Pour le lobby automobile, une chose est claire: malgré la menace d’une crise de l’approvisionnement en électricité, nous devons continuer à acheter des voitures électriques.
En effet, les véhicules dotées de ce type de propulsion contribuent de manière déterminante à la réduction des émissions de C02 en raison du mix électrique suisse, qui contient une faible part d’énergies fossiles. De plus, une étude de l’Office fédéral de l’énergie montre que les quelque 70'000 voitures électriques qui circuleront sur les routes suisses d’ici fin septembre 2022 ne représentent même pas 0,4% de la consommation d’électricité du pays.
Malgré le risque de pénurie, le boom continue
En analysant les derniers chiffres d'immatriculation des voitures neuves, il ne semble pas que la menace de crise de l’approvisionnement énergétique ait freiné jusqu’à présent le boom des voitures électriques en Suisse.
Les 21,6% de nouveaux véhicules rechargeables immatriculés en août (voitures électriques pures et hybrides plug-in) représentent une part de marché similaire à celle des sept premiers mois de cette année (24,2% en moyenne). Il faut toutefois tenir compte du fait qu’une grande partie de ces nouveaux véhicules électrifiés immatriculés le mois dernier sont des voitures neuves commandées bien plus tôt dans l’année, voire dès la fin 2021 - soit lorsque personne ne parlait encore d’une crise imminente dans le secteur énergétique.
Les informations provenant directement des centres de ventes sont donc plus pertinentes que cette statistique des immatriculation publiée par Auto Suisse. Blick s’est renseigné et a voulu savoir si la menace de la crise énergétique provoquait une certaine insécurité chez les consommateurs: comment les clients se comportent-ils lors de l’achat d’une voiture? Et que conseillent les vendeuses et vendeurs?
La clientèle n'est pas (encore) préoccupée par la crise
Une vendeuse de voitures neuves chez Ernst Ruckstuhl Mobility AG à Kloten (ZH) révèle: «Étonnamment, la menace d'une pénurie d'électricité n’a pas encore été un sujet de discussion pour notre clientèle.»
Jusqu’à présent, ni elle ni ses collègues n’ont été interpellés sur ce thème lors d’un entretien de vente. «C’est peut-être encore un peu tôt, suppose-t-elle. Redemandez-moi dans deux ou trois semaines.» Mais que conseillerait-elle aux clients inquiets? «Bonne question. Je ne sais pas actuellement, avoue-t-elle. Pour l’instant, nous vendons tout bien. Électrique, hybride, essence et diesel.»
Même son de cloche chez Christian Fischer, copropriétaire de la concession Volvo à Beinwil am See (AG). «Jusqu’à présent, aucun client qui a acheté une voiture électrique chez moi ne m’a demandé si j’avais un carburant de rechange à lui proposer», déclare-t-il en riant.
Puis il devient sérieux: «Mais il est vrai que plus de la moitié de nos acheteurs de voitures électriques génèrent leur propre électricité via des panneaux solaires installés sur le toit de leur maison. Ils ont tout fait correctement.»
Il ne sait pas quoi conseiller à ses clients
Le cinquantenaire suppose lui aussi que la menace de crise énergétique apparaît encore trop lointaine dans l'esprit des acheteurs. «Il y a encore assez d'électricité pour tout le monde. Mais cela ne pourrait plus être le cas à l'avenir», admet-il. Lui non plus ne sait pas quoi conseiller à ses clients. Un avantage selon lui est le fait que «Volvo continue à proposer toute la gamme de motorisations, du moteur à combustion à l’électrique».
Le plus grand importateur de voitures de notre pays, Amag, recommande aux clientes et clients qui choisissent une nouvelle voiture de continuer à envisager l'achat d'une voiture électrique - malgré le risque de pénurie de courant.
«Surtout dans la perspective d’une recharge bidirectionnelle», explique le porte-parole d’Amag, Dino Graf. Cette innovation permet aux voitures électriques de charger du courant, mais aussi de le restituer.
Quid des véhicules thermiques?
Évidemment, le président d’Auto Suisse et conseiller national UDC Albert Rösti défend lui aussi l’électromobilité: «Le transport est d’importance systémique pour notre société. Cela m’a été confirmé par le Conseil fédéral dans une réponse à ma question parlementaire: lors d’éventuelles mesures d’intervention sur l’approvisionnement en électricité, le gouvernement tiendra compte de l’importance de la mobilité.»
Mais cette réponse du Conseil fédéral va-t-elle rassurer les propriétaires actuels et futurs de voitures électriques? Albert Rösti admet que la menace d’une crise énergétique est un poison pour le développement futur du marché de l’e-mobilité. Il demande donc «que l’interdiction des moteurs à combustion envisagée par l’UE à partir de 2035 soit remise en question, car elle limite massivement la flexibilité dans l’utilisation des sources d’énergie disponible».
Il est toutefois peu probable à court terme que les parlementaires sous la coupole fédérale se détournent de l'interdiction des véhicules à combustion.
(Adaptation par Quentin Durig)