Ce que dit le droit du travail
Peut-on cesser de travailler en cas de canicule en Suisse?

Si les températures élevées ravissent les baigneurs, elles peuvent être infernales au travail. Au-delà de 35 degrés, les conditions deviennent même dangereuses pour la santé dans certains secteurs. Quels sont les droits des travailleurs dans ces cas-là? Explications.
Publié: 15.07.2022 à 09:59 heures
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Dernière mise à jour: 15.07.2022 à 16:57 heures
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La main-d'œuvre en Suisse souffre de la vague de chaleur actuelle.
Photo: Keystone
Martin Schmidt

Le bureau de ce bâtiment ancien, mal isolé, absorbe la chaleur estivale comme une éponge. Le mercure du thermomètre accroché au mur frôle la barre des 35 degrés. Une femme enceinte y est assise, le visage rouge et couvert de sueur, les pieds dans un seau d’eau tiède.

Cette scène s’était produite il y a quelques années en Valais. Elles risquent de se multiplier dans les jours à venir pour beaucoup de travailleurs en Suisse. En cause: la vague de chaleur qui déferle sur le pays.

«Le droit du travail ne prévoit pas de congé canicule»

D’après les prévisions météo, les températures pourraient atteindre près de 40 degrés dans certaines régions. Des conditions de travail spéciales sont-elles prévues dans ces cas-là? Peuvent-elles aller jusqu’à l’exemption?

«Il y a une exception pour les femmes enceintes. Comme les températures élevées peuvent être dangereuses pour elles, elles peuvent rester à la maison lorsque la température ambiante est de 28 degrés ou plus, à moins que l’employeur ne prenne d’autres mesures appropriées», explique l’avocate Marita Hauenstein en se référant à l’ordonnance sur la protection de la maternité. Dans d’autres cas, la situation est plus compliquée. «La loi suisse sur le travail ne prévoit pas de congé canicule.»

Or une chaleur très élevée sur le lieu de travail représente un risque pour tous les autres travailleurs, pas seulement les femmes enceintes. Dans ce cas, les employeurs ont une responsabilité. «Selon le Code des obligations, ils ont un devoir d’assistance envers leurs collaborateurs. Concrètement, ils doivent veiller à ce que la chaleur ne nuise pas à la santé de leurs employés», détaille Marita Hauenstein.

Fournaise sur les routes

Certains secteurs sont plus risqués que d’autres. À partir de 30 degrés, le risque d’accident augmente drastiquement lorsque le travail est exigeant au niveau physique. «Sur les chantiers en particulier, la chaleur extrême peut être non seulement désagréable, mais aussi dangereuse», alerte Chris Kelley, coresponsable de la construction au syndicat Unia. Les chiffres le confirment: si l’on en croit la Suva, l’assurance suisse contre les accidents, il y a cinq à dix accidents de plus ces jours-là. «Sur une année de six jours de canicule, cela représente environ 40 accidents supplémentaires», calcule Arabelle Frey, porte-parole de la Suva.

Certains travailleurs s’effondrent sous l’effet de l’énorme chaleur. La baisse de la concentration ou la détérioration du sommeil liées à cette dernière font également grimper le nombre d’accidents les jours de canicule. La situation est particulièrement difficile à vivre pour les travailleurs de la construction routière. L’asphalte utilisé atteint une température d’environ 160 degrés lorsqu’il est chauffé. Si l'on ajoute les températures de plus de 30 degrés, la route se transforme en véritable fournaise.

Dans de tels cas, la responsabilité de l’employeur est engagée. «Ici aussi, les employeurs doivent prendre des mesures appropriées, par exemple autoriser des pauses plus fréquentes et mettre à disposition des places à l’ombre», souligne l’avocate experte en droit du travail.

«Risque important pour la santé»

Il existe toute une série de recommandations pour les travaux dans le bâtiment, que ce soit de la part de la Société suisse des entrepreneurs, des syndicats ou de la Confédération. On y appelle d’une part les collaborateurs à se protéger en portant des vêtements amples, en se couvrant la tête et en se protégeant du soleil.

D’autre part, la Confédération conseille, pour les travaux moyennement physiques à partir de 25 degrés, d’éviter les heures supplémentaires et d’effectuer les travaux particulièrement pénibles tôt le matin. À partir de 32 degrés, il convient de réduire la charge de travail, d’adapter les horaires et de faire des pauses supplémentaires. À partir de 36 degrés, la Confédération parle d’un «risque important pour la santé» et recommande de faire évaluer la situation sur place par un spécialiste reconnu.

Du point de vue d’Unia, les règles existantes sont toutefois trop floues. «Dans le bâtiment, il faudrait des journées moins longues ainsi qu’une règle claire selon laquelle le travail doit être arrêté à partir de 35 degrés», revendique Chris Kelley.

Les vacances scolaires, c’est du passé

Le droit du travail protège en principe aussi les employés dans les espaces intérieurs comme les bureaux. Ces derniers doivent être suffisamment aérés et protéger les travailleurs d’une exposition excessive au soleil. En outre, la température ambiante et l’humidité de l’air ne doivent pas avoir d’effets négatifs sur la santé. «S’il fait trop chaud dans un bureau, l’employeur a l’obligation d’y remédier», pointe Marita Hauenstein. Il en va de même pour le travail sur des machines dégageant de la chaleur dans les usines.

Du côté de l’école, les élèves ne peuvent pas non plus espérer rater les cours lorsque les températures sont particulièrement élevées: «Il n’y a plus de congé canicule dans les écoles. Bâle-Ville est le dernier canton de Suisse alémanique à l’avoir supprimé en 2003», rappelle l’avocate en droit du travail. Les progrès techniques ont permis de construire des bâtiments scolaires modernes et climatisés pour empêcher la surchauffe dans les classes.

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