Julia Tkatchenko est Ukrainienne et elle s'inquiète. «Je ne veux pas retourner en Ukraine», confie-t-elle. A Uster (ZH), elle veut s'intégrer, apprendre l'allemand et travailler dur. Cette mère d'un fils de cinq ans craint désormais pour son avenir. Si elle peut encore rester en Suisse, c'est grâce au statut de protection S que tous les réfugiés ukrainiens ont obtenu. Celui-ci est valable pour l'instant jusqu'en mars 2024, la Suisse le prolongera probablement bientôt d'un an.
Mais Julia Tkatchenko se préoccupe du fait que la Suisse planifie déjà ce qu'il adviendra des Ukrainiens une fois le statut S levé. Vendredi dernier, un plan de retour a été discuté par le Conseil fédéral, alors que les forces russes n'ont pas cessé les bombardements sur des villes comme Kharkiv. «Il y a beaucoup d'armes dans le pays, je ne veux pas être en danger.»
«Le concept envoie un mauvais signal»
Andrej Lushnycky, président de l'Association ukrainienne Suisse et consul honoraire d'Ukraine, comprend la position de la Confédération. «Il est important d'avoir un plan. Sinon, les autorités seront forcées d'improviser d'ici-là.»
Mais ce plan envoie un mauvais signal, complète-t-il. «Alors que la Suisse avance vite sur la question du rapatriement, le soutien à l'Ukraine progresse plus lentement.» Pour chaque franc que la Suisse a donné à l'Ukraine jusqu'à présent, l'État russe a reçu 17 francs de l'argent des contribuables par le biais d'entreprises suisses. C'est ce qui ressort d'une analyse du réseau international B4Ukraine datant de 2022.
«La Confédération semble paralysée»
La Suisse pourrait jouer un rôle de leader en matière d'aide humanitaire, estime Andrej Lushnycky. «Mais la Confédération semble paralysée.» Selon lui, le gouvernement observe comment les autres États agissent au lieu de suivre une ligne claire pour soutenir l'Ukraine.
Le conseiller national des Vert'libéraux Martin Bäumle, marié depuis longtemps à une Ukrainienne, est du même avis. Pour lui, le plan de retour présente trop de questions ouvertes et d'imprécisions, raison pour laquelle la Confédération doit revoir sa copie.
Martin Bäumle critique par exemple le scénario de base fictif sur lequel s'appuient toutes les explications du concept. Celui-ci stipule: «L'intensité des combats a diminué. Les fronts se sont renforcés. La Russie a cessé ses attaques contre les villes ukrainiennes. Seuls des combats sporadiques ont encore lieu sur la ligne de front immédiate.»
Trop de risques
Cela signifie que la Confédération mettrait en place un retour sans que la guerre ne soit terminée. Impensable, selon Martin Bäumle. «Un retour n'est possible qu'à partir d'un cessez-le-feu complet.» Sinon, il y aurait trop de risques.
L'Organisation suisse d'aide aux réfugiés estime elle aussi que la Confédération ne devrait lever le statut S qu'après la fin de la guerre. Mais aussi qu'une «éventuelle suppression devrait être examinée avec soin». Il est toutefois courant que la Confédération élabore des concepts dans une phase de planification. D'autant plus que le statut S a été appliqué pour la première fois.
Les Ukrainiennes comme Julia Tkatchenko n'ont donc pas à craindre pour l'instant d'être renvoyées prochainement. Même si un jour, ce sera le cas.