne en a marre de son chef de groupe, Yves Nidegger. Il le compare à un «moine masochiste».
Publié: 07.06.2024 à 17:25 heures
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Dernière mise à jour: 07.06.2024 à 21:34 heures
L'avocat Charles Poncet, fâché des méthodes du chef de groupe UDC au Grand Conseil genevois, Yves Nidegger, ne mâche pas ses mots. Il a quitté le groupe et siègera en indépendant.
Photo: Keystone
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

Charles Poncet, député de l'Union démocratique du centre (UDC) au Grand Conseil genevois, en a ras-le-bol de son chef de groupe, Yves Nidegger. Il va quitter la bande et siègera en indépendant pour le reste de la législature, a-t-il révélé à Léman Bleu le 6 juin.

Élu au Conseil national en 2023, Charles Poncet avait renoncé à son siège à Berne au profit de son collègue, Thomas Bläsi. Il confiait en novembre dernier être un «vieux briscard» qui souhaitait tout de même «rester un peu» pour «être utile à l'UDC Genève».

Celui qui avait déjà siégé comme député à Berne, dans les rangs du Parti libéral entre 1991 et 1995, explique à Blick les raisons de cet éloignement, parlant de censure et de «satisfaction masochiste» du chef de groupe à refuser la collaboration avec d'autres partis. Ambiance.

Charles Poncet, le chef de groupe Yves Nidegger a-t-il cherché à vous contrôler?
Je ne sais pas, mais il a des velléités cocasses de commandement, qui sont traduites par des brimades. À mon âge, je n’ai plus le temps, ni d’ailleurs l’envie, de me chamailler, donc me voici indépendant!

Vous parlez de certains de vos textes de loi, qui ont été censurés, lesquels?
L’un de mes textes comprenait le terme «profilage racial», qui était blasphématoire: pour Yves Nidegger, c’était un sacrilège. Il a interdit au Groupe de le soutenir!

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«Yves Nidegger est un anticommuniste viscéral, qui rejette toute idée de compromis avec quoi que ce soit qui s’écarte de sa ligne»
Charles Poncet, député genevois qui quitte l'UDC pour siéger en indépendant, au sujet du chef de groupe UDC Yves Nidegger.
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Avez-vous vécu d’autres chicaneries du genre?
J’ai été éjecté du groupe WhatsApp! Yves Nidegger a proposé un projet de loi concernant la mobilité, dont l’exposé des motifs consistait à dire que tout ce qui avait été fait par le passé émanait d’incapables. Question de point de vue, certes, mais si vous voulez faire voter un texte, il vaut mieux ne pas insulter la majorité à qui vous demandez de le soutenir...

Vous estimez qu’il n’est pas capable de faire des compromis?
Yves Nidegger s’est forgé une réputation d’intellectuel qu’il mérite, car il est loin d’être bête, mais depuis l’époque de ses fonctions dans la secte Moon, quand je l'ai rencontré (ndlr: l'organisation religieuse d'origine coréenne «Fédération des familles pour la paix et l’unification» a défrayé la chronique dans les années 1990 pour son caractère sectaire. Yves Nidegger en a été le responsable suisse avant de la quitter, en 1994), il n’a pas bougé de sa position. C’est un anticommuniste viscéral, qui rejette toute idée de compromis avec quoi que ce soit qui s’écarte de sa ligne. Rien ne le satisfait plus que de voir un de ses projets refusé à 88 voix contre 1. Cela renforce son sentiment d’être dans le vrai...

À 77 ans, l'UDC Charles Poncet, qui avait renoncé à son siège au Conseil national en 2023 au profit de Thomas Bläsi, siègera en indépendant au Grand Conseil genevois.
Photo: KEYSTONE

Vous vous sentiez bloqué?
On ne peut pas passer notre vie à dire que les autres sont des idiots! Nous sommes obligés de travailler avec eux. Yves Nidegger est étranger à ce sentiment. Il me fait penser à ces moines dominicains qui éprouvaient une satisfaction masochiste à s’imposer le cilice, non sans envoyer les hérétiques au bûcher, ad majorem Dei gloriam — «pour la plus grande gloire de Dieu». Il préfère perdre en se pensant idéologiquement pur et se dire qu’il est le seul à détenir la vérité, plutôt que de faire passer un projet.

En vous privant notamment d’accéder à des documents?
Oui. Il s’agit de documents qui étaient en possession du secrétariat du parti. J’ai demandé à y accéder, la réponse a été: «pas question!» C’est dérisoire et cocasse!

Vous avez renoncé au Conseil national, en 2023, au profit de votre collègue Thomas Bläsi. Le refus de l’UDC Genève de soutenir sa loi, soumise aux urnes le 9 juin, et visant à bannir les signes de haine de l’espace public, participe à votre exaspération?
Dans le climat actuel, après le pogrom du 7 octobre, et sachant que l’UDC est le seul parti en Suisse qui soutienne vraiment la communauté juive, cette décision est un retournement de veste immoral et un bon exemple de la politique de Gribouille, qui se jetait dans la rivière par peur de se mouiller!

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«Lorsqu'un faible manque d’assurance et est investi d’une fonction, il se rassure en démolissant ce qui a été fait par ceux qui l’ont précédé»
Charles Poncet au sujet du président de l'UDC Genève, Lionel Dugerdil
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Vous affirmez que le président de l’UDC Genève, Lionel Dugerdil, est également dans votre viseur. Qu’a-t-il fait pour l'être?
Personne n’est dans mon viseur, ce n’est pas mon genre, mais nous sommes passés d'une présidence vigoureuse, active, imaginative, celle de Céline Amaudruz, à une présidence passive, dépendante d'autrui. Lorsqu'un faible manque d’assurance et est investi d’une fonction, il se rassure en démolissant ce qui a été fait par ceux qui l’ont précédé et en plaçant partout des gens à sa dévotion. C’est dommage, c’est contreproductif et ça nous coutera des voix.

Comment jugez-vous ses démêlés avec la justice, comme lorsqu’il a cogné un promeneur finlandais avec une fourche?
Tout le monde peut faire une erreur et la «gifle avec le poing fermé» ou «la fourche amicale» (ndlr: il fait référence au cambrioleur que Lionel Dugerdil avait violenté en 2020, et au promeneur qu'il avait tapé avec une fourche, la même année) sont plutôt drôles et à la limite sympathiques par leur spontanéité! Ce qui me préoccupe, c’est que Lionel a menti au parti. Comment voulez-vous faire confiance à un président qui ment à son propre parti ?

Craignez-vous l’influence du président et du chef de groupe sur la réputation de l’UDC? Sur les jeunes qui voudraient rejoindre le parti?
Ce que j’appelle «le tryptique de Céline» (défense de la classe moyenne, lutte contre une criminalité toujours plus violente dont les premières victimes sont les femmes, retour sur une immigration incontrôlée) a été pour beaucoup dans notre succès aux élections cantonales. Nous continuerons à avoir un soutien de plus en plus fort sur ces thèmes, car l’exaspération ne cesse de croitre, en particulier sur la «petite» criminalité et l’immigration. Mais veut-on vraiment y ajouter la défense de signes nazis? Il me semble qu’on brouille le message et on donne à la gauche des verges pour nous battre.

Vous partez fâché?
Je ne pars pas du tout ! Je reste membre fidèle de l’UDC, seul parti en Suisse qui a une position cohérente sur les thèmes qui me tiennent à cœur! Je suis touché par le nombre de messages de soutien que j’ai reçu et je verrai mes amis(es) à notre prochaine assemblée!!!

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