Les conventions collectives de travail déclarées «obligatoires» doivent primer sur les salaires minimaux cantonaux. C'est l'avis du Parlement, qui a transmis mercredi une motion en ce sens au Conseil fédéral.
La Chambre haute a pris cette décision par 95 voix contre 93 et 4 abstentions. Les groupes de l'UDC, du PLR et du Centre ont créé la majorité. Au Conseil des Etats également, une majorité bourgeoise l'a emporté.
La motion du conseiller aux Etats obwaldien Erich Ettlin (Le Centre) a pour objectif de faire prévaloir les conventions collectives de travail (CCT) déclarées de force obligatoire sur les dispositions contraires prises par les cantons en matière de salaires minimaux.
Les salaires minimaux cantonaux ne seraient plus valables
Si cette motion est mise en œuvre, les dispositions cantonales relatives aux salaires minimaux confirmées par le peuple - par exemple dans les cantons de Genève, de Neuchâtel et du Jura - deviendront caduques. Il faut pour cela que le Conseil fédéral déclare le champ d'application de la CCT dans les branches correspondantes. Ce sont alors les dispositions de celle-ci qui s'appliqueront. En d'autres termes, les salaires minimaux sur lesquels la population a voté dans les cantons deviendraient nuls et non avenus!
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Les partisans de la proposition ont argumenté que le partenariat social garantit la paix du travail en Suisse depuis plus de 100 ans. Cela ne devrait pas être mis en danger par des décisions populaires sur les salaires minimaux. Aujourd'hui, les conventions collectives de travail conclues par les partenaires sociaux sont déclarées de force obligatoire pour toute la Suisse par le Conseil fédéral, mais elles peuvent être annulées par des dispositions cantonales.
«Une bêtise, tout simplement»
La nouvelle réglementation ne conteste pas les salaires minimaux, ont toutefois précisé les partisans. Mais ceux-ci devraient être appliqués en particulier là où il n'existe pas de CCT et où les travailleurs ont donc besoin d'une certaine protection.
Pour la gauche, c'est un scandale. Les décisions prises démocratiquement ne devaient pas être contournées. Il s'agit d'une attaque frontale contre la souveraineté cantonale, a déclaré le coprésident du PS Cédric Wermuth: «C'est une bêtise, tout simplement.» Après le vote, le socialiste s'est montré très agacé: «Ce n'est rien de moins qu'un putsch parlementaire contre la Constitution», a-t-il tweeté.
Le Conseil fédéral a également rejeté la motion. Motif: une CCT déclarée de force obligatoire n'a pas la même légitimité démocratique qu'une loi cantonale. Selon le ministre de l'Economie, Guy Parmelin, le champ de tension n'est pas suffisant pour justifier une intervention qui pourrait être de grande ampleur.
Auparavant, les cantons romands avaient aussi adressé une lettre aux conseillères et conseillers nationaux pour les mettre en garde contre le «mépris de la volonté populaire». Les parlementaires n'avaient pas réagi.
Les syndicats entrent en résistance
Le Conseil fédéral doit désormais s'atteler à la mise en œuvre de la motion. Un calcul du syndicat Unia montre ce que celle-ci signifierait pour les travailleurs. Si le salaire minimum cantonal est supprimé, une coiffeuse à Genève recevra plusieurs centaines, voire 1000 francs de moins par mois. À Neuchâtel, elle perdrait jusqu'à 400 francs par mois.
L'Union syndicale suisse (USS) a déjà annoncé qu'elle combattrait le projet «par tous les moyens nécessaires» et qu'elle défendrait les salaires minimaux cantonaux. Cela signifie qu'un référendum sera probablement lancé.