«Ce serait le coup de grâce pour nous»
Un domaine skiable menacé de disparition suite à un recours administratif de l'OFEV

Cela fait maintenant dix ans que le téléski pour enfants d'Eriz, dans le canton de Berne, a été approuvé et construit. Aujourd'hui, l'Office fédéral de l'environnement veut le faire démonter, provoquant la frustration des exploitants.
Publié: 02.03.2025 à 18:00 heures
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Dernière mise à jour: 02.03.2025 à 18:13 heures
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Thomas Reusser ne peut tout simplement pas accepter le démantèlement du téléski.
Photo: Thomas Meier
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Hannes Boos et Thomas Meier

Le domaine skiable de SnowPark Eriz (BE), près de Thoune, vit déjà son dernier jour de la saison. Ce n'est pourtant pas la faute de la météo. La saison se déroule relativement bien et la neige est au rendez-vous. C'est la bureaucratie suisse qui vient mettre des bâtons dans les roues du exploitant du domaine.

Au printemps dernier, ils ont reçu une mauvaise nouvelle par courrier: l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) a déposé un recours contre la construction du téléski à assiettes «Schwändli». Pourtant, lors de sa construction il y a neuf ans, l'installation avait bien reçu un permis de construire ordinaire. Mais l'OFEV veut désormais qu'il soit retiré a posteriori. Le téléski pour enfants de 380 mètres de long se trouve dans un bas-marais d'«importance nationale» et bénéficie ainsi d'une protection constitutionnelle.

«Nos téléskis sont importants pour les communes d'ici», explique Thomas Reusser, président du conseil d'administration de SnowPark Eriz. Il n'y a guère d'autres offres de loisirs dans une région aussi isolée, surtout pour les jeunes familles.

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Si le téléski pour enfants est supprimé, c'est tout le modèle commercial qui s'effondrerait
Thomas Reusser, président du conseil d'administration de Snowpark Eriz
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Sans téléski, le domaine skiable ferme

Pour les exploitants, un démantèlement du téléski serait dévastateur. «Ce serait le coup de grâce pour nous, déclare Thomas Reusser. Notre entreprise ne survivrait probablement pas. Le domaine skiable s'adresse aux familles. Si le téléski pour enfants est supprimé, c'est tout le modèle commercial qui s'effondre.»

Sur place, la menace de la fin du domaine skiable est un sujet émotionnel depuis que le «Berner Zeitung» a rendu l'affaire publique. «La perte serait énorme», disent Daniela et Rahel, qui travaillent comme saisonniers à la station aval. «Les parents viennent ici avec leurs enfants, de génération en génération.» C'est ce qu'affirme également Friedrich, un retraité allemand qui a appris à skier à Eriz à l'âge de six ans et qui vend désormais des spécialités locales dans un magasin.

Un risque pour la sécurité

En 2015, il était urgent de reconstruire le téléski, explique Thomas Reusser. L'ancien téléski des années 70 ne répondait plus aux normes de sécurité internationales. Il n'était plus possible de trouver des pièces de rechange. Une simple rénovation n'aurait pas suffi.

Les exploitants des téléskis étaient conscients qu'il s'agissait d'un projet de construction délicat. Afin de respecter les conditions strictes, un biologiste indépendant a accompagné toute la phase de construction et de planification. «Le maître d'ouvrage a toujours pris en compte le paysage, la nature et le sol», peut-on lire dans son rapport final.

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Si le téléski avait de graves conséquences sur le paysage marécageux, je serais d'accord qu'il devrait être démantelé
Thomas Reusser, président du conseil d'administration de SnowPark Eriz
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«En accord avec le biologiste, les pylônes ont été installés avec le plus de ménagement possible, raconte Thomas Reusser. Si le téléski avait de graves conséquences sur le paysage marécageux, je serais d'accord qu'il devrait être démantelé.»

Le maire de Thoune prévoit d'intervenir

L'effort semblait en valoir la peine: en 2015, l'exécutif de Thoune a approuvé la construction de remplacement sans conditions. Mais il s'avère maintenant que les autorités cantonales avaient apparemment omis d'associer l'OFEV à la décision.

L'autorité fédérale n'a appris l'existence du téléski que l'année dernière, par hasard, selon ses propres dires. L'OFEV s'oppose donc à la décision de construire cette installation de ski. Outre le non-respect de l'obligation d'annoncer, il reproche au permis de construire de contredire la protection «absolue» que la Constitution suisse prescrit pour les marais d'importance nationale.

«La Constitution fédérale est à l'honneur, déclare Thomsas Reusser. Mais là, c'est incompréhensible.» Selon lui, l'opposition arrive nettement trop tard. «On crée une énorme incertitude pour les entreprises.» La mise en place a coûté à l'époque environ 650'000 francs, un montant qui n'a pas encore été rentabilisé à ce jour.

La résistance commence à s'organiser au sein de la sphère politique. «La proportionnalité est également ancrée dans la Constitution», explique Raphael Lanz de l'Union démocratique du centre (UDC), maire de Thoune. «Les exploitants eux-mêmes n'ont rien fait de mal.» Il prévoit de poser une première question au Grand Conseil du canton de Berne la semaine prochaine, et d'autres démarches devraient suivre.

Premier revers pour les exploitants de téléskis

La société SnowPark Eriz n'a jamais tenté de cacher le remplacement de son ancien téléski. La nouvelle installation a été mentionnée dans le journal officiel, même la «Berner Zeitung» en a parlé. Le couac vient plutôt de l'absence de concertation entre les autorités. De son côté, l'OFEV souligne dans son recours que le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé à plusieurs reprises dans des cas comparables en faveur du rétablissement de l'état naturel, «même pour des projets qui entraînent des coûts très élevés pour les propriétaires».

La Direction des travaux publics et des transports du canton de Berne (DTT), qui devait juger le litige en première instance, donne en grande partie raison au recours de l'OFEV. Le permis de construire datant de 2015 est donc jugé invalide. Cependant, la DTT estime que le retard du recours le limite à une «force juridique limitée». Pour l'OFEV, le délai d'opposition ne commence à courir que lorsqu'il prend connaissance du projet, peu importe combien de temps le délai régulier est déjà passé.

Les exploitants du téléski ont maintenant porté l'affaire devant le tribunal administratif bernois, et au besoin, ils sont prêts aller devant le Tribunal fédéral. Si le permis de construire n'est pas accordé, une procédure de remise en état sera obligatoire. Un démontage du téléski serait coûteux, jusqu'à 250'000 francs selon Thomas Reusser. Les exploitants devraient pour l'instant payer ce montant de leur poche, même s'ils peuvent spéculer sur la responsabilité de l'Etat. L'OFEV ne souhaite pas prendre position sur ce cas.

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